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29 / 04 / 2019 | 199 vues
Laurent Aubursin / Abonné
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Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics : un vrai sujet

Amorcée en 2013 avec l’annonce par le gouvernement d’un « choc de simplification » des démarches administratives, la question de la numérisation des services publics s’est progressivement traduite par nombre de réclamations adressées au Défenseur des droits.
 

Ce processus s’est largement amplifié avec la mise en place du « plan préfectures nouvelle génération », notamment s’agissant des demandes de permis de construire et des certificats d’immatriculation.
 

Lancé en octobre 2017, le programme « action publique 2022 » a pour ambition de dématérialiser l’intégralité des services publics à l’horizon 2022.
 

C’est dans ce contexte que, début 2019, le Défenseur des droits a publié un rapport sur la dématérialisation et les inégalités d’accès aux services publics.
 

Pour le rapporteur, la dématérialisation peut constituer un puissant levier d’amélioration de l’accès aux droits.


Mais pour bénéficier à tous, elle devra constituer un investissement massif pour l’État, pour l’ensemble des acteurs publics et pour les usagers qui devront s’y adapter.
 

Le Défenseur des droits rappelle d’ailleurs en introduction ce qui devrait résonner comme une évidence : un service public dématérialisé reste un service public ! À ce titre, il doit respecter les principes fondateurs du service public : adaptabilité, continuité et égalité devant le service public.
 

Dans ce rapport, le Défenseur a analysé diverses situations mettant en cause les processus de dématérialisation et mené plusieurs entretiens auprès d’acteurs porteurs de réformes de dématérialisation, d’associations accompagnant des usagers dans leurs démarches, d’associations d’élus et de services ministériels.
 

Au-delà d’alerter sur les risques et dérives de la transformation numérique des services publics, le rapport émet un certain nombre de recommandations afin que les objectifs de service public soient respectés sans laisser personne de côté.
 

Parmi ces recommandations : conserver toujours plusieurs modalités d’accès aux services publics, pour qu’aucune démarche ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée. Les démarches en ligne nécessitent a minima une connexion internet de qualité et l’accès à des équipements informatiques. Ces deux conditions ne sont pas établies sur l’ensemble du territoire et pour l’ensemble des foyers français.
 

Prendre en compte les difficultés pour les usagers, en cas de problème technique par exemple sans qu’ils en soient tenus pour responsables, prévoir des exceptions aux obligations de paiement dématérialisé ou encore prévoir d’autre modalités de paiement que celles liées à la possession d’un compte bancaire. Repérer et accompagner les personnes en difficultés avec le numérique, systématiquement évaluer les besoins d’accompagnement liés aux projets de dématérialisation. Le taux de connexion à internet varie de 54 % pour les non diplômés à 94 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur. L’absence de connexion reste très élevée chez les retraités, les non diplômés et les personnes à faibles revenus.

 

Améliorer et simplifier les démarches dématérialisées pour les usagers, faire mieux connaître la gratuité des services et mettre fin aux pratiques d’orientation vers des sites privés et payants. Former les accompagnants.

 

Prendre en compte les publics spécifiques
 

Pour le Défenseur des droits, à travers ce rapport, la dématérialisation peut constituer un puissant levier d’amélioration de l’accès de tous à ses droits. Il souligne toutefois, que cet objectif ne sera pas atteint :

  • si l’ambition collective portée dans ce processus se résume à pallier la disparition des services publics sur certains territoires et à privilégier une approche budgétaire et comptable,
  • si l’on considère que cette transformation profonde des relations entre usagers et services publics peut se faire à « marche forcée » sans tenir compte des difficultés bien réelles d’une partie de la population et des besoins spécifiques de certaines catégories d’usagers,
  • si cette évolution aboutit à une déresponsabilisation des pouvoirs publics, en renvoyant notamment à la sphère associative la prise en charge de l’accompagnement des usagers, ou en misant sur le secteur privé pour compenser les défaillances du secteur public.
     

Enfin, le rapporteur mentionne qu’aucune organisation administrative, aucune évolution technologique ne peut être défendue si elle ne va pas dans le sens de l’amélioration des droits, pour tous. Perdre le sens de cette transformation ou sous-estimer ses effets conduirait à priver de leurs droits certains d’entre nous, à exclure encore davantage de personnes déjà exclues, à rendre encore plus invisibles ceux que l’on ne souhaite pas voir. Nous serions alors exposés à un recul inédit de ce qu’est le service public en France et à une dégradation du respect des droits et libertés par les administrations et les organismes chargés d’une mission de service public.
 

Pour FO, à l’heure où le projet de loi sur la fonction publique est sur la table, les constats et recommandations de ce rapport du Défenseur des droits renforcent, s’il en était besoin, l’impérieuse nécessité de défendre plus que jamais le service public.

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