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30 / 01 / 2017 | 1 vue
Jacky Lesueur / Abonné
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Les dirigeants de la fonction publique préfèrent les réformes d’organigrammes plutôt que les réformes de fonctionnement collectif

Alors que depuis des années on évoque régulièrement la ou les réformes de l'État et des administrations publiques, chacun y allant de son couplet avec en toile de fond, le plus souvent, une remise en question des moyens et des missions de service public, Catherine Gras (présidente du « think-tank » Galilée.sp) a bien voulu répondre à nos questions sur son approche particulière en la matière.

Vous avez fondé Galilée.sp en octobre 2011 et en êtes présidente. Pourquoi Galilée.sp ?
Je suis fonctionnaire et, avec des collègues, nous avons constaté quelque chose de grave :  l’innovation est découragée dans la vie quotidienne des services. Les dirigeants préfèrent les réformes d’organigrammes plutôt que les réformes de fonctionnement collectif. C’était le cas en 2011. C’est encore le cas aujourd’hui, en 2017. Les propositions nouvelles dérangent…

Au moment de la création de Galilée.sp, nous avions vécu la RGPP et en avions fait le bilan suivant : réformer, réorganiser et faire évoluer les administrations publiques, c’est (oui !) vital pour notre pays. Mais la méthode utilisée est pour le moins aussi importante que l’objectif visé. Or, côté méthode, la RGPP était caractérisée par une « culture du haut vers le bas » avec des décideurs, conseillés par des cabinets de consulting cher payés, pour faire des économies budgétaires. Les fonctionnaires étaient peu associés aux réformes, l’intelligence de leur travail n’était pas reconnue ni mise à contribution. La réflexion sur les missions nécessaires n’était pas concertée. Était-elle menée ? Par qui ?

Quel gâchis ! Puis la MAP est arrivée. Moins ambitieuse, elle a fait moins de mécontents. Mais elle n’a pas été à la hauteur des enjeux.

Notre pays mérite une rénovation profonde des administrations publiques, notamment des administrations d’État car les citoyens ont une demande forte de sécurité, d’égalité et de protection, bref de nouvelles voies pour vivre et apprendre ensemble et pour travailler sur tout notre territoire.

Galilée.sp est un espace libre et ouvert, un réceptacle pour de nouvelles voies. Un incubateur. Nous assumons : « un lieu de culture alternative ».

Nous sommes fiers d’être fonctionnaires et innovateurs. Fonctionnaires et philosophes. Fonctionnaires et créateurs de nouvelles méthodes de travail. Fonctionnaires et réalisant des actions concrètes avec des entrepreneurs, des jeunes, des syndicalistes, des retraités, des mutualistes.

Galilée.sp a pour ambition de libérer l’innovation qui est coincée dans les administrations en raison de modes de fonctionnement conservateurs. D’où vient ce conservatisme ? Pas du manque de dynamisme et d’engagement des fonctionnaires mais de celui d’animation collective, au sens d’âme.

Galilée.sp ne s’arrête pas à ce constat que nous faisons tous. Galilée.sp n’a pas l’intention de caler ; au contraire, nous mettons au point des méthodes nouvelles pour agir et proposer. C’est cela, être créatifs.

Cinq ans d’activité de Galilée.sp : quel bilan ? Comment-êtes-vous créatifs ?
Faire le bilan d’un quinquennat, avouez que c’est un sujet d’actualité… Qui le fait ? La présidente peut le proposer. Nos adhérents le complètent, l’appréciant ou le critiquant. Puis nos amis et partenaires externes (dont Miroir Social qui nous suit depuis notre création) le confortent ou non, d'après ce qu’ils en voient. C’est cela, la vie associative et cette dimension est démocratique.

Nous travaillons avec des partenariats ouverts qui sont engagés auprès des fonctionnaires, des mutuelles et des organisations de l’économie sociale et solidaire.

Nos cinq années d’activité nous ont permis de mener des travaux approfondis qui ont donné lieu à débats et productions.

Accompagnement coaching : nous avons réalisé une enquête, une étude et des propositions sur le travail des fonctionnaires montrant leur potentiel d’innovation, non reconnu et largement inutilisé. Cela a donné lieu à notre premier livre Où va la fonction publique ?, publié aux éditions Lavauzelle. Sur ces bases, un « executive master » en coaching et accompagnement de la transformation des organisations publiques a été créé à l’Université Paris-Dauphine.

Création collective : accompagner, former et stimuler la créativité des collectifs professionnels est une priorité pour Galilée.sp. Nous avons créé un prototype, le laboratoire incubateur d’idées (ou « L.I.I. ») qui permet, en 3 heures de trouver des solutions concrètes et accessibles à des problèmes managériaux ou opérationnels. Ceux qui ont testé nos premières témoignent que ça marche.

Soutien numérique : comment soutenir l’administration numérique et surtout laquelle ? Alors qu’un quart de la population française n’est pas encore passé au numérique, nous tenons à un réseau efficace de proximité des administrations publiques et, selon nous, il s’agit d’une priorité républicaine. Parallèlement, la numérisation des traitements, des fonctionnements et des mises de relation est, bien sûr, nécessaire. Il s’agit d’un passage de cap et nous avons mis en place un prototype de « mentorat numérique inversé » pour que les fonctionnaires de toutes les générations redeviennent créatifs avec les moyens d’aujourd’hui.

Cigalades : nous croyons au modèle de l’économie sociale et solidaire. Nous avons donc créé un colloque annuel et un prix cigalades, décerné, avec nos partenaires CIRIEC France et AD-PA, à des jeunes dirigeants d’EPAHD. Le président du jury est l’éminent Jacques Fournier, figure de référence de « l’économie des besoins ».

Économie iconoclaste : nous cherchons de nouvelles voies économiques et avons par exemple présenté une proposition législative pour remonter en haut de bilan certaines dettes sociales d’entreprises en conversion. Nous encourageons la « pensée économique iconoclaste » car la pensée unique et néolibérale butte sur elle-même. Les « monnaies hélicoptères », « l’euro-franc », les prêts des banques centrales à des particuliers etc. Utopies ou nouvelles voies ? Nous osons en débattre et élever notre niveau de conscience économique. Michel Camdessus nous a présenté un tableau d’enjeux incontournables des 50 prochaines années.

Ouverture philosophique : nous remettons la philosophie au cœur de nos questions professionnelles pour sortir des sentiers battus et voir de plus haut et voir plus loin. Philoboulot, ce sont des séminaires réguliers qui traitent des questions relatives aux enjeux du travail contemporain. Philopol, c’est un rapport actuellement mis en débat, pour mettre en lumière des fondements philosophiques nouveaux pour une vie citoyenne dans les valeurs de la République.

 Le prochain quinquennat ? Quelles actions ? Quelles pistes ? Au service de quoi ?
La ligne que je proposerai à la prochaine assemblée générale du 22 mars 2017, c’est : « continuer sur cette voie en approfondissant nos travaux, en continuant à publier et mettre en œuvre des prototypes ». Le débat aura lieu. Ne l’anticipons pas.
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