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09 / 07 / 2024 | 57 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Augmenter le SMIC : quel impact sur les coûts salariaux ?

Sur ce sujet récurrent et qui revient au devant de l'actualité dans la période, la note de l'Ires  "Eclairages" réalisée par Pierre CONCIALDI (*) et qui vient d'être publiée devrait retenir l'attention...et nourrir les réflexions...

 

Cette note analyse les conséquences d’une hausse du Smic de 15 % sur les coûts salariaux des entreprises.

 

L'auteur montre que les effets immédiats d’une hausse du Smic conduisent à une hausse du coût salarial pour les très bas salaires (inférieurs à 1,1 Smic), mais s’accompagnent aussi, en raison de la progressivité des cotisations sociales patronales, d’une baisse des coûts salariaux pour une majorité des salariés.

 

Globalement, d’un point de vue macroéconomique, une hausse de 15 % du salaire minimum se traduit par une légère baisse du coût moyen de la main-d’œuvre.

 

Des simulations sur quelques cas types de micro-entreprises (moins de 10 salariés) montrent que l’impact sur la masse salariale de ces entreprises reste faible et, en tout état de cause, très inférieur à la hausse du salaire minimum.

 

 

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(*) Pierre Concialdi est un économiste français  chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES)  et spécialisé dans les questions sociales. Il est un des animateurs du Réseau d’alerte sur les inégalités.

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Hausse des salaires : le coût du travail érigé en totem patronal

 

 

Y a-t-il dans les entreprises des freins à la progression salariale et quels sont-ils ? Plus de la moitié d’entre elles l’assurent, évoquant le coût du travail, le système des allègements de cotisations sociales, les marges,... L’institut Rexecode a réalisé une enquête de terrain auprès d’entreprises et de syndicats patronaux.

 

Réalisée par l’institut Rexecode (proche des entreprises) et répondant à la demande du Haut conseil pour le financement de la protection sociale missionné fin 2023 par le gouvernement d’Elisabeth Borne pour réaliser un rapport sur les relations entre système de production et système de redistribution, l’étude publiée en juin et portant sur « Les freins à la progression salariale » a recueilli l’avis des syndicats patronaux et d’entreprises, petites, moyennes et grandes.

 

Celles-ci se prononcent sur le « coût du travail », sur l’effet des allègements de cotisations sociales patronales (notamment la mesure générale d’exonérations jusqu’à 1,6 Smic) – fortement soupçonnés de jouer le rôle d’une « trappe à bas salaires » –, sur les « marges » dégagées et l’éventualité d’augmenter les salaires, particulièrement ceux autour du Smic (17,3% de Smicards au 1er janvier 2023)… Les entreprises dont 53% disent rencontrer des « freins » à une hausse des salaires, sont sans surprise.

 

Pour elles, la revalorisation salariale nécessite une hausse de valeur ajoutée de l’entreprise disproportionnée par rapport au bénéfice qu’en retire le salarié, à partage de la valeur ajoutée inchangé indique Rexecode, assurant que différentes études sur l’impact des allégements sur la distribution des salaires et la dynamique salariale ne sont pas parvenues à confirmer ou infirmer de manière décisive l’existence de trappes à bas salaires.

 

Quand les entreprises veulent le beurre et l’argent du beurre

 

Au-delà de cette assertion, il n’en demeure pas moins que les entreprises constatent, dans leur quasi-totalité (92%), l’insatisfaction des salariés face à la hausse « rapide » du coût de la vie et du non-rattrapage des salaires, indique l’étude. Mais ce n’est pas pour cela qu’elles agissent sur les salaires. Et elles en expliquent les raisons.

 

Ainsi, Parmi les entreprises qui se déclarent régulièrement confrontées à des freins à la progression salariale au voisinage du Smic, la hausse du coût du travail du fait de la diminution des allègements généraux de cotisation est donnée avec l’intensité la plus forte par 43 % d’entre elles. Par ailleurs, Les deux motifs les plus forts de freins sont les contraintes financières et économiques (marges, trésorerie), pour 67 % d’entre elles, et la difficulté pour l’entreprise à répercuter le coût salarial supplémentaire dans les prix, pour 67 % d’entre elles. Les entreprises qui citent la diminution des allègements généraux de cotisations comme motif le plus fort de frein à la progression salariale se retrouvent majoritairement parmi celles qui identifient ces deux autres freins, et inversement.

