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16 / 01 / 2012 | 40 vues
Didier Porte / Membre
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Obligation de reclassement après une inaptitude due à un accident de travail chez un précédent employeur ?

Le nombre de salariés victimes d’usure (physique et mentale) atteint des proportions telles que même une organisation comme l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), grande promotrice des gains de productivité à tout prix, vient de tirer, fort tard, le signal d’alarme. Il faut dire que les cas se multiplient, notamment ceux d’inaptitude au travail.

La propension de certains employeurs à se débarrasser des salariés qu’ils ont usés jusqu’à la corde est à l’origine de nombreux contentieux, et les tribunaux, comme ici, dans un cas de transfert de contrat de travail, la Cour de Cassation, doivent leur rappeler quelques principes élémentaires.

  • Par un arrêt en date du 29 novembre 2011 (Cass. soc., 29 novembre 2011, n° 10-30.728 FS-PB), la Cour de Cassation a eu à se prononcer sur le cas d’un salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail survenu chez son ancien employeur. L’enjeu était de savoir si le nouvel employeur avait pour obligation de suivre la procédure de reclassement avant de licencier ledit salarié pour inaptitude.


En l’espèce, M. X, embauché par la société Iss Abilis le 28 avril 1998 en qualité d’agent de propreté, a été victime d’un accident de travail le 5 mai 2000. Son employeur perd le marché de nettoyage auquel le salarié était affecté.

En conséquence, son contrat de travail a été transféré (non par le mécanisme légal de l’article L. 1224-1 du Code du Travail, mais par application de l’accord étendu du 29 mars 1990 annexé à la convention collective nationale du personnel des entreprises de propreté) le 31 mai 2000 à la société TFN (nouvel attributaire du marché).

Le salarié se voit déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise à l’issue des deux examens médicaux, puis est licencié le 4 juillet 2002 en raison de son inaptitude.

Le salarié saisit le conseil de prud’hommes d’une demande d’indemnités et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sous prétexte que l’employeur n’avait pas respecté l’obligation préalable de reclassement en cas d’inaptitude d’origine professionnelle prévue par l’article L. 1226-10 du Code du Travail. La société TFN forme un pourvoi à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Caen.

L’argumentation soulevée par l’employeur reposait sur l’article L. 1226-6 du Code du Travail, selon lequel les dispositions protectrices des salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle ne sont pas applicables lorsque l’accident du travail ou la maladie professionnelle est survenu ou a été contractée au service d’un autre employeur. Ainsi, l’article L.1226-10 consacrant l’obligation de reclassement des salariés dont l’inaptitude d’origine professionnelle a été déclarée ne devrait pas trouver à s’appliquer.


Toutefois, la chambre sociale est parvenue à contourner cette exclusion en s’appuyant sur les dispositions L.1226-2 (obligation de reclassement en cas d’inaptitude non professionnelle) et L.1226-4 du Code du Travail (reprise du paiement des salaires si le salarié inapte d’origine non professionnelle n’est ni reclassé ni licencié dans le délai d’un mois), régissant l’inaptitude d’origine non professionnelle :

« S’il résulte de l’article L.1226-6 du Code du Travail que les dispositions spécifiques relatives à la législation professionnelle ne sont pas applicables aux rapports entre un employeur et son salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle survenu ou contractée au service d’un autre employeur, le nouvel employeur est néanmoins tenu, conformément aux articles L.1226-2 et L.1226-4 du Code du Travail, de chercher à reclasser, avant toute rupture du contrat de travail, le salarié dont l’inaptitude est médicalement constatée alors qu’il est à son service ». Le régime de l’inaptitude non professionnelle prend donc le relais s’agissant de l’obligation de reclassement.
Si l’on pousse plus loin le raisonnement, il apparaîtrait également logique que les indemnités de rupture trouvent à s’appliquer, dans la mesure où le doublement de l’indemnité légale prévue en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle (article L.1226-4 du Code du Travail) se verrait écarté en application de l’article L.1226-6 du Code du Travail.

  • C’est parce que derrière l’inaptitude d’origine professionnelle se cache l’idée d’une faute de l’entreprise, dont le nouvel employeur n’a pas la responsabilité, que les juges ont pu valablement s’appuyer sur les dispositions relatives à l’inaptitude d’origine non professionnelle et ainsi faire droit aux demandes du salarié.


La solution dégagée par les hauts magistrats mérite véritablement d’être saluée en ce qu’elle met un point d’honneur à renforcer la protection des salariés inaptes.

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