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21 / 02 / 2023 | 272 vues
Didier Forno / Membre
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L’entretien annuel d’évaluation des salariés : tout n’est pas permis !

Tout employeur a le droit d’évaluer la qualité du travail des salariés et d’apprécier leurs aptitudes professionnelles. Le sujet est délicat, car cette évaluation peut être subjective, voire discriminatoire. Quelles méthodes peut utiliser l’employeur ? Quels sont les droits des salariés ? Quel est le rôle du CSE ?


Mise en place de l’évaluation des salariés


Les pratiques managériales, surtout dans les entreprises d’une certaine taille, intègrent souvent un système d’évaluation des salariés. Sur cette question, la jurisprudence est très claire : l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, a le droit d’évaluer les salariés.
 

Dans le Code du travail, il n’existe aucune disposition rendant obligatoire cette évaluation. Toutefois, certaines conventions collectives l’imposent (banque, agences de voyages, etc.).
 

Si ‘employeur met en place cet entretien d’évaluation, tous les salariés doivent en bénéficier. Le refus d’un salarié est considéré comme fautif et peut donner lieu à sanction.


Le rôle du comité social et économique en matière d’évaluation
 

Le comité social et économique (CSE) doit être informé et consulté préalablement à la mise en place du système d’évaluation individuel des salariés. Le défaut de consultation peut constituer un délit d’entrave.
 

Dans le cas ou une pratique d’évaluation aurait un impact important sur les conditions de travail ou l’organisation de celui-ci, le CSE peut recourir à une expertise (Article L2315-94 du Code du travail).
 

Si le CSE estime que le système d’évaluation porte atteinte aux droits des personnes, à la santé des salariés ou aux libertés individuelles, il peut déclencher un droit d’alerte (Article L2312-59 du Code du travail).


L’information préalable des salariés
 

Après avoir consulté le CSE, l’employeur doit informer l’ensemble du personnel des méthodes et techniques d’évaluation qui seront mises en œuvre. Cette information peut être individuelle ou collective.
 

Organisation de l’entretien d’évaluation : pas de formalisme particulier
 

Le Code du travail n’aborde que peu cette question. Aucun formalisme n’est imposé. Concernant la convocation du salarié, la jurisprudence précise que celle-ci doit intervenir assez tôt, pour permettre au salarié de se préparer à l’entretien. Souvent, le salarié doit remplir un formulaire d’entretien. Il doit donc disposer d’un délai raisonnable pour le compléter.
 

Quelles méthodes d’évaluation utilisées ?
 

C'est là, le sujet le plus délicat. Toutes les méthodes ne sont pas permises. La jurisprudence encadre strictement les méthodes utilisables, afin d’éviter toute dérive. Certains employeurs sont très créatifs !
 

L’article L1222-2 du Code du travail précise : « Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'évaluation de ses aptitudes. Le salarié est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations ».
 

L’article L1222-3 du Code du travail ajoute : « Le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard. Les résultats obtenus sont confidentiels. Les méthodes et techniques d'évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».
 

Les méthodes d’évaluation doivent donc être pertinentes au regard de la finalité poursuivie, qui ne peut être que d’apprécier les aptitudes professionnelles du salarié.
 

L’évaluation doit se fonder sur des critères précis et objectifs.
 

Bien sûr, aucun critère d’évaluation discriminatoire ne doit être utilisé (sexe, âge, appartenance syndicale).
 

Certains systèmes d’évaluation, bien qu’autorisés, font polémiques. Il en est ainsi du ranking. Ce système consiste à classer les salariés en différentes catégories en fonction de leurs performances professionnelles et à fixer l’augmentation des salaires en relation avec ce classement. Il doit reposer sur des éléments objectifs, non discriminatoires et des critères préétablis, objectifs, connus et contrôlables, et qu’il n’a pas un caractère disciplinaire.
 

Les critères comportementaux sont licites, mais, à manier avec précaution. En effet, ils peuvent être totalement subjectifs, notamment quand ils reposent sur des connotations morales. Ils sont souvent trop imprécis pour établir une relation directe suffisante avec une activité professionnelle.
 

Enfin, l’employeur devra être vigilant sur les risques psychosociaux que peuvent générer les méthodes d’évaluation retenues. Ainsi une dépression nerveuse soudaine d’un salarié, suite à un entretien d’évaluation a été reconnu comme accident du travail.


L’impact de la méthode d’évaluation sur la santé des salariés est un élément clé qui permet aux juges de valider ou non la méthode retenue.
 

L’évaluation des représentants du personnel
 

De par son statut, le représentant du personnel n’échappe pas à l’entretien d’évaluation, mais des précautions supplémentaires doivent être prises par l’employeur.
 

Rappelons que l’employeur détermine, par accord collectif, les mesures à mettre en œuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes. Cet accord prend en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle.
 

Dans ce contexte, un système d’évaluation spécifique et adapté peut être mis en place.
 

En aucune façon, l’activité syndicale ne peut être prise en considération dans l’évaluation professionnelle d’un salarié. La seule mention du mandat dans le compte rendu d’évaluation laisse présumer l’existence d’une discrimination syndicale.

 

Les conséquences de l’entretien d’évaluation
 

Les résultats des entretiens d’évaluation sont confidentiels vis-à-vis des tiers. Le salarié, lui, a un droit d’accès à son compte-rendu.


Le compte-rendu d’évaluation peut être utilisé par l’employeur pour infliger une sanction disciplinaire au salarié. Cette sanction peut aller jusqu’au licenciement.


À l’inverse, un entretien d’évaluation positif pourra faire échec à une procédure de licenciement, par exemple, pour insuffisance professionnelle.

 

Ne pas confondre entretien d’évaluation et entretien professionnel
 

Tous les salariés doivent bénéficier d’un entretien professionnel. Cet entretien professionnel se scinde en deux parties : un entretien tous les deux ans sur les perspectives professionnelles et un entretien récapitulatif tous les six ans sur le parcours professionnel du salarié.


Ces entretiens professionnels ne doivent pas s’inscrire dans une démarche d’évaluation.


L’entretien d’évaluation et l’entretien professionnel doivent être distincts (convocations séparées, dates différentes, compte-rendu indépendant).

 

Les cinq erreurs à ne pas commettre par l’employeur lors de l’entretien d’évaluation
 

Un entretien d’évaluation doit se dérouler dans la sérénité. Employeurs et managers ne doivent pas s’ériger en « procureurs » et éviter les erreurs suivantes :
 

  • Ne pas consulter le CSE avant la mise en place des entretiens annuels d'évaluation,
  • Ne pas informer les salariés de la mise en place des entretiens annuels individuels dans l'entreprise,
  • Poser des questions au salarié sur des sujets personnels au cours de l'entretien. Aucune information relative à la vie privée du collaborateur ne doit être abordée,
  • Refuser d'écouter le salarié. Il est primordial d'écouter le salarié. En effet, l'entretien est l'occasion pour chaque partie de faire part de ses difficultés, récriminations, choix et incompréhensions. Il est donc important que l'entretien soit un bon moment qui se déroule dans un environnement adéquat permettant aux parties de s'exprimer librement,
  • Sanctionner le salarié pour avoir refusé de signer le compte-rendu d'évaluation.
     

Est-ce que le salarié est obligé de signer son entretien individuel ? Non. L'absence de signature ne remet pas en cause sa validité.

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