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21 / 07 / 2008 | 21 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Les points clés de « la réforme de la réforme » de la médecine du travail

Les rapports sur le devenir de la médecine du travail se superposent ces derniers mois. Il y a d’abord eu en octobre 2007 celui sur le bilan de la réforme produit par l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), suivi en février dernier de la production du Conseil Économique et Social. En mars, le rapport Légeron-Nasse remis à Xavier Bertrand sur les risques psychosociaux n’a pas non plus manqué l’occasion d’aborder le sujet. Des rapports, certes, mais la mue de la médecine du travail est longue.

Des financements régionaux pour inciter à la mutualisation

Les SST se livrent à une sévère concurrence, les plus agressifs n'hésitant pas à faire de la prospection téléphonique. Ce n’est pas avant cinq ans que les grilles tarifaires des Services de Santé au Travail (SST) seront communes et permettront à l’URSSAF de procéder à la collecte. Ce sera à ce moment-là que la régionalisation des SST deviendra effective. En attendant, l’idée consiste à inciter les 330 SST à se coordonner dans le cadre de conventions régionales d’objectifs avec des financements en guise de carotte. Cette coordination, préalable à des regroupements, s’opère déjà ici et là. Il n’empêche que les tarifs varient considérablement d’un centre à l'autre et que les forfaits proposés ne recouvrent pas les mêmes prestations. Et puis surtout, dans la plupart des grandes villes, les SST se livrent à une sévère concurrence. Les plus agressifs n'hésitant pas à faire de la prospection téléphonique. Une pratique pourtant proscrite par le code de déontologie des médecins dont l’article 19 stipule que « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce » et interdit « tout procédé direct ou indirect de publicité ». Voilà pour la théorie.

La régionalisation de la médecine du travail pose la question de sa gouvernance. La médecine du travail devrait ainsi rester dans le giron du Ministère du Travail avec une montée en puissance des Comités régionaux de la prévention des risques professionnels (CRRP) et des Directions régionales du travail de l'emploi et de la formation professionnelle. Un mode de gestion paritaire est évoquée au niveau des SST même si la présidence resterait assurée par les employeurs. « Il faut une organisation qui ne fasse plus de distinction entre le secteur privé et le secteur public », estime Mireille Chevalier, secrétaire générale du Syndicat national professionnel des médecins du travail (SNPMT) qui se déclare également favorable à une agence nationale de la santé au travail. Voilà une piste qui n’est pas au programme des négociations. Pas question a priori d’ajouter une couche supplémentaire.

L'évaluation des actions des médecins du travail

« Il n'y a pas la moindre capitalisation sur les rapports que produisent les médecins du travail. Le manque de valorisation est flagrant " - Bernard Salengro, CFE-CGC. L'idée est de transformer rapidement l’actuel Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels en Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COLT). Celui-ci deviendra permanent et proposera des avis et des orientations. Il devra pour cela capitaliser et mettre en perspective les informations produites par les médecins du travail. « Il n'y a pas la moindre capitalisation sur les rapports que produisent les médecins du travail. Le manque de valorisation est flagrant », souligne Bernard Salengro, en charge du sujet des conditions de travail à la CFE-CGC. L’évaluation des actions des médecins du travail est pourtant un axe fort de la réforme qui les conduit à intervenir au moins un tiers de leur temps en milieu de travail en marge des visites périodiques qui se déroulent depuis la réforme de 2004 tous les deux ans et plus chaque année. « Avant la réforme, nous passions 20 minutes avec chaque salarié. Ce temps a été aujourd'hui divisé par 2. Notre approche individuelle dans le cabinet n'a pas assez de visibilité, ni de crédit social », rapporte Elisabeth Font Thiney, médecin du travail à l'AST Grand Lyon.

Reste encore à toiletter le cadre réglementaire des postes et métiers qui nécessitent une visite médicale renforcée afin d’optimiser le temps des médecins pour conduire des actions « in situ ». « Est-il indispensable de prévoir une visite tous les six mois pour les salariés qui travaillent de nuit, est-il normal qu’un chauffeur de poids lourd ne fasse l’objet d’une visite médicale que tous les deux ans », s’interroge Pierre Guinel, médecin du travail à l’ACMS, le plus important SST qui emploie pas moins de 365 médecins dans une cinquantaine de centres implantées en Île-de-France.

L’évaluation des actions des SST passe donc surtout par leur capacité à mener des actions collectives en milieu de travail. Et dans un contexte où 1700 des 6500 médecins du travail seront à la retraite d’ici 5 ans (56,6 % des médecins du travail ont plus de 50 ans), il y a une certaine urgence à diversifier les compétences en recrutant des IPRP (Intervenants en Prévention des Risques Professionnels). Surtout qu’il devient de plus en plus difficile de recruter des médecins du travail du fait d'une désaffection pour une filière de formation considérée comme poussiéreuse et réductrice. Un enjeu d’autant plus important que cette diversification des compétences baptisée « pluridisciplinarité » est un critère d’évaluation des SST.

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