 

Bref, tandis que les entreprises avancent ces trois motifs, reliés entre eux, les salariés qui produisent, et donc construisent par leur travail la richesse de l’entreprise, font figure, eux, de cinquième roue du carrosse alors qu’ils revendiquent de vraies hausses de salaires ! Et ainsi que le rappelle régulièrement FO, il faut comprendre du salaire brut et non pas en diminuant l’écart entre le net et le brut, ce qui induit une atteinte au salaire différé, autrement dit, les cotisations sociales.

 

L’étude note d’ailleurs qu’une minorité d’entreprises rapportent l’insatisfaction de leurs salariés quant à la perte, en cas de hausse des salaires, de la prime d’activité ou d’autres aides publiques. Cela démontre, s’il en était besoin, que ce sont de vraies hausses de salaires qui sont revendiquées pour vivre dignement de son salaire et non des artifices, telle la prime d’activité, au financement public et qui vient en complément de bas salaires.

 

Mais à l’évidence, si la demande salariale est particulièrement vive depuis la sortie de la crise covid marquée par une inflation forte, les entreprises cherchent à la contourner. Ainsi, parmi les entreprises affirmant rencontrer des freins à la hausse des salaires, un peu plus d’un tiers indiquent envisager la prime de partage de la valeur (PPV) comme solution. Et note Rexecode la proportion tombe à un peu moins d’un tiers pour celles qui font de la diminution des allègements une cause importante de ces freins. La revendication d’une vraie hausse des salaires a encore de beaux jours devant elle !

 

 

Le patronat, le gouvernement, les employeurs de la sphère publique n’ont pas de quoi pavoiser. Pas de coup de pouce au Smic, pas de hausse des traitements indiciaires dans la fonction publique, des branches professionnelles qui ont encore des minima sous le Smic, des négociations – quand il y en a – qui mènent à des hausses minimes…

Non, vraiment, rien ne montre que le dialogue social, la négociation des salaires et des classifications est dynamique.

Conséquence pour les travailleurs, des carrières sans réelle progression, où la reconnaissance de l’ancienneté n’est plus marquée.

Dans des grilles de plus en plus tassées, les salaires ne décollent pas. 

La Smicardisation de la société française est déprimante, déclarait à la rentrée de septembre le ministre de l’Économie.

Rien n’empêche de stopper ce mouvement vers la Smicardisation et de renverser la vapeur, en ouvrant notamment des négociations d’ampleur sur les salaires, sur les grilles et en revenant sur une politique d’exonérations sur les cotisations sociales qui profite tant au patronat, que pour toujours en bénéficier, il maintient les salaires dans une fourchette basse. Sans que rien ne l’en empêche.

 

La Smicardisation des salaires, aucunement une fatalité !

Le mot est désormais classiquement employé : la Smicardisation. Ce mal, qui touche aussi bien les salariés du public que ceux du privé, a des causes entremêlées. Les revalorisations automatiques du Smic, de par l’inflation forte depuis deux ans, ont exacerbé le phénomène. Mais l’effet de cette revalorisation sur les grilles n’est que la conséquence d’un mal plus profond. Le tassement des grilles vient d’un manque de refonte des classifications. Du fait aussi que chaque niveau de salaire n’a aucunement bénéficié d’une revalorisation, pas même à hauteur du Smic. La Smicardisation a ainsi tout à voir avec l’absence d’échelle mobile des salaires, dispositif dont FO demande le retour, qui fixe des écarts entre échelons, chacun étant indexé sur l’inflation. Le tassement renvoie bien sûr à la nécessité de négociations, tandis que le patronat traîne les pieds et fait souvent des propositions minimes. Le 16 octobre à la conférence sociale, le patron du Medef, Patrick Martin, se félicitait cependant d’un  dialogue de branche dynamique sur les minima. Cela alors que dans certaines branches, les premiers niveaux des grilles sont ou se retrouvent régulièrement sous le Smic revalorisé. La fonction publique n’est pas en reste. Régulièrement, elle est amenée à décider en catastrophe de mesures de saupoudrage pour remettre au niveau du Smic les premiers échelons des grilles de la catégorie C mais aussi de la B. Quant à la A (les cadres), elle frôle aussi le Smic en début de carrière.

 

Allégements : la trappe à bas salaire

 

Car, du public comme du privé, les travailleurs, même affichant de l’ancienneté, voient leurs salaires stagner ou progresser si faiblement qu’ils sont toujours projetés vers le Smic. 

