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24 / 06 / 2011 | 610 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Licencié pour avoir « dénigré ostensiblement » la SNEF sur le Miroir Social : les faits

Gilles Lelièvre a été licencié le 9 mars 2011 de la SNEF, un groupe (9 000 salariés) spécialisé dans les installations électriques, pour faute grave. Laquelle ? Celle d’avoir rédigé un article sur le Miroir Social, qui contestait le licenciement le 4 février 2011 de Mickaël Cocherel, un collègue de son agence de Loudéac (22), qui emploie une vingtaine de techniciens. L’article intitulé « Grève à l’agence SNEF Loudeac » publié le 14 févier, relève selon la direction du « dénigrement ostensible » de la SNEF.

  • Miroir Social porte l’entière responsabilité de la publication de cet article préalablement validé et tient à souligner que la direction n’a pas demandé le moindre droit de réponse, ou engagé une action en justice, puisque les informations diffusées seraient « fausses et diffamantes ». Retour sur les faits alors que la direction n’a pas souhaité nous répondre.


Le lundi 7 février 2011, huit électriciens de l’agence SNEF se mettaient en grève pour demander l’annulation du licenciement notifié à Mickaël Cocherel pour le motif qu’il aurait mal parlé (« je ne suis pas derrière ton cul pour savoir où tu te trimballes »), le 21 janvier 2011 à son chef de chantier.

  • Un mouvement de soutien qui témoigne d’une réelle solidarité alors qu’aucun des grévistes de cette agence, employant une vingtaine de techniciens n’était syndiqué...



Mickaël Cocherel conteste catégoriquement avoir tenu de tels propos. Aucun témoin. Il estime qu’il était dans le collimateur depuis déjà un certain temps parce qu’il contestait l’appréciation par la direction du temps de travail effectif. Courant avril 2010, il avait déjà déposé une lettre sur le bureau de son chef d’agence pour lui demander de régulariser ses frais de transports alors qu’il était affecté sur un chantier situé à une heure de route l’agence. « C’est du temps de travail effectif. Pendant deux mois, deux heures de trajet quotidien ne m’ont pas été payées », explique Mickaël Cocherel, qui a attaqué aux prud’hommes sur ce registre, tout en contestant son licenciement. Alors que les contrats de travail indique 8h00-16h30 comme temps de travail effectif, la direction demandait à ce que les salariés soient sur les chantiers à 8 heures du matin pour les quitter à 16h30, tout en exigeant qu’ils passent avant à l’agence récupérer le véhicule de l’entreprise et qu’ils le ramènent le soir.

  • Or, l’article L212-4 du Code du Travail souligne que « quand les salariés sont tenus de se rendre au siège de l’entreprise à la demande expresse de l’employeur avant d’être transportés sur le chantier, le temps de trajet entre l’entreprise et le chantier doit être considéré comme étant du temps de travail effectif et rémunéré comme tel ».


La revendication du paiement des temps de trajet pour se rendre sur le chantier et en revenir faisait aussi partie du mot d’ordre de la grève. Refus catégorique de la direction qui considère qu’elle verse déjà une indemnité de trajet qui représente au maximum 3,8 euros par jour si le chantier est compris entre 40 et 50 kilomètres de l’agence. Cette prime, prévue par un accord de branche de 1976, indemnise certes la sujétion que représente pour l’ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d’en revenir, mais ne rémunère aucunement le temps de travail effectif.

  • La grève, initiée par Gilles Lelièvre, n’a pas été veine. Il y a eu du changement dans l’organisation du temps de travail. Les salariés doivent désormais se rendre à l’agence à 8 h et ils reviennent du chantier à 16h30. En cas de dépassement, il lui faut payer des heures supplémentaires.

« La direction est donc désormais complètement dans les clous du droit du travail mais nous avons payé cher ce respect de la règle », estime Gilles Lelièvre, qui se relance désormais à 48 ans comme auto-entrepreneur.
L’ex-chef d’équipe réclame près de 6 000 euros de réparation au titre de 45 minutes de temps de travail non payées sur 363 jours entre 2008 et 2010, ainsi que 12 mois de salaire pour licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse. Audience en septembre...

Des relations sociales difficiles

Ce cas montre à quel point la sanction est souvent immédiate quand c’est un salarié non protégé qui organise une grève et la médiatise. Mais les salariés protégés s'exposent aussi. Notamment à la SNEF où Jacques Builles, délégué syndical CFTC du groupe marseillais depuis 2003, est confronté à sa cinquième procédure de licenciement en l'espace de huit ans. Les quatre autres ayant été refusées par l’inspection du travail... Dans une note d’information, son employeur écrit : « [Jacques Builles] a outrepassé ses prérogatives découlant de ses mandats ». Concrètement : sa présence en mars dernier à une réunion de production sur un site à Valence (26) n’est pas justifiée pour la SNEF. L’intéressé met en avant son mandat de délégué de groupe (effectif depuis mars 2011) pour faire valoir sa liberté de circulation d’un site à l’autre. Dans ce groupe, les relations sociales sont réputées difficiles. L’actuel conseiller sur ces questions, après avoir été avocat de la société pendant cinq ans est un ancien inspecteur du travail.

Les syndicats aussi en viennent parfois à exclure leurs propres membres. Mais où est la ligne jaune ? Alors quand le dialogue tourne court, dans un cas comme dans l’autre, la menace d’exclusion est réelle.

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