Rendre le travail formateur et cesser de prendre la formation pour une potion magique
Une nouvelle réforme de la formation est programmée en France pour le printemps 2018, un nouveau plan massif de formation des chômeurs doit aussi être lancé, mais à quoi bon former si le tissu économique n'offre guère de perspectives aux travailleurs en France ?
La formation n'est pas une potion magique
Relancer un grand plan de formation des chômeurs ou des investissements formation sans comprendre pourquoi et comment la formation a changé de nature depuis les années 70 c'est condamné notre pays à régresser socialement et économiquement.
Pour changer la formation il faut désormais changer à la fois de lunettes et de perspectives (idéologiques) pour intégrer l'importance de l'éducation et de la formation mais aussi ses nouveaux modes de réalisation (et de validation).
les besoins éducatifs des adultes aujourd'hui ne sont plus ceux des années soixante
Pour un état des lieux précis et objectif reportons-nous aux indicateurs internationaux, notamment à ceux produits par l'OCDE (notre économie doit être concurrentielle il faut donc pouvoir comparer nos connaissances et nos compétences à celles des autres pays)
En 2013 PIAAC (OCDE) révélait l'étendue des lacunes éducatives des adultes en France
un excellent résumé dans le journal le Monde
Que nous apprenait cette enquête PIAAC (qui portait sur 166 000 personnes dans 24 grands pays développés et sera renouvelée à l'automne 2017) ?
- En littératie (capacité à comprendre et à utiliser un texte écrit) les Français occupent l'avant-avant dernière place des 24 pays étudiés, précédant les seules Italie et Espagne dans la queue du classement
- en numératie (capacité à utiliser, appliquer, interpréter, communiquer, créer et critiquer des informations et des idées mathématiques de la vie réelle) les Français sont encore très mal classés, juste devant les USA, et encore l'Espagne et l'Italie.
Ce sont les 45-65 ans qui sont les moins éduqués en France
Un point important, souligné par cette enquête, est qu'une grande partie de nos retards incombent aux résultats des Seniors entre 45-65 ans.
Même si les jeunes NEET (sans éducation, sans formation ni emploi) sont près de 2 millions, sortant de l'école sans aucun niveau, il y a d'abord en France un problème de travailleurs âgés et en grande difficulté professionnelle en France (ouvriers d'usines déclinantes, travailleurs indépendants non qualifiés, travailleurs précaires, salariés étrangers....).
Ce problème des travailleurs Seniors est à la fois l'héritage d'une éducation insuffisante mais aussi d'une absence de formation, d'un monde du travail qui ne professionnalise guère ses personnels, ne les fait pas évoluer, se contentant d'appliquer les lois sur les minimas sociaux sans croire aux vertus des apprentissages.
L'erreur à ne plus commettre en matière de formation a pour nom "traitement social du chômage"
Rappelons en quoi consistait ce traitement "social" du chômage inventé par le socialisme des années 80 (et la transformation de l'école comme de la formation en garderie pour adultes)
a) Il faudrait garder les jeunes le plus longtemps possible dans le système éducatif. Sous prétexte qu'un étudiant coûte moins cher qu'un jeune chômeur et que la crise serait passagère on a rallongé plus que nécessaire la durée des études en France sans pour autant développer l'alternance (des "études" dans le vide souvent sans débouchés dans la vie professionnelle)
b) Occuper les chômeurs dans des stages longs (de pénibles, récurrents et inefficaces stages parking) bien souvent organisés sans perspectives d'embauche ni d'emploi en fin de cursus.
c) Enfin évincer les seniors le plus tôt possible de l'emploi via des dispositifs du type retraite ou pré-retraites (déguisés désormais en Plan de Départ Volontaire).
La formation n'est pas une entreprise d'occupation des adultes
Pour que la formation puissent être utile aux entreprises et à leurs salariés il faut qu'elle change de nature, de perspectives, de méthodes et d'opérateurs. Elle ne doit plus être invoquée comme ce -faux- remède miracle face au chômage mais conçue comme un outil d'accompagnement au sein d'une société entreprenante, mobile et promotionnelle.
Pour restaurer l'éducation et la formation il va falloir mettre à contribution l'ensemble des forces éducative du pays
Si comme l'explique l'OCDE près d'1/4 des actifs ont un très faible niveau d'éducation en France (soit 6 millions de personnes) il va falloir sortir des faux semblants ou des programmes homéopathiques de formation (on saupoudre depuis 30 ans des moyens en formation en France).
