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Un employeur peut-il m’imposer une modification de mon contrat de travail lors de la reprise ?
Lors de la reprise de mon travail, mon employeur peut-il m’imposer une modification de mon contrat de travail ? Peut-il modifier mon contrat et me faire travailler de nuit, par exemple ?
En raison du contexte actuel de covid 19, l’employeur risque d’imposer des modifications du contrat de travail dites « temporaires ». Par exemple, la mise en place d’horaires décalés préconisée par le Ministère du Travail dans son protocole national de déconfinement interroge sur la possibilité pour l’employeur d’imposer à ses salariés de temporairement travailler de nuit.
En principe, une modification du contrat de travail (tel que le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit) ne peut être imposé au salarié (Cass. soc., 7 avril 2004, n° 02-41486 ; Cass. soc., 25 juin 2014, n° 13-16392). L’employeur doit obtenir l’accord du salarié, généralement formalisé par la signature d’un avenant.
Pour autant, la jurisprudence semble traiter les « modifications » qui sont temporaires différemment (Cass.soc., 3 février 2010, n° 08-41412). Celles-ci semblent s’analyser en un simple changement des conditions de travail (ne nécessitant alors pas l’accord du salarié) en remplissant trois conditions cumulatives ci-après énoncées. En l’absence de l’une de ces trois conditions, l’employeur est tenu d’obtenir l’accord du salarié.
1. Être motivée par l’intérêt de l’entreprise
L’employeur risque de justifier cet intérêt de l’entreprise par les préconisations du ministère imposant d'instaurer des horaires décalés. Reste alors à démontrer que la mise en place d’horaires décalés dans l’entreprise était nécessaire pour respecter les règles de distanciations sociales.
L’employeur étant présumé de bonne foi, c’est malheureusement au salarié de démontrer que la décision de l’employeur a été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise.
2. Être justifiée par des circonstances exceptionnelles
Dans le contexte actuel, les critères des circonstances exceptionnelles semblent difficilement contestables.
3. Préalablement informer le salarié « dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l’affectation et de sa durée prévisible »
L’exigence d’information est donc double.
Sur le caractère de délai raisonnable de l’information, ce point relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Cette notion de délai raisonnable s’apprécie notamment en fonction de l’importance du changement et de sa durée. Pour autant, en raison des incertitudes actuelles, il y a fort à craindre que les juges ne fassent preuve d’une grande souplesse.
L’information du salarié quant à la durée prévisible du changement risque de poser des difficultés dans la mesure où nous avons peu de visibilité sur l’évolution de la crise sanitaire.
Reste alors à savoir si le salarié pourra opposer à l’employeur que le changement temporaire (notamment le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit) porte atteinte à son droit à une vie personnelle et familiale (par ex. problématique de garde d’enfant) ?
Dans une telle hypothèse, il reviendra à l’employeur de démontrer que l’atteinte à la vie personnelle et familiale est justifiée par la tâche à accomplir et est proportionnée au but recherché (art. L. 1121-1 du code du travail).
Par ailleurs, le salarié pourrait s’opposer à un tel changement sous réserve de démontrer l’atteinte excessive à son droit à la vie personnelle et familiale (Cass. soc. 3 novembre 2011, n° 10-14702).