Le plan d’investissement dans les compétences (2018 - 2023): des résultats encore incertains et fragiles
Dans le cadre de sa mission d'évaluation des politiques publiques, la Cour des Comptes s'est penchée sur le sujet et vient de finaliser ses conclusions...des résultats encore incertains et fragiles !
Pour mémoire:
En septembre 2017, dans un rapport commandé par le Premier ministre, l’économiste Jean Pisani-Ferry considérait que la France souffrait de plusieurs faiblesses structurelles parmi lesquelles le manque de compétences de sa population active. Il considérait que cela empêchait de relever des défis économiques à venir majeurs, notamment les transitions numérique et écologique. Le pays devait selon lui rendre son économie plus compétitive afin d'en assurer la croissance future. Il préconisait un Grand plan d'investissement (GPI) et proposait que l’un de ses quatre axes, intitulé Plan d’investissement dans les compétences (PIC) et doté de près de 15 Md€, serve à « édifier une société de compétences » fondée sur la notion de capital humain.
Selon ce principe, la formation est un continuum à enrichir tout au long de la vie. Le plan devait ainsi engager une réforme de long terme destinée à aboutir à une articulation voire à une intégration des politiques de formation et d’emploi.
D’un point de vue plus conjoncturel il devait également accompagner, de manière individualisée et par des formations certifiantes et qualifiantes, deux millions de jeunes et de demandeurs d’emploi de longue durée peu ou pas qualifiés.
Le plan d’investissement dans les compétences (2018 - 2023) a-t-il transformé le système de formation et les publics cibles ont-ils été atteints ?....
La Cour apporte de premiers éléments de réponse :
- « Édifier une société de compétences » : une ambition sans lendemain
L’évaluation menée par les juridictions financières montre que l’ambition de transformation structurelle du PIC a été immédiatement abandonnée.
Faute d’un travail interministériel de cadrage budgétaire, de définition d’objectifs et de publics précis, le PIC est devenu un plan de financement de la formation professionnelle des publics éloignés de l’emploi semblable aux précédents plans et porté par le seul ministère du travail, attributaire de 13,8 Md€ sur un total de 14,6 Md€.
Ce dernier a utilisé la moitié de ses crédits pour préserver les dispositifs de droit commun préexistants et n’a financé que quelques rares nouveaux dispositifs nationaux.
L’autre moitié des crédits a financé un volet territorial centré sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi, compétence de droit commun des régions, par la signature de pactes régionaux d’investissement dans les compétences(Pric). Ceux-ci ne sont qu’une réédition plus aboutie du plan de formation déployé en 2016 – 2017 dit « Plan 500 000 ».
Le PIC n’a donc pas répondu à l’ambition du rapport Pisani-Ferry de transformer le système de formation et n’a pas constitué un investissement porteur de transformations durables.
À son issue, les indicateurs économiques de la France demeurent en décalage avec ceux des pays voisins les plus performants.
- À défaut de transformer, moderniser l’accompagnement par la formation des publics éloignés de l’emploi
L’évaluation du PIC montre que le volume inédit des crédits mobilisés a tout de même permis d’engager une modernisation et une individualisation des modalités d’accompagnement des publics éloignés de l’emploi.
Cette innovation a également conduit à une évolution des pratiques professionnelles : l’approche des conseillers emploi-formation et des formateurs, auparavant centrée sur une remise rapide à l’emploi par des formations courtes, a commencé à intégrer la nécessité de favoriser des parcours professionnels plus construits et adaptés, pouvant déboucher sur des emplois plus durables.
Eu égard aux moyens budgétaires qu’il mobilisait, l’État aurait pu, dans le cadre des Pric, orienter les politiques de formation des régions et leur fixer des objectifs de publics prioritaires. Or, il s’est cantonné à un rôle de financeur, sans s’impliquer pleinement dans le pilotage stratégique d’autant plus que ses services déconcentrés souffraient d’un manque de moyens.
- Atteindre les publics cibles : des résultats encore incertains et fragiles
Le déploiement du Plan d’investissement dans les compétences n’explique pas à lui seul l’augmentation des entrées en formation, plus largement due au CPF autonome mobilisé par les demandeurs d’emploi en dehors du PIC. Un effet de substitution est constaté entre le CPF et les formations précédemment dispensées par France Travail.
La multiplication des dispositifs a en outre engendré une concurrence territoriale nuisible à une mise en œuvre cohérente.
Les objectifs nationaux du PIC ont été définis de manière imprécise, sans déclinaison régionale claire, et le suivi des indicateurs est resté disparate et insuffisant. Il n’a pas été identifié d’entrées massives attribuables au PIC et des disparités régionales ainsi qu’une hétérogénéité selon les catégories de formation ont été constatées.
La proportion des moins diplômés accédant à la formation reste stable à l’issue de ce dispositif. Les demandeurs d’emploi de longue durée et les bénéficiaires du RSA ont vu leur accès à la formation progresser, mais sans lien démontré avec le PIC.
Malgré un accompagnement individualisé et renforcé, ce dernier n’a pas surmonté tous les obstacles structurels à la construction de parcours de formation et l’accent mis sur le retour rapide à l’emploi demeure très prégnant.
Pour consulter le rapport d'évaluation de politique publique: