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10 / 07 / 2012 | 52 vues
Jean François Aussel / Membre
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Mal-être au travail à la Poste : une nouvelle réunion pour rien ?

La commission Kaspar s’est réunie pour la 4ème fois le 12 juin dernier. Le thème abordé au cours de cette plénière : l’évolution du travail et les nouveaux enjeux RH.

Ont été respectivement auditionnés

Pour les personnalités qualifiées :

  • Dominique Meda, directrice de recherche du Centre d’études de l’emploi,
  • Sandra Enlart, directrice générale d’entreprise et personnel.
Pour La Poste :
  • Philippe Wahl, président du directoire de La Banque Postale,
  • Jacques Rapoport, directeur général de l’enseigne.

Un décalage entre les attentes des salariés par rapport à leur travail et ce qu'ils vivent en réalité

Dominique Meda a commenté le résultat de deux enquêtes, l’une réalisée en Europe portant sur un échantillon de 2 000 personnes, l’autre réalisée en 2008 pour le compte de Radio France (6 000 personnes ont répondu à un questionnaire mis en ligne).

De manière très synthétique, ces enquêtes ont fait ressortir les tendances suivantes :
  • moins de 20 % de personnes déclarent, dans quasiment tous les pays, que le travail n’est pas très important ou pas important du tout dans leur vie. Notamment, en France, plus de 70 % des cadres supérieurs considèrent que le travail est un élément important de leur vie (cf enquête INSEE de 2003) ;
  • on observe de la part des personnes interrogées une montée des préoccupations « postmatérialistes  » (rémunération) et de fortes attentes en matière de réalisation au travail ;
  • on est passé d’une éthique du devoir à une éthique de l’épanouissement, y compris pour les cadres et professions intellectuelles supérieures.

La situation de la France est marquée par un paradoxe : si les Français ont, à l’instar de leurs homologues européens, une forte appétence pour le travail, ils pensent néanmoins que le travail devrait prendre moins de place dans leur vie. Ils s’inquiètent du débordement de leurs problèmes professionnels sur leur vie personnelle (par ordre d’importance, sur leur vie familiale, leurs loisirs) ; ils se disent, pour une très grande majorité (près de 70 %), toujours ou souvent fatigués après le travail.

Le paradoxe ainsi révélé tiendrait à plusieurs explications : relations sociales détériorées, conditions de travail en France moins bonnes qu’ailleurs, possibilités de promotions moins élevées qu’ailleurs.

Le malaise au travail des salariés trouve ses explications principalement dans la multiplication des objectifs intermédiaires qui compliquent leurs tâches ainsi que sur l’orientation extrinsèque de l’organisation du travail : le résultat économique (chiffre d’affaires, productivité, rentabilité) au détriment de la qualité du travail.

« Une fonction RH laissé à l'abandon »


Sandra Enlart constate que la fonction RH est une fonction très sollicitée en entreprise : elle est à la fois gestionnaire de ressources et « business partner » en tant qu’appui à la stratégie de l’entreprise. L’orientation gestionnaire l’oblige à s’adapter en permanence à des mutations externes (évolution démographique : exclusion des jeunes et des seniors, vieillissement de la population, diversité de la société...) et internes (nouvelles méthodes de travail : NTIC, travail à distance, législation de plus en plus complexe...). L’orientation « business partner » qui recouvre les actions au service de la productivité (PSE...) va en grandissant avec la nomination de plus en plus de directeurs financiers sur les postes de DRH.

Cette contribution a été suivie d’un débat entre les participants, notamment sur l’autorité, le pouvoir et l’indépendance dont doit pouvoir bénéficier cette fonction pour être efficace.

  • Ces interventions n’ont fait que confirmer ce que nous savions déjà...

Les salariés (tous niveaux de responsabilité confondus) aiment leur travail dès l’instant où ils s’y sentent bien et qu’ils se sentent reconnus. Depuis quelques années, on observe un retrait des salariés par rapport au travail, en raison du malaise qui a gagné les entreprises. Les salariés trouvent que leur situation est injuste au regard de leur engagement en faveur de l’entreprise et des sacrifices effectués (par rapport à leurs centres d’intérêt personnels : famille, loisirs).

Quant à la fonction RH, celle-ci serait exposée à « tous les vents » en fonction des intérêts poursuivis : tantôt « bienfaitrice » pour le personnel quand elle est dans son rôle de gérer les parcours professionnels, tantôt « bourreau » quand elle est mise au service de la direction pour accompagner les restructurations… Cette situation ambivalente en fait une fonction « tiraillée » en proie, elle-aussi, à un grand malaise.
Alors quand le docteur est malade, que peuvent attendre les patients? Intérêts de l’entreprise.

L’audition des directeurs de métier : des lendemains difficiles en prévision ?

