Organisations
Mettre le numérique au service du dialogue social dans les entreprises et la fonction publique
L’association Réalités du dialogue social, qui réunit près de 200 membres DRH, directeurs.trices des relations sociales, représentants des organisations syndicales, dirigeants de structures publiques, avec l’ambition de promouvoir le dialogue social, vient d’achever un cycle de travail sur « l’impact du numérique sur le dialogue social ». Cette étude est le fruit de retours d’expériences de praticiens des relations sociales et d’ateliers organisés en novembre dernier en partenariat avec France Stratégie.
La synthèse des travaux est publiée à ce moment inédit où l’Europe entière se retrouve en période de confinement, et où la question du dialogue social à distance via les outils numériques s’impose aux salariés, aux employeurs et aux syndicats. À titre d’exemples, dès les premiers jours du confinement, en respectant le calendrier initial et à l’issue de trois réunions de négociation en présentiel, un plan de départs volontaires a été signé sur les deux entités de Hewlett-Packard Enterprise grâce à une signature électronique. D’une façon générale, les syndicats et les directions n’ont cessé depuis deux semaines un dialogue social à distance, quasi-quotidien et informel afin de gérer les effets de la crise sanitaire sur l’organisation et les conditions de travail enchaînant les conférences téléphoniques sur tous les sujets d’information et qui comportent des points de consultation obligatoires. Au sein du groupe Thalès, un accord de gestion de crise a même été négocié en urgence, en audio conférence. Outre-Rhin, à l’heure où les CE (Conseils d’entreprise) devaient prendre plusieurs décisions, notamment pour autoriser les nombreuses mesures de chômage partiel, le ministre de l’Emploi et des Affaires sociales allemand a annoncé que ses services juridiques considéraient qu’eu égard à la nature exceptionnelle de la situation, et en attendant une directive, des décisions prises par vidéoconférence seraient juridiquement valables. L’enjeu de ce dialogue facilité est de rassurer les salariés et agents – par exemple, chez Renault, la CFDT a rédigé une newsletter sociale qu’elle a fait circuler sur les réseaux sociaux au lieu de la placer sur l’intranet.
Elus syndicaux et responsables des relations sociales s’accordent à dire que cette période éprouve les méthodes de travail et oblige à l’expérimentation car comme le souligne l’étude de l’association Réalités du Dialogue social, nous n’en n’étions jusqu’à présent qu’aux balbutiements de la digitalisation des relations sociales. L’étude montre que les outils numériques étaient utilisés avec méfiance et perplexité et que la relation digitalisée ne pouvait se substituer au dialogue social. Il y avait jusqu’à présent une forme de conservatisme dans la façon dont les acteurs du dialogue social faisaient usage du numérique. L’asymétrie entre les directions qui disposaient de moyens matériels, juridiques et humains (compétences) et les représentants du personnel qui avaient peu de temps à consacrer au déploiement numérique freinait la digitalisation des relations sociales. L’acculturation au numérique différait jusqu’à présent selon les syndicats ; si certains avaient depuis quelques années entamé leur mue interne en développant des outils digitaux et des actions de sensibilisation et de formation auprès de leurs mandants, nous étions encore loin d’un basculement vers le syndicalisme 4.0.
Les efforts et les toutes récentes initiatives numériques en matière de relations sociales, vont - ils perdurer, tant au niveau des syndicats comme des directions, une fois le confinement passé ? Des relations sociales 4.0 vont - elles émerger ?
C’est face à cette interrogation que l’étude de l’association prend toute son importance car celle-ci recense les pratiques numériques en matière de relations sociales, d’une part entre les directions et les IRP (sharepoint, négociation en visio conférence, conférences téléphoniques, BDES numériques, versant numérique des accords CSE) et d’autre part entre les IRP et les salariés (tweets et textos, newsletters, réseaux sociaux, mails, vidéos) mais également entre les salariés et la direction (baromètres sociaux, instruments de reporting managériaux…).
L’étude indique que le digital accroît les opportunités pour communiquer plus facilement et autrement avec les salariés ou agents en atteignant les collaborateurs difficiles d’accès comme des télétravailleurs, les expatriés ou les salariés en déplacement clientèle. Du côté des syndicats, le numérique permet une instantanéité́ des messages en phase avec les moments d’information, consultation, négociation et de mobilisation des salariés lors de mouvements sociaux et il réduit le coût face à une responsabilité́ environnementale croissante (opération « zéro papier », moins de déplacements...). Même les tracts ont leur version digitalisée. Le digital se révèle souvent plus attractif pour les nouvelles générations de salariés qui seront bientôt majoritaires dans les entreprises et il devrait constituer un levier d’adhésion.
Si le dialogue social 4.0 peut émerger plus facilement à l’issue de cette crise, cette étude constate néanmoins que tout ne peut pas être digitalisé et que les actions terrain et le présentiel ne peuvent totalement être remplacés dans certains cas. Si le numérique autorise des modalités de dialogue plus souples, moins formalisées (visioconférence, PV en ligne…), certains objets de dialogue social, parfois délicats, nécessitent de tenir des réunions en présentiel. Quant aux relations avec les collaborateurs, les occasions de contacts directs via le tractage et des débats (réunions, AG, afterwork…) demeurent fondamentales pour, d’une part, être à l’écoute des préoccupations du terrain et apporter des informations et conseils aux salariés et / ou militants syndicaux sur les sites.
La publication « Comment mettre le numérique au service du dialogue social dans les entreprises et la fonction publique ? » de l’association Réalités du dialogue social est à retrouver en cliquant ici. Elle rend compte d’un cycle de travail qui s’est déroulé́ de juin 2018 à fin 2019 réunissant une quinzaine de participants réguliers - représentants des organisations syndicales, d’entreprises, d’administration publique ainsi que des consultants, chercheurs et start-uppers.