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PLFSS 2019 : le retour de l’amendement anti-famille nombreuse sur les avantages sociaux accordés aux salariés
Sécuriser et simplifier la distribution aux salariés des petites entreprises d’avantages « sociaux et culturels » exonérés de cotisations sociales par les dirigeants en direct du fait de l’absence de comité d’entreprise ou de CSE. Plafonner la capacité de redistribution des comités d’entreprise et des CSE des autres entreprises en contreparties du manque à gagner pour les caisses de la Sécurité sociale. C’était le sens de l’amendement déposé par Alain Fauré à la loi sur le travail du 8 août 2016. Un amendement renvoyé au projet de loi sur le travail au projet de loi de finance de la Sécurité sociale 2017. Sans plus de succès. Le voilà qui revient deux ans après, via le député UAI Paul Christophe.
Perte de pouvoir d'achat
Le 24 octobre, il est cette fois passé en première lecture sur le projet de loi de finances de la Sécurité sociale 2019. Un peu revue et corrigée dans la mesure où la notion d’événements spéciaux restent à l'affiche : mariage, PACS, naissance, fin d’année, rentrée scolaire mais aussi retraite, femmes célibataires de 25 ans et hommes célibataires de 30 ans etc. Pour le reste, l’idée consiste toujours à inscrire le régime et la justification des avantages sociaux et culturels dans le droit et plus dans une lettre circulaire de l’ACOSS. De même que celle de plafonner les avantages (chéques cadeaux, chéques culturels, aides aux vacances et autres subventions) exonérés à 10 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale. Alors que le forfait passait à 20 % à partir d’un enfant mais sans effet cumulatif dans l’amendement de 2016, le plafond serait cette fois « majoré en fonction du nombre d’enfants mineurs à la charge du salarié » mais toujours dans la limite de 20 %. Quoi qu’il en soit, les familles de plus de 2 enfants y perdront en pouvoir d’achat puisque les exonérations sont aujourd’hui proportionnellement cumulatives au nombre d’enfants à charge. Mais une part beaucoup plus large de salariés va également y perdre. Notamment ceux qui profitent des subventions du CE pour partir en vacances.
Le 2 septembre 2016, les ministres des Finances, du Travail et des Affaires sociales missionnaient l’inspection générale des finances pour remettre mi-octobre un rapport sur la réforme du régime social des avantages versés par les CE. Une consultation express des parties prenantes (syndicats, organisations patronales et acteurs économiques et parlementaires). L’association professionnelle des émetteurs de chèques et cartes cadeaux (A3C) avait réagi en voyant dans cette mission le « choix d’une économie à courte vue » car le gouvernement renoncerait « aux recettes fiscales et sociales en France et aux emplois soutenus par ces dispositifs ». La mission confiée à l’inspection générale des finances ne correspondait alors pas vraiment à l’engagement pris en mai par le gouvernement d’un bilan et d’une véritable concertation préalable. L’A3C déclarait : « des pistes existent pour moderniser les textes en vigueur » mais « le calendrier d’action du gouvernement mène à penser que la solution est déjà toute trouvée et sur le point d’être votée ». C'est encore loin d'être le cas.
Danger grave et imminent
Olivier Véran, député LaREM et rapporteur général de la commission des affaires sociales, suggérait le retrait de ces amendements « pour ne pas mettre le dispositif dans son ensemble en péril et pour permettre aux nombreux bénéficiaires des cadeaux de continuer de recevoir ces avantages de la part de leurs employeurs ». En clair, il y aurait plus à perdre qu’à gagner. D’autant que le député LaREM souligne que « la non-fiscalisation de ces cadeaux représente un coût non-compensé d’environ 1 milliard d’euros pour la Sécurité sociale ; élargir le champ de cette mesure coûterait vraiment trop cher ». Pour peu que les dirigeants de TPE et petites entreprises se saisissent davantage d’un levier de redistribution qui leur est déjà ouvert. La sécurisation changera-t-elle les choses ? Selon Olivier Véran, « cette tolérance ne relève pas d’un simple geste de sympathie de la part de l’administration mais fait l’objet d’instructions ministérielles et d’une lettre-circulaire très sérieuse de l’ACOSS ». La banalisation de cette offre sociale sera aussi peut-être un levier dans la décision d'un dirigeant de proposer des avantages sociaux de la sorte. L'amendement pourrait radicalement modifier les arbitrages sur les budgets qui bénéficeront potentiellement à plus de salariés mais sur des montants plus limités.
Alors que le projet de loi va passer devant le Sénat, aucune des organisations syndicales n’a encore pris de position nationale. Chez IBM, l’UNSA lance l’alerte sur le thème du « danger grave et imminent sur les subventions du CE et par conséquent sur le pouvoir d’achat » avec une pétition en bonus. Elle n'a toujours pas eu lieu, la large concertation sur la question du sens collectif des avantages sociaux distribués par les CE, CSE et directions, de leurs incidences sur le pouvoir d'achat, l'économie, et l'emploi sans faire l'impasse sur l’équilibre entre le salaire chargé en cotisations sociales et les « avantages exonérés »...
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les entreprises du voyage vent debout contre cet amendement