Transformation numérique de l'Etat: la mise en œuvre d’orientations stratégiques reste à consolider
La Cour des comptes s'est intéressée au sujet et vient de publier un rapport sur “Le pilotage de la transformation numérique de l’État par la Dinum (direction interministérielle du numérique) ».
Les enjeux et les défis à relever sont, à l'évidence, d'importance....le volet budgétaire étant loin d'être mince compte tenu de la diversité des initiatives développées dans l'ensemble des ministères avec parfois des succès "contrastés"...
Pour mémoire: Le plan « Action Publique 2022 » faisait du numérique un des trois leviers de la transformation publique et plus récemment, les deux derniers comités interministériels de la transformation publique (CITP), présidé par le Premier ministre, ont placé ce thème au rang des principales priorités du Gouvernement.
Rappelons que depuis 2019, la direction interministérielle du numérique (Dinum), rattachée administrativement au secrétariat général du gouvernement et placée sous l’autorité du ministère de la transformation et de la fonction publiques en 2020, est responsable de la conception et de la mise en œuvre de la stratégie numérique de l’État. Elle conseille le Premier ministre et les ministres compétents sur la prise en compte du numérique dans les politiques publiques et pilote la transformation numérique de l’État à travers plusieurs missions.
En 2023, une nouvelle feuille de route a été validée, visant à renforcer la conduite des projets numériques, la professionnalisation des ressources humaines, l’exploitation des données publiques et la souveraineté numérique.
Après avoir souligné d'emblée que: "La capacité de la Dinum à piloter une politique interministérielle a été altérée par des changements de direction fréquents depuis 2018 et des orientations stratégiques variées " et donc.. à " une stratégie numérique trop instable et une adhésion interministérielle limitée, malgré un besoin de continuité et de cohérence pour faire face à des enjeux majeurs",... .la Cour formule nombre d'observations pour le moins vivement critiques, parmi lesquelles le fait que :
-L’assise budgétaire complexe et la gestion éclatée des ressources humaines de la Dinum peuvent entraver l’efficacité de son pilotage interministériel
-sur la promotion de la donnée publique et le réseau interministériel de l’État : les missions historiques sont globalement assumées avec des résultats contrastés et qui nécessitent une vigilance accrue
- sur la conduite de l’innovation des services et prestations numériques et le suivi des grands projets numériques : une légitimité interministérielle est en partie acquise...mais qui reste à consolider
- et s'agissant des produits numériques interministériels : une ambition forte, dont l’impact devra être évalué de façon rigoureuse dans un contexte de faible adhésion des utilisateurs
Pour conclure que:
"Le besoin d’une stratégie numérique de l’État et d’une direction chargée de son pilotage ne fait aujourd’hui aucun doute. Toutefois la légitimité d’une direction transversale, responsable de la mise en œuvre d’orientations stratégiques valables pour l’ensemble de l’Etat, reste à consolider. Ce sera l’enjeu de la validation des feuilles de route ministérielles dans les prochains mois.
Pour ce faire, la stabilité des orientations et l’écoute des ministères, au plus près de leurs besoins, sont indispensables pour asseoir le pilotage de la transformation numérique de l’État.
La posture initiale, où la Dinum a souhaité « faire contre » les ministères pour leur prouver qu’il fallait évoluer, a fait long feu.
La Dinum doit désormais faire évoluer la gouvernance publique du numérique vers une plus grande interministérialité, ce qui nécessite de conforter son assise institutionnelle, tout en conservant pour ses missions « socles » les plus importantes un rôle central."
Les recommandations proposées par la Cour des Comptes:
- Renforcer l’assise interministérielle de la Dinum, en cohérence avec son rôle de secrétariat du comité interministériel de pilotage du numérique et des données.
-Rattacher les actions portées par l’Innovation et transformation numériques au programme Coordination du travail gouvernemental.
-Créer une instance, présidée par la directrice interministérielle du numérique et réunissant les ministères, pour suivre les chantiers liés à la filière RH du numérique.
-Formaliser d’ici 2025 un plan de continuité d’activité et un plan de reprise d’activité pour le réseau interministériel de l’État.
- Formaliser et réaliser le suivi de la feuille de route pluriannuelle du réseau interministériel de l’État avec des objectifs et jalons actualisés en lien avec les ministères.
- Donner systématiquement à un représentant de l’incubateur de la Dinum une voix délibérante aux comités d’investissement des start-ups d’État.
- Publier pour chaque start-up d’État les objectifs associés aux indicateurs d’impact, leur taux d’atteinte ainsi que leur budget et actualiser ces données régulièrement.
-: Doter la Dinum, en lien avec la direction du budget, d’un pouvoir de veto budgétaire sur les projets faisant l’objet d’un avis défavorable.
- Inclure les projets numériques portés par les opérateurs de l’État dans le champ de la procédure d’avis conforme de la Dinum.
- Doter les produits numériques interministériels d’un comité de pilotage donnant une voix délibérante aux ministères utilisateurs.
- Consolider les dépenses liées à la stratégie numérique de l’État et systématiser le calcul des gains budgétaires à en attendre.
- Internaliser au sein de la Dinum la responsabilité du suivi du numérique éco-responsable, lui transférer les crédits de la mission interministérielle pour le numérique éco-responsable.
- Accompagner les ministères dans l’évaluation et la résorption de leurs dettes techniques.
Le rapport complet:
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-07/20240710-S-2024-0754-Pilotage-transformation-numerique-Etat-par-direction-interministerielle-du-numerique.pdf