Trois années après le vote de la réforme de 2014, le socle des compétences qui était censés s'attaquer aux insuffisantes qualification n'aura permis qu'à quelques milliers de personnes de se former...sur un socle de formation largement inadaptée, trop long et trop complexe.
L'avenir de la formation, comme celui du travail, passe par la responsabilisation
Le futur du travail ne sera sans doute plus salarié (partout les entreprises cherchent à diminuer leur masse salariale, les plateformes de mises en contact progressent dans tous les domaines)
L'irressistible déclin du salariat généralisé
Si dans les années soixante on a pu financer et concevoir des usines à la campagne (Moulinex) ou entretenir d'énormes concentration d'ouvriers (Flins) ou d'employés (la Défense), l'avenir du travail se trouve aujourd'hui bien plus dans l'entreprenariat, le travail à distance, le travail indépendant et les plateformes de mise en contact (UBER)
Inverser le sens de la formation des chômeurs en se basant sur l'apprentissage : on trouve un emploi, un employeur et ensuite on se forme
Le plan Hollande pour la formation des chômeurs est un échec parce qu'il a posé la montée en compétences des chômeurs comme le préalable à leur emploi.
Au coeur des 30 glorieuses c'était sans doute vrai mais aujourd'hui c'est l'inverse qui se produit.
La plupart des entreprises n'ont pas ou peu de projets d'embauches et surtout elles ne sont plus (sauf exception) à la recherche de diplômés (il y en a déjà pléthore sur le marché de l'emploi).
Les entreprises (particulièrement les PME/TPE) cherchent des travailleurs (pas seulement salariés) motivés, éduqués, capables d'apprendre et de changer.
Il faudra que les demandeurs d'emplois intègrent que le travail ne sera plus abondant ni offert sur un plateau mais une quête permanente pour laquelle chacun doit participer et oeuvrer.
Si ce n'est pas la formation qui créera le travail ce sera travail qui imposera la formation
Il y a en France 3,1 millions de TPE/PME ( 96 % sont des micro-entreprises), 50 % de l'emploi salarié est le fait de ces petites structures (où le patron est un professionnel du secteur).
Si 1/3 d'entre elles pouvait recruter (et former) un chômeur, si pôle emploi rémunérerait et salariait ces personnes durant 3 à 5 années, les bénéfices pour les chômeurs comme pour le pays seraient immenses
- 1 million de chômeurs sortiraient (durablement) des statistiques du chômage
- ce million d'anciens chômeurs se formeraient en travaillant et en apprenant leur métier "sur le tas" (comme la plupart des métiers ce ne sont pas les études qui font le professionnel mais la réalité du travail)
- Ces anciens chômeurs auraient logiquement besoin de formations et ces formations auraient une toute autre signification et efficacité que celles organisées dans le cadre du plan 500 000 de François Hollande
Si ce type d'initiatives, était multipliée, en dehors des règles lourdes du droit du travail il semble évident que notre pays pourrait rejoindre le taux d'emploi des autres nations européennes
Il y a évidemment urgence à investir dans l'éducation des adultes, à mettre en oeuvre un plan Marshall de l'éducation et de la formation mais il faut donc oublier les anciennes règles, les faux semblants en forme d'usines à gaz et cette déresponsabilisation collective provoquée par l'enchaînement déraisonnable de réformes.
La formation tout au long de la vie doit être réhabilitée et promue en France
En 2014 les pouvoirs publics avaient cru bon de démanteler l'ancien (et perfectible) système de formation pour le remplacer par un dispositif fantasmé (le CPF) et des commissions et procédures bureaucratiques et illisibles, face à l'urgence sociale du chômage mais aussi au manque évident de compétences de nombreux travailleurs les anciennes recettes sont devenues inopérante
Une mobilisation générale pour l'éducation et la formation dès le début 2018
La société française est devenue une spécialiste es-procrastination, elle reporte sans cesse ses échéances (via ses comptes sociaux) alors que d'autres solutions (prônées entre autre par Peter Hartz) sont possibles
Sans attendre une nouvelle loi en 2018 et sa lointaine application en 2019 notre pays doit lancer une véritable mobilisation générale pour sa formation, une mobilisation de tous contre l'inculture économique, politique et sociale.