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19 / 04 / 2019 | 863 vues
Laurent Milet / Membre
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La formation en santé et sécurité des membres du CSE n’est pas à deux vitesses

En matière de santé professionnelle, les ordonnances Macron de septembre 2017 prévoyaient à l’origine de ne former que les membres de la commission de santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), conformément aux vœux du MEDEF qui ne voulait surtout pas que le comité social et économique (CSE) se transforme en « super-CHSCT ».
 

Cependant, priver une partie des élus de formation est incompatible avec le mandat d’ordre public dont ils sont porteurs, notamment en termes d’analyse des risques professionnels, de recommandations de prévention, d’inspections et d’enquêtes. Sous menace d’invalidation par le Conseil constitutionnel, la loi du 29 mars 2018 (officialisant les ordonnances) a donc dû en définitive stipuler, dans l’article L. 2315-18 du Code du travail, que tous les membres du CSE (titulaires et suppléants) bénéficient de la formation en matière de santé, sécurité et conditions de travail.
 

 

Une durée minimum de formation pour tous les membres du CSE

 

En raison de la réécriture hâtive des textes, la durée de cette formation n’est pas textuellement spécifiée mais deux éléments mènent à considérer qu’elle est au minimum de 3 jours dans les entreprises de moins de 300 salariés et de 5 jours dans les autres.

1. Les durées susmentionnées sont celles qui s’appliquaient au CHSCT : à défaut d’autres précisions, on peut logiquement supposer qu’elles sont reconduites puisque le CSE hérite des prérogatives de cette ancienne instance.

2. L’article L. 2315-40 mentionne ces mêmes durées pour la formation des membres de la CSSCT : on imagine mal que les autres membres du CSE ne bénéficient pas de conditions similaires, vu que l'objet de la formation est identique pour les uns et pour les autres.
 

Pour confirmer cette interprétation et la sécuriser, en avril 2018, le ministère du travail a indiqué à la page 51 de son document intitulé « CSE : 100 questions-réponses » (https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/qr_comite_social_et_economique.pdf) : « L’ensemble des membres de la délégation du personnel du CSE bénéficie de la formation nécessaire à l'exercice de leurs missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, quel que soit l’effectif de l’entreprise, y compris lorsqu’existe une commission de santé, sécurité et conditions de travail. Cette formation est organisée sur une durée minimale de 5 jours dans les entreprises d'au moins 300 salariés et de 3 jours dans les entreprises de moins de 300 salariés ».

 

Une mise au point fâcheusement ignorée par l’INRS

 

Cette mise au point du ministère est claire, précise et sans appel : elle lève toute ambiguïté. Elle n’est visiblement pas du goût de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) qui continue pour sa part à affirmer sur son site que la durée de la formation n’est pas définie lorsque l’entreprise n'est pas dotée d’une CCSSCT (http://www.inrs.fr/demarche/comite-social-economique/formation-membres-cse.html). Il s’agit d’une prise de position partiale, restrictive et pour le moins surprenante de la part d’un organisme dont les missions consistent à promouvoir la prévention des risques professionnels, notamment au travers de formations.
 

D’après notre enquête, cela fait maintenant plusieurs mois, que divers acteurs se sont adressés à l’INRS pour qu’il mentionne, au minimum et par souci d'objectivité, la position officielle du Ministère du Travail. De fait, une fin de non-recevoir leur a été opposée, alors que la direction de l’INRS ne peut ignorer qu’à l’occasion des négociations sur la mise en place du CSE, certains employeurs s’appuient sur son site pour persuader leurs interlocuteurs que la durée des formations est négociable. On imagine aisément l’avantage qu’ils en retirent : ils induisent des délégués syndicaux en erreur et les conduisent ainsi à négocier sur un sujet qui n’a pas lieu d’être !
 

Cette bonne aubaine pour les employeurs interroge sur les motivations de la direction de l’INRS : aurait-elle la prétention d’expliquer au Ministère du Travail comment doit s’interpréter la loi ? Ou chercherait-elle délibérément à servir les intérêts du MEDEF ? Il serait grand temps qu’elle se décide à corriger le tir et mette fin à sa sortie de route : sauf erreur de notre part, l’INRS n’a pas pour vocation première de produire des interprétations juridiques sur les textes en vigueur, encore moins quand elles sont hasardeuses et qu’elles desservent les acteurs essentiels de la prévention que sont les représentants du personnel.    
 

Ces commentaires s’inscrivent dans un contexte où des mutations importantes sont annoncées : le rapport Lecocq d’août 2018 préconise de regrouper l’INRS avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP). L’attitude actuelle de la direction de l’INRS augure mal de l’impartialité et de l’indépendance de la future structure nationale unique que les pouvoirs publics ont l’intention d’instaurer.

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