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31 / 10 / 2024 | 87 vues
Jean Louis Cabrespines / Membre
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Un ministère pour l’ESS de l’intéressement et de la participation : Pourquoi ? Comment ?

Ça y est, après de longues tergiversations, nous avons un gouvernement et, en son sein, dans la constitution initiale (ce qui veut dire que ce poste a été prévu dès le départ, contrairement à ce qui s’est passé ces dernières années), une ministre de l’économie sociale et solidaire, de l’intéressement et de la participation rattachée au ministère de l’économie et des finances.

 

On ne peut que saluer la nomination de Marie-Agnès Poussier-Winsback à ce poste et lui souhaiter de réussir dans sa mission. 9 ème ministre ou secrétaire d’État de l’ESS depuis 1984 (les 8 autres étant : Jean Gatel, Guy Hascoët, Benoit Hamon, Valérie Fourneyron, Carole Delga, Martine Pinville, Olivia Grégoire, Marlène Schiappa), elle se voit confier un portefeuille exigeant qui demande de prendre en compte une économie particulière dans un contexte où l’économie libérale, malgré son échec de plus en plus visible, continue à régner en maître.

 

Avant la nomination de la ministre, ESS France a pris acte de l’annonce de la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre en précisant : « L’Économie Sociale et Solidaire incarne bien souvent le premier kilomètre de l’intérêt général dans un contexte de désertification des territoires et de dégradation des services publics. (...) elle est essentielle et présente dans le quotidien de millions de citoyens. L’ESS, par sa contribution, permet d’importants coûts évités pour la puissance publique (...) : elle représente un véritable filet de sécurité pour la cohésion sociale, la vitalité de notre démocratie ou encore la dignité des personnes. »

 

Je ne sais si ce rappel de l’importance de l’ESS dans la vie des citoyens a eu un effet, mais la nomination d’une ministre déléguée à l’ESS est une réponse qui peut satisfaire les structures de l’ESS, dès lors qu’une feuille de route précise et coconstruite est mise en œuvre.

 

Car, disons-le, c’est bien par une union des forces, des capacités et des convictions que pourront avancer un certain nombre des chantiers de l’ESS.

 

Le Monde du 22 septembre traduit certaines des préoccupations des acteurs de l’ESS : « Alors que, depuis janvier, l’économie sociale et solidaire (ESS) était rattachée à la ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme Olivia Grégoire, Marie-Agnès Poussier-Winsback se voit donc confier un portefeuille ministériel explicitement dévolu à l’économie sociale et solidaire et positionné dans le périmètre du ministère de l’économie et des finances, soit deux des revendications formulées dès la nomination de Michel Barnier par ESS France, l’association qui représente les acteurs de l’économie sociale et solidaire et porte leurs intérêts. »

 

L’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES) pour sa part se félicite de la nomination de cette nouvelle ministre :« La nomination d'une ministre dédiée à l’ESS est un excellent signal pour les 220 000 employeurs du secteur. Ce que nos employeurs attendent, c’est une reconnaissance à la hauteur de leur contribution. (...) L'économie sociale et solidaire est un pilier indispensable de notre société, et les employeurs de l’ESS méritent un soutien fort et concret de l’État.

 

Pas de demi-mesures, pas de coupes.

 

Il est essentiel de mettre en place un plan ambitieux, doté de moyens adéquats, pour permettre aux employeurs de l'ESS de relever les défis sociaux, économiques et environnementaux auxquels ils sont confrontés.

 

L'ESS et ses employeurs doivent être pleinement reconnus pour leur apport crucial à la société et à l’économie. (...)

 

L’UDES attend désormais de prendre connaissance de la feuille de route du Gouvernement pour évaluer si les ambitions affichées pour l'ESS seront concrètement suivies d'effets. »

 

Une feuille de route, nous en avons une qui existe déjà, de l’ancien gouvernement et qui pourrait servir de base à un engagement de cette ministre.

 

En effet, Olivia Grégoire avait présenté, lors du lancement du Mois de l’ESS 2023, ce qu’elle envisageait de faire avec les acteurs de l’ESS, réaffirmant, ainsi que l’indique ESS France dans la présentation de cette feuille de route, son engagement pour accélérer le développement de l’ESS : « Les nouvelles formes d’entreprenariat, la coopération, le partage de la valeur, la quête de sens qui ne se limite pas à la jeunesse, la gouvernance plus démocratique des entreprises sont autant de concepts ou de réalités qui sont terriblement d’actualité et très inspirants pour notre politique économique. ».

 

Elle a rappelé le rôle que peut jouer l’ESS face à « l’exigence croissante de trouver dans notre travail une source d’épanouissement, d’engagement, de sens ».

 

La ministre voulait poursuivre le travail engagé dans le développement de l’ESS et l’accompagnement des services de l’État en la matière : « Nous devons aux acteurs de l’Économie sociale et solidaire une stabilité dans les priorités ».

 

Et ces priorités, elle les a clairement indiquées :

 

- Désigner un ETP dédié à l’ESS dans chaque préfecture de Région,

- Ancrer les PTCE comme les pôles de compétitivité de l’ESS,

- Travailler sur les modèles économiques de l’ESS (ESUS, SCIC et SCOP). Mais cela ne pourra se faire que par une démarche commune à plusieurs ministères tant le mode d’entreprendre de l’ESS touche à plusieurs secteurs économiques.

 

C’est bien ce qu’a demandé l’UDES dans son communiqué lors de la nomination de Marie-Agnès Poussier-Winsback : « L’UDES salue (...) la nomination d’Astrid Panosyan-Bouvet au poste de ministre du Travail. Sa connaissance des enjeux spécifiques aux employeurs de l'ESS sera un atout précieux pour renforcer la qualité du dialogue social dans l'économie sociale et solidaire. »

 

Olivia Grégoire parlait de créer des ponts vers le tourisme social, l’économie de proximité, le commerce avec les épiceries solidaires, au service d’une approche plus intégrée. Mais elle réaffirmait, comme Jérôme Saddier alors président d’ESS France, la nécessité de mettre la lucrativité à distance de secteurs dont le soin de l’humain est le cœur. « Là où il y a de l’humain, il ne peut pas y avoir que du lucratif. (…) Il y a un fort enjeu pour les modèles où la lucrativité n’est pas l’Alpha et l’Omega : EHPAD solidaire, tarification liée aux revenus, petite enfance. (…) L’ESS doit être force de proposition sur ce sujet. ».

 

A ce propos, le (nouveau) scandale dénoncé dans les crèches montre bien que la lucrativité dans des domaines comme ceux des personnes âgées comme de la petite enfance génèrent des comportements où l’humain est oublié. Il serait sans doute souhaitable de contraindre que de tels secteurs soient obligatoirement portés par des structures non lucratives œuvrant pour l’intérêt général.

 

D’ores et déjà, mettons à son crédit sa volonté de soutien financier de l'État, à hauteur de 1,5 million d'euros, les 15 Pôles Territoriaux de Coopération Économique (PTCE) sélectionnés dans le cadre de l’Appel à Manifestation d'Intérêt lancé par Olivia Grégoire.

 

Mais 100 000 euros par PTCE pour l'animation des dynamiques de coopération territoriale qui regroupent divers acteurs (associations, coopératives, collectivités, habitants, chercheurs, entreprises traditionnelles, etc.), ce n’est pas suffisant et il y a fort à parier que les collectivités territoriales auront des difficultés à apporter des contributions locales.

 

L’hybridation des ressources, chère aux structures de l’ESS, est en la matière, dans le contexte économique, social, politique, avec des restrictions budgétaires importantes, mortifère pour les projets portés par les PTCE si les différent financeurs ne sont pas en mesure de satisfaire des besoins d’animation territoriale.