Le président du conseil de surveillance de La Banque Postale et le directeur de l’enseigne ont présenté respectivement leur cadrage stratégique et leurs ambitions.

Banque Postale :

Le plan stratégique est articulé autour de deux idées fortes :

  • prouver la différence de La Banque Postale. LBP n’est pas une banque comme les autres. En  même temps qu’elle est garante de missions de service public (accessibilité bancaire, aménagement du territoire), elle doit être en capacité d’être compétitive pour résister à la concurrence des autres banques qui affichent de manière générale un coefficient d’exploitation (rapport entre les charges et le produit bancaire) bien meilleur ;
  • accélérer le développement commercial.


Dans ce contexte, la BP priorisera les actions suivantes dans les prochains mois :

  • pédagogie auprès du personnel pour expliquer les enjeux futurs, formation et soutien au management intermédiaire, réflexion collective sur la modification des métiers au sein de la banque, notamment  pour prendre en compte la disparition des unités de production au profit de la numérisation.


Enseigne :

Après avoir rappelé le contexte dans lequel l’enseigne évoluait, le directeur de l’enseigne a indiqué que seul le succès de La Banque Postale, au regard de sa trajectoire commerciale, était en mesure de couvrir les charges du réseau. Par ailleurs, il a tenu à rappeler que le format actuel des bureaux de poste était pérenne.

La déclinaison du plan stratégique de l’enseigne est la suivante :

  • la bonne exécution des missions de service public passe par le développement commercial, centrage sur les métiers de La Poste,« il faut être attractif pour les clients » : amélioration de l’accueil (pro-activité), suivi personnalisé, horaires adaptés, faire de la productivité pour ne pas affecter la Banque Postale (les coûts de prestation facturés à la Banque doivent diminuer), professionnaliser le personnel.


Le directeur de l’enseigne a ensuite présenté les ambitions du métier :

  • une conduite du changement basée sur la co-construction,
  • une attention toute particulière à porter au management de proximité,
  • une gestion des RH dans la durée...

Dans leur exposé, les directeurs de métier auditionnés n’ont pas caché qu’ils plaçaient le métier dont ils avaient la responsabilité dans une dynamique d’évolution axée sur le client (clients externes pour la Banque Postale, métiers Poste principalement pour l’enseigne). Une manière à peine voilée pour eux d’indiquer que des efforts de productivité seraient encore à faire même s’ils se sont aussitôt empressés d’indiquer (« grand dialogue » du président oblige) que les RH seraient la clef de voûte du succès de demain...

  • Décidément, la 4ème réunion de la commission Kaspar nous a vraiment laissés sur notre  faim. Et de nous poser la question : « Quand allons nous enfin entrer dans le vif du sujet, autrement dit aborder les solutions contre le mal-être au travail à La Poste ? »


Dans le cadre de cette commission, on aurait presque l’impression d’être retourné sur les bancs d’école pour assister à des cours magistraux d’éminents professeurs.

Pendant ce temps, l’étude de cas « La Poste » n’est pas traitée et l’on peut craindre que le temps qui lui sera consacré au regard des impératifs de calendrier (rapport remis à la mi-septembre) ne soit trop court… Par ailleurs, cette « intellectualisation » du débat donne le sentiment que La Poste souhaite gagner du temps et relayer au second plan.

Les préoccupations réelles des postiers… Il y a comme un « doute de suspicion » envers La Poste qui plane dans l’air, qui consisterait à vouloir imposer des propositions d’ores et déjà arrêtées.

À la teneur des discussions actuelles, quelques pistes soufflées à M. Kaspar sembleraient tenir la corde : décentralisation du dialogue social au niveau des établissements, renforcement des pouvoirs des directeurs d’établissement. Si tel était le cas (nous espérons nous tromper), la situation des postiers ne ferait qu’empirer.

Comme le martèlent à chaque réunion les directeurs de métiers, les efforts de productivité doivent se poursuivre. Dans ces conditions, renforcer les pouvoirs sans dégager de moyens supplémentaires serait un non-sens social et, par voie de ricochet, économique, cela se traduirait inéluctablement par une pression encore plus grande exercée sur le personnel.

Le pire à craindre, c’est que le travail de la commission Kaspar serve d’alibi à la direction pour faire passer (sous couvert de la légitimité de cette instance, soi-disant indépendante) des propositions confirmant la tendance actuelle. Même si La Poste accepte, pour faire bonne mesure, de concéder quelques mesures de « complaisance » susceptibles de rallier l’ensemble des acteurs. Donc, vigilance !

Pour FO, le traitement du mal-être au travail à La Poste passe par des mesures plus radicales, structurelles, qui visent à repenser le système de gouvernance de l’entreprise et qui redonnent du sens au dialogue social à La Poste. Par ailleurs, il s’agit de réintroduire du lien et du liant dans les relations professionnelles.

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