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15 / 04 / 2009 | 4 vues
Eric Peres / Abonné
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Séquestrations de cadres : ne nous trompons pas de cible !

Les licenciements et plans sociaux se succèdent jetant des milliers de salariés dans le désarroi pendant que l’incertitude et la peur gagnent celles et ceux qui pensent encore pour un temps conserver leur emploi. En même temps que les conflits du travail éclatent et que les luttes que d’aucuns qualifient d’irresponsables s’amplifient, les salariés oscillent entre la revendication et la révolte sans pour autant s’éloigner de cette aspiration à plus de dignité.

Dans ce climat de tension où l’amertume côtoie la colère annonciatrice d’actes portés par le désespoir, les séquestrations de cadres et de dirigeants se multiplient. Des séquestrations qui émeuvent l’opinion publique d’autant plus fortement que celle-ci avait fini par s’accommoder, bien malgré elle, de ces fermetures d’entreprises. Alors faut-il dans un élan porté par la morale à bon marché juger cela comme « mal » ou « bien » ? Si tel était le cas nous devrions alors nous interroger sur le pourquoi et le comment nous en sommes arrivés là ?  Tout acte de violence à l’endroit d’une personne ne saurait trouver une quelconque justification. Et bien que lors de ces séquestrations, les cadres n’ont à ce jour fait l’objet d’aucune violence ni de maltraitance, cela ne saurait justifier ni encourager de telles pratiques.

Mais a contrario comment peut-on continuer à regretter de tels actes et dans le même temps assister à ce spectacle honteux de dirigeants dénués de tout scrupule continuant à se remplir les poches dans l’indécence et la démesure la plus totale. Et que dire de ce management au service de la logique financière qui fait preuve d’une défaillance sans pareil montrant du même coup les limites de ce « management socialement responsable » tant loué par certains ?

  • Au lieu d’en appeler à la moralisation du capitalisme ne faudrait-il pas en appeler au sens des responsabilités des employeurs, à leurs devoirs, à leurs obligations de se montrer dignes pour être à la hauteur des enjeux et non se défausser sans complexe sur leurs cadres pour assurer la sale besogne.

Des cadres qui finiront tôt ou tard par être remerciés avec les « mêmes égards » accordés aux autres salariés. N’est-ce pas là une violence qui ne dit pas son nom, cachée derrière un civisme de façade. Cette violence du mépris infligé à l’ensemble de ces salariés à qui l’on annonce sans crier gare qu’ils seront jetés comme des malpropres alors qu’ils n’ont cessé de retrousser leurs manches pour accroitre la compétitivité de leur entreprise. Une violence renforcée par le poids de l’injustice sociale que l’indifférence des pouvoirs publics et l’absence de dialogue social ajoutent à l’ampleur du drame.

Comment ne pas se rendre compte que ces licenciements qui se suivent et se ressemblent sont bien plus que des réductions d’effectif, qu’il s’agit là de cortèges de vies brisées où le fort sentiment d’humiliation grave son empreinte sur les personnes vidées de toute énergie, de tout élan vers l’avenir. Car dans l’insistance face au refus la révolte contre la hiérarchie symbolisée par ces séquestrations de cadres révèle aussi le refus du stigmate de la soumission à l’inéluctable, tout comme la reprise de soi dans une opposition à la puissance mortifère de la logique financière. 

Plus encore ce qui se livre sous nos yeux par ces séquestrations, c’est le sentiment d’abandon, de désespoir, voire de déraison qui s’empare de l’ensemble de ces salariés soudain privés non seulement de leur emploi et de leur salaire mais de leur raison d’être sociale. Et bien qu’ils ne puissent être tenus pour responsables de la crise, les salariés tout comme la majorité des cadres continuent encore d’en payer le prix. Une situation intenable que l’absence de réponses sociales tant de la part des employeurs que des pouvoirs publics aggrave avec le risque de conduire ces mêmes salariés à multiplier par souci de dignité élémentaire les actes désespérés pour exiger d’être enfin reconnus et entendus.

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