 

Il reste beaucoup à faire, dans un contexte où nous notons une grande inquiétude du secteur associatif avec des licenciements dans de grandes associations, avant même le vote du PLF qui touchera, forcément, les entreprises de l’ESS de manière forte.

 

Si l’on constate une certaine volonté de nombre de salariés de reprendre leurs entreprises en difficulté en SCOP (ce qui n’est pas forcément le signe d’une bonne santé de l’économie), il existe une difficulté grandissante de mobilisation des financements pour ces reprises.

 

Nous sommes donc dans une situation qui mérite une grande mobilisation pour parvenir à développer l’ESS et ce qu’elle défend. Elle a déjà largement avancé en bien des domaines au plan national comme international. Ainsi, il est demandé par la commission européenne aux pays membres de l’Europe d’établir une stratégie nationale de l’ESS. La France ne l’a pas fait. Ce serait, sans aucun doute, l’une des missions de cette nouvelle ministre afin que nous conservions la place qui est la nôtre, malgré l’absence de commissaire européen pour l’ESS.

 

Restons positif et arguons que Marie-Agnès Poussier-Winsback aura à cœur de faire vivre l’ESS, premier élément de son portefeuille et qu’elle saura travailler avec les acteurs représentatifs de cette autre économie. Une inquiétude subsiste cependant car dans l’intitulé de son ministère se trouvent la participation et l’intéressement qui n’ont pas réellement à voir avec l’ESS (selon le site services-publics.fr : participation = dispositif d'épargne salariale basé sur la distribution d'une partie des bénéfices de l'entreprise aux salariés ; intéressement = plan d'épargne salariale qui permet de verser aux salariés une prime proportionnelle aux résultats ou aux performances de leur entreprise.).

 

Cette inquiétude est d’autant plus forte que ces sujets n’ont pas vraiment à voir avec la volonté de mettre la lucrativité à distance, ADN de l’ESS.

 

L’avenir nous dira comment se fera la construction d’une politique commune de l’ESS.

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Un ministère pour l’ESS, pourquoi ? : pour faire baisser la contribution en direction de l’ESS !

 

Ça y est, après de longues tergiversations, nous avons un gouvernement et, en son sein, dans la constitution initiale (ce qui veut dire que ce poste a été prévu dès le départ, contrairement à ce qui s’est passé ces dernières années), une ministre de l’économie sociale et solidaire, de l’intéressement et de la participation rattachée au ministère de l’économie et des finances.

 

On ne pouvait que saluer la nomination de Marie-Agnès Poussier-Winsback à ce poste et lui souhaiter de réussir dans sa mission.

 

9ème ministre ou secrétaire d’État de l’ESS depuis 1984 (les 8 autres étant : Jean Gatel, Guy Hascoët, Benoit Hamon, Valérie Fourneyron, Carole Delga, Martine Pinville, Olivia Grégoire, Marlène Schiappa), elle se voit confier un portefeuille exigeant qui demande de prendre en compte une économie particulière dans un contexte où l’économie libérale, malgré son échec de plus en plus visible, continue à régner en maître.

 

Avant la nomination de la ministre, ESS France a pris acte de l’annonce de la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre en précisant : « L’Économie Sociale et Solidaire incarne bien souvent le premier kilomètre de l’intérêt général dans un contexte de désertification des territoires et de dégradation des services publics. (...) elle est essentielle et présente dans le quotidien de millions de citoyens. L’ESS, par sa contribution, permet d’importants coûts évités pour la puissance publique (...) : elle représente un véritable filet de sécurité pour la cohésion sociale, la vitalité de notre démocratie ou encore la dignité des personnes. »

 

Je ne sais si ce rappel de l’importance de l’ESS dans la vie des citoyens a eu un effet et si la nomination d’une ministre déléguée à l’ESS serait une réponse qui puisse satisfaire les structures de l’ESS, mais les premiers actes de ce gouvernement lors de la présentation du Projet de Loi de Finances 2025 sont loin de démontrer la prise en compte de l’ESS dans sa politique, voire même si nous ne pouvons pas considérer cela comme « une humiliation » comme le dit le délégué général d’ESS France, Antoine Détourné : « cette annonce est une humiliation, et le signal envoyé par le gouvernement est celui du mépris envers les acteurs de l’économie sociale et solidaire (…) C'est un immense retour en arrière ».

