Lier espaces coopératifs et entreprises partagées pour l'autonomie des travailleurs
Après vingt-cinq années d’existence, les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) continuent d’innover en déployant de nouveaux services et de nouvelles formes d’organisation pour favoriser l’entrepreneuriat collectif.
En parallèle, la dynamique des tiers-lieux (espaces ouverts rassemblant des communautés de travail de proximité) se développe fortement depuis dix ans. Cette dernière a même fait l’objet d’une mission par le Ministère de la Cohésion des territoires, ayant finalement identifié 1 463 espaces en France et qui a demandé le lancement d’un plan de soutien ambitieux.
Voyant les tiers-lieux comme un sujet bien coopératif, le mouvement Scop/Scic, a fait appel à Aurélien Denaes, co-fondateur de Casaco, un tiers-lieu coopératif situé à Malakoff (92), pour identifier les liens entre CAE et tiers-lieux, les initiatives concrètes portées en France et les possibilités de positionnement du mouvement coopératif.
Les espaces coopératifs, lieux au service de la communauté
Mais qu’est-ce qu’un tiers-lieu ? Ce concept, à la base sociologique, est un vrai fourre-tout. Les initiatives ont des origines, finalités et statuts souvent bien différents. Peuvent y être intégrés les espaces de coworking, les espaces partagés de fabrication artisanale, numérique ou encore culinaire, les fermes partagées par des néo-ruraux ayant des difficultés d’accès au foncier etc. mais aussi de nombreuses surfaces immobilières souhaitant « surfer » sur ce concept tendance. Ces initiatives sont aussi bien développées par des entrepreneurs ambitieux, des collectifs communautaires sous forme coopérative ou associative, des collectivités que par de larges entreprises immobilières. Alors que cette dynamique est encore jeune, il semble primordial de s’intéresser dès maintenant aux conditions de succès et de pérennité de ces différents espaces : un cercle partenarial fort, un ancrage local et une implication forte des membres de la communauté.
Ainsi, le format juridique tout indiqué semble bien être celui de la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), permettant une contribution poussée des usagers et des acteurs du territoire, dont les collectivités. Pourtant, peu de ces espaces, dont la philosophie et la méthodologie de construction sont coopératives, se sont lancés avec un statut coopératif (42 identifiés dans l’étude). Ainsi, l’auteur de l’étude propose de fortement soutenir ces initiatives et de les orienter dès le démarrage vers le statut de SCIC mais aussi de fédérer ces structures sous un vocable plus adapté et appropriable : les espaces coopératifs.
Fédérer les lieux partagés et les entreprises partagées des travailleurs autonomes
Les CAE et espaces coopératifs portent une ambition similaire : celle d’améliorer les conditions de travail et de vie de travailleurs ayant choisi ou subi l’indépendance par le collectif et la mutualisation. Il semble donc pertinent de créer des ponts entre ces lieux et ces entreprises partagés. D’autant plus que cela leur permet de s’apporter mutuellement des bénéficiaires et de renforcer leurs modèles économiques respectifs. D’un côté, les CAE peuvent proposer à leur public un nouveau service de proximité, améliorer leur visibilité grâce à des espaces physiques ou encore se lier à d’autres acteurs dans un projet de territoire. Quant aux espaces coopératifs, promouvoir le modèle de l’entrepreneuriat collectif permet de prolonger l’expérience de partage de leur communauté. Des exemples positifs de ces liens sont cités dans l’étude : la CAE Oxalys permet au tiers-lieu La Myne (69) de proposer la protection du statut d’entrepreneur-salarié à sa communauté ; la Coopérative des tiers-lieux aquitains a lancé un dispositif de découverte des tiers-lieux pour les entrepreneurs-salariés des CAE régionales ; ou encore au tiers-lieu Les Usines Nouvelles à Ligugé (79), le rassemblement de cette communauté d’artistes et d’artisans a facilité la création en son sein de la CAE Consortium.
Promouvoir la coopération au plus proche des territoires
Au-delà du développement de l’entrepreneuriat collectif permettant une plus grande solidarité et une protection sociale pour les travailleurs isolés, l’auteur affirme que ces espaces coopératifs ouverts pourraient bien être l'une des clefs du développement de coopérations ouvertes entre les citoyens, travailleurs, entreprises et institutions. Dans un contexte de forts ressentiments liés à l’éloignement des centres de décision, de suppression de services de proximité mais aussi d’isolement croissant des travailleurs, ces espaces de proximité semblent être l'un des meilleurs moyens de re-« faire société » en promouvant la coopération de proximité.