Personne n’aspire à passer toute sa carrière au même niveau de rémunération, déclarait la Première ministre le 16 octobre, appelant les employeurs à la négociation pour la révision des grilles de classification. Mais quel intérêt a le patronat de négocier quand revaloriser les salaires lui ferait perdre le bénéfice des mesures d’allégements sur les cotisations sociales (80 milliards d’euros en 2022).

Car c’est bien dans ces allégements que se situe l’un des gros moteurs de la Smicardisation. De 1 à 1,6 Smic, les exonérations sont totales, l’employeur a donc tout intérêt à maintenir les salariés dans cette fourchette.

 

Et c’est ce qui se passe. La moitié des salariés est ainsi rémunérée à un salaire inférieur à 1,6 fois le salaire minimum, notait la Dares en 2019.


Si le gouvernement vient d’entrouvrir une porte sur les exonérations, il n’est toujours aucunement question de les réduire au plan général ou encore d’imposer une conditionnalité de ces aides. Ce que revendique cependant FO et qu’elle a encore demandé lors de la conférence sociale.

 

 

 

De la surdité et des attaques statutaires tous azimuts : voilà à quoi font face les agents de la fonction publique en matière de salaires et de rémunérations tandis que le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, communique sur sa volonté d’organiser des NAO (négociations annuelles obligatoires) dans la fonction publique. Elles seraient annuelles – pour négocier un paquet salarial, ce qui se situe autour du salaire – et triennales, l’on discuterait alors du fond, notamment de la grille, précise Christian Grolier, secrétaire général de FO-Fonction publique.

Or, rappelle-t-il, il n’y a aucune obligation pour l’employeur public de négocier les salaires.

Par ailleurs, on négocierait les salaires alors que le projet de loi de finances (PLF) passe au Parlement ?

Quand on voit le PLF 2024 : il n’y a pas un euro de prévu pour l’amélioration des rémunérations !

Et si le ministre porte notre demande salariale, négociée, devant le Parlement et se fait retoquer, que se passe-t-il ?.

Pour FO, l’urgence d’un rattrapage de la valeur du point à hauteur de 10 %

Ces NAO réuniraient, une fois l’an, en début de semestre, les employeurs publics (dont les collectivités territoriales), les syndicats et le gouvernement. Le 17 octobre, le ministre lançait les réunions – jusqu’en novembre – pour des négociations sur les carrières et rémunérations. Et comptait obtenir des syndicats un accord de méthode. Pour rappel, la notion de négociation collective est arrivée dans la fonction publique via l’ordonnance du 17 février 2021.

Début septembre, le ministre avait confirmé l’arrivée d’une réforme de la fonction publique, via un projet de loi.

L’accent serait mis sur le mérite, notamment par les primes, l’intéressement, ce qui induirait une individualisation plus marquée encore du salaire. Et ce qui est une attaque du statut et de la notion de carrière. Il faut  des méritants et des engagés, rémunérer davantage l’agent qui aura fait plus, qui aura fait mieux, déclarait Stanislas Guerini, estimant que  le statut, ça ne peut pas être le statu quo.

Le 17 octobre, constatant l’absence de réponse du ministre sur des mesures salariales d’urgence, les huit organisations syndicales ont demandé l’ajournement de la réunion. Il est  inacceptable de concevoir une année blanche en 2024, soulignent-elles. FO demande un rattrapage immédiat de 10 % sur la valeur du point d’indice (revalorisé de 1,5 % seulement en juillet dernier) et rappelle que la perte de pouvoir d’achat est de 27,5 % depuis 2000. Stanislas Guerini a fixé une nouvelle réunion le 26 octobre, mais pour un accord de méthode concernant l’agenda social 2024, lequel contient des rendez-vous sur les rémunérations ! 

Pas de réponse sur les salaires, mais une volonté de faire co-construire l’agenda social par les organisations syndicales, fulminait Christian Grolier.

Selon l'enquête Salary Budget Planning – Edition Juillet 2024 sur les tendances des politiques de rémunération, menée par WTW, les budgets prévisionnels médians d’augmentation pour 2025 s’élèvent à 3,6%, affichant une progression quasiment identique à celle de 2024 (3,8%).

L’étude Salary Budget Planning apporte sa contribution au débat en fournissant  des informations détaillées sur les pratiques actuelles et les prévisions en matière de rémunération dans le contexte économique actuel.

Pour en savoir plus : wtwco.com

Une synthèse de l’étude  est disponible ici