 

Comment expliquer que nous voyions un budget amputé de 5 millions sur 19 millions, soit 25% de baisse.

Comment concevoir qu’un gouvernement qui nomme une ministre de plein exercice ne lui donne pas les moyens de sa politique ?

Quelle signification cela a-t-il et quelles conséquences pour les acteurs de l’ESS ?

 

Sur ce point, Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, considère que « c’est un carnage (…) Alors que l’on demandait des moyens supplémentaires puisque nous avons de plus en plus d’espaces d’engagement sur le territoire, découvrir que le budget est raboté de 25 % est hallucinant, voire insultant », s’insurge-t-elle.

 

Des secteurs économiques entiers seront touchées, en particulier ceux qui travaillent à l’intérêt général et mettent en œuvre les politiques sanitaires et sociales, en complémentarité voire en substitution des politiques publiques défaillantes.

 

Nous savons que nombre des financements proviennent de conventions entre l’État et des structures de l’ESS (associatives, en particulier), mais aussi avec les collectivités territoriales dans leurs domaines de compétences.

 

La baisse des financements d’État et la situation financière de certaines collectivités vont entrainer des coupes drastiques qui conduiront à des licenciements, mais aussi à des absences d’intervention dans certains domaines (protection de l’enfance, justice, santé, …).

 

A cela s’ajoute la baisse de la prise en charge des soins par la sécurité sociale, orientant ces dépenses vers les mutuelles qui vont aussi être dans une situation intenable.

 

On aurait voulu tuer cette forme d’économie que l’on ne s’y serait pas pris autrement.

 

Le communiqué de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes),  par la voix de son président Hugues Vidor ne dit pas autre chose : « Pour rappel, une grande partie des structures et entreprises de l’ESS, qui épaulent les services publics dans leur mission d’intérêt général, reçoivent des dotations de l’État et des collectivités. Si les coupes budgétaires s’abattent sur elles, c’est tout un écosystème de 220 000 structures employant 2,4 millions de salariés qui sera fragilisé ».

 

Et cela est sans doute à rapprocher de notre inquiétude face à la déclaration du Premier Ministre qui disait vouloir s’appuyer sur les bénévoles (cf. lettre du CIRIEC –septembre 2024) : on supprime des crédits aux structures de l’ESS et on fait intervenir des bénévoles en lieu et place de ces entreprises qui travaillent pour l’intérêt général.

 

ESS France alerte sur ce type de projet, dans le communiqué qu’il vient de faire paraître, indiquant le risque couru sur un appel au bénévolat alors même qu’il connait une crise et la perte de financement des moyens des entreprises de l’ESS : « Alors que nous traversons une crise institutionnelle et un désenchantement de l’engagement bénévole sur la corde duquel on a trop tiré, ce budget est inconscient.

L’ESS ne peut plus se contenter d’être payée en symboles et succès d’estime pour ce qu’elle apporte à la société. ESS France appelle les parlementaires du camp républicain à renverser cette logique d’assèchement des solidarités et démocraties de proximité », Benoit Hamon, président d’ESS France précisant « On ne pouvait pas faire budget plus déconnecté du réel, des besoins du terrain et du quotidien des Français. Les millions de bénévoles et employés de l’ESS subissent là une humiliation d’autant plus injuste qu’ils assurent partout en France, le 1er kilomètre de l’intérêt général. Nous mobiliserons toutes les voix de l’ESS dans les territoires pour combattre cette injustice. »

 

Cette situation va mettre en grand danger toute l’ESS. A nous tous d’agir. Et que notre ministre agisse aussi si elle veut vraiment faire vivre notre forme d’économie.