Participatif
ACCÈS PUBLIC
25 / 03 / 2014 | 6 vues
Sylvain Thibon / Membre
Articles : 194
Inscrit(e) le 07 / 01 / 2010

M. Montebourg, nationalisez SFR !

Avec la vente de SFR, jamais depuis des années, un rachat d’entreprise n’avait provoqué autant de vacarme. Mais pourquoi donc ? Que les entreprises et groupes privés du secteur s’intéressent à cette très belle entreprise qu’est SFR, quoi de plus normal ? Mais que le gouvernement s’en mêle à ce point pose question. Quels sont les intérêts en jeu ? Pourquoi le gouvernement favorise-t-il Bouygues au détriment de tous les autres acteurs ? Pourquoi tout à coup pourchasser Patrick Drahi et lui infliger un contrôle fiscal inopiné ? Nous ne sommes pas en Russie mais certaines méthodes laissent parfois quelques doutes sur l’utilisation des moyens énormes que possède l’État pour contraindre ou influencer le cours normal de la vie des entreprises privées.  

Serait-ce les activités israéliennes de Patrick Drahi qui dérangent ? Le journal Le Monde révélait dans une édition de la semaine passée que la France était l'un des rares pays européen à ne pas avoir d’opérateur télécom contrôlé par un acteur étranger sur son territoire. Cette spécificité serait une volonté étatique de conserver sous contrôle une industrie et des activités sensibles, notamment le contrôle des réseaux de télécommunications. C’est une possibilité.
 

Ne pas nier ce qui fait sens

Autre explication plausible, le sauvetage du soldat Bouygues dont l’activité télécom participe de façon centrale au bilan financier du groupe Bouygues. Cet acteur de la téléphonie mobile souffre plus que les autres et pourrait faire les frais d’une vente de SFR. La fusion des activités de Bouygues Télécom avec SFR fait également sens, il ne s’agit pas de le nier, mais que le gouvernement veuille influer de manière aussi transparente sur le cours de cette affaire ne laisse de soulever des questions.

Les acteurs de cette bataille se connaissent parfaitement. Martin Bouygues et Vincent Bolloré sont liés familialement par leurs enfants. Il y a quelques années, ils ont eu l’occasion de se livrer une bataille violente, Vincent Bolloré voulant prendre le contrôle du groupe Bouygues envers et contre tous… Cela laisse des traces alors que Vincent Bolloré est actionnaire principal de Vivendi et qu’il siège dans les plus hautes instances de décision du groupe, au cœur du réacteur décisionnel pour la vente de SFR.

Le tiroir-caisse de l’État mobilisé

Pourquoi voit-on entrer dans ce jeu la Caisse des Dépôts et Consignations, organisme public contrôlé par l’État ? La Caisse des Dépôts et Consignations assure, pour le compte de l'État et des collectivités locales des missions d'intérêt général, comme la gestion de fonds d'épargne, le financement du logement social, l’accompagnement des universités dans leurs projets, le financement et développement des TPE (très petites entreprises) et des petites et moyennes entreprises (PME) françaises, la gestion de régimes de retraite…  

Pourquoi le gouvernement sollicite le tiroir-caisse de l’État pour une opération industrielle qui ne requiert aucune aide ? Les entreprises concernées et leurs banques sont prêtes à débourser des milliards d’euros pour cette affaire, elles ne réclament aucune aide particulière et le marché peut jouer son rôle. Ces centaines de millions que l’État dit vouloir mobiliser, ne seraient-ils pas plus utiles au développement de nouvelles activités technologiques et de start-ups bien françaises ? Au développement du logement social ? Au soutien de pôles industriels en bien mauvais état et qu’il s’agit de restructurer ?   

Si Arnaud Montebourg sait ce qui est bien pour l’avenir des télécoms en France et particulièrement de l’avenir de SFR, il peut aussi proposer sa nationalisation. En prenant le contrôle de SFR, le gouvernement aurait ainsi toutes les cartes en main pour agir et décider.

Quid du volet social ?

M. le Ministre, venez nous expliquer ! Pourquoi mobiliser l’argent du contribuable ou de l’État français pour favoriser dans cette affaire un groupe plutôt qu’un autre ? M. Montebourg, votre position mérite d’être expliquée devant l’ensemble de la représentation du personnel du comité de groupe de Vivendi, des représentants qui veulent comprendre et discuter de l'intérêt de telle ou telle option.  

Et la dimension sociale dans tout cela ? Cette féroce bataille publique à coups de milliards d’euros qui tombent comme à Gravelotte laisse pantois. Pendant ce temps, le volet social est laissé en déshérence. Quel projet social pour accompagner cette mutation ? Quelles différences et conséquences sociales entre les deux offres ? Le sujet passe au second plan, et il est à peine évoqué alors qu’il concerne des dizaines de milliers de salariés des entreprises en question, des dizaines de milliers d’autres comme prestataires. C’est également tout un pan de la recherche en technologie de pointe qui est concerné. Une industrie vitale pour le développement de nos activités dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Bouygues ou Numéricable, le feuilleton ne fait que débuter, vivement le prochain épisode. Gouvernement, Drahi, Montebourg, Bouygues, Autorité de la Concurrence, ARCEP... D’où viendra la prochaine salve ? Les paris sont ouverts...

Pas encore de commentaires