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17 / 07 / 2012 | 6 vues
Didier Cozin / Membre
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Le DIF : peut-on tirer un bilan huit ans après la Loi de mai 2004 ?

En matière de DIF (droit individuel à la formation), on peut désormais tout entendre ou lire.

Selon les uns (Bref du CEREQ de mai 2012), le DIF serait un semi-échec, ne concernerait qu’une minorité de salariés et n’aurait pas renversé la donne formation en France (les entreprises peu formatrices, grandes comme petites, n’auraient pas changé leurs habitudes).

Selon d’autres (notamment les enquêtes annuelles menées par le groupe Demos) le DIF prendrait petit à petit non seulement dans les pratiques formations des entreprises mais aussi dans la tête des salariés qui ne seraient plus réellement sevrés d’information huit années après l’invention du DIF.

Où en est-on réellement en matière de formation tout au long de la vie (car le DIF en fait partie) et notre pays a-t-il d’autres alternatives pour intégrer l’économie de la connaissance et de l’information que de développer la formation de tous ses travailleurs, y compris des moins qualifiés ?

La formation c’est bien évidemment l’anticipation mais c’est aussi une progressive imprégnation et maturation du corps social. En 1881, quand Jules Ferry a instauré l’école obligatoire et gratuite, il a fallu des années pour que dans les campagnes on laisse partir les petits à l’école plutôt que dans les champs ou les étables (les congés d’été ont même été inventés pour permettre les travaux des champs).

Quand, en 1971, une loi a instauré la contribution formation professionnelle et le plan de formation, il a fallu encore près de 10 ans pour que les (grandes) entreprises organisent les apprentissages professionnels.

Ces périodes éducatives charnières pour notre pays se déroulaient dans des contextes économiques et sociaux très différents du climat que nous connaissons depuis quatre ans : une crise financière et économique systémique qui remet en cause les fondements mêmes de notre société.

Le droit individuel à la formation n’a certes pas pris, comme certains l’avaient imaginé : il n’y a guère eu d’enthousiasme ou d’élan de la part du monde professionnel pour mettre en œuvre une formation devenue égalitaire et équitable.

Le DIF a été inventé pour révolutionner une formation professionnelle qu’une commission sénatoriale (le droit de savoir en 2007) a qualifié avec 3 C : complexe, cloisonnée et corporatiste.

Pour changer ce système encalminé sur des modèles dépassés il faut encore du temps car tout ne peut pas se mettre en place rapidement pour au moins six bonnes raisons.

  • Le DIF est un droit qui se constitue dans la durée, il est capitalisé durant six ans et ne pouvait donc offrir un capital horaire conséquent lors de son démarrage.
  • L’initiative du DIF revient au salarié mais le laisser seul face à une offre formation illisible et pléthorique empêche les travailleurs les plus modestes de faire émerger leurs demandes.
  • L’employeur doit donner son accord sur le choix de l’action de formation demandée par son salarié mais cet accord est souvent  impossible dans les entreprises non formatrices.
  • Le DIF n’est pas financé par une cotisation particulière et l’employeur et sa branche professionnelle (via l’OPCA) ont tendance à se renvoyer cette prise en charge.
  • La mise en œuvre généralisée du DIF nécessiterait qu’on cesse de rationner la formation alors que dans le contexte de crise actuelle, beaucoup d'organisations (privées comme publiques) font porter leurs économies sur la formation (qui ne se voient pas et dont les échéances semblent facilement reportables).
  • L’État considère depuis 1971 la formation comme une contribution fiscale qu’il devrait contrôler de très près. Ainsi, les multiples acteurs de la formation (OPCA, organismes de formation, entreprises...) doivent justifier en permanence de leur activité et par ce fait limiter le nombre d’actions de formation sur le terrain.


Pourtant, le DIF donne des résultats  dans les organisations où il est loyalement mis en œuvre.

  • Une grande société de services d’origine étrangère (plus de 5 000 salariés dont 80 % de personnel peu qualifié). Le DIF a été promu par le service formation avec l’accord de la DRH qui voulait faire de ce dispositif un levier social. Aujourd’hui, près de 20 % des salariés prennent leur DIF année après année, l’entreprise lutte par exemple contre la fracture numérique et l’appétence pour la formation est devenue évidente, même et surtout pour les salariés peu qualifiés.
  • Une chaîne de magasins (plus de 700 boutiques) a décidé en 2011 (après un accord de branche finançant le DIF) de lancer un catalogue DIF national (anglais, informatique, communication...). Un mois après la proposition DIF, moins de 1 % avait répondu positivement, à mi-parcours durant l’été 2012 près de 200 personnes se sont inscrites à des stages et en 2013, l’entreprise formera en DIF au moins 20 % de ses salariés (qui n’avaient jusqu'alors jamais bénéficié de formation).
  • Une usine de l’agro-alimentaire (800 personnes) en Rhône-Alpes. Le service formation pensait que les salariés ne souhaitaient pas utiliser leur droit à la formation. En 2007, un programme d’informatique proposé à tous les salariés de l’usine a entraîné une immense demande.


Le DIF peut donc « prendre » dans les entreprises, il ne se développe pas instantanément, les salariés, les syndicats ne s’enthousiasment pas pour une formation qui demeure toujours un effort (effort pour l’entreprise qui finance et organise mais effort aussi pour le salarié qui accepte d’admettre qu’il ne sait pas tout, qu’il lui faut remettre ses connaissances à jour).

  • À l’occasion du sommet social des 9 et 10 juillet 2012, la pire des solutions pour les pouvoirs publics aurait été de prétendre à nouveau réformer la formation professionnelle, de lancer de nouvelles consultations, de nouveaux rapports et de faire voter d’autres lois. Ce choix a été bien heureusement écarté, notre pays n’a pas besoin de nouvelles lois en matière de formation mais d’utiliser pleinement celle qu’il a fait voter il y a moins de dix ans.


Dans le contexte social et économique actuel, il est nécessaire de faire confiance à, de responsabiliser chaque travailleur sur son avenir professionnel.

Le droit à la formation va donc peut-être devenir ce nouveau droit de l’homme (et du travailleur) que certains entrevoient depuis des années (Paul Santelmann entre autres). Ceux qui avaient enterré le DIF en seront pour leur frais. Le milliard d’heures de DIF (10 millions de salariés disposant tous de 100 ou 120 heures sur leurs compteurs) doit être converti en action d’accompagnement et de formation sur le terrain.

Le DIF est tout à la fois la promesse d’une meilleure éducation (et un grand nombre de nos problèmes viennent d’une éducation insuffisante et inadaptée au XXIème siècle) mais aussi une solution simple, accessible et rapide pour reconvertir des millions de salariés malmenés par la crise.

Si après-guerre nous avions besoin d’infrastructures et d’équipements industriels modernes nous avons aujourd’hui besoin de monter en compétences. Dans un monde concurrentiel et globalisé, les Français ne peuvent se contenter d’un savoir minimum acquis (plus ou moins) durant la période scolaire et qui leur servirait de viatique durant 40 ans de vie professionnelle.

La formation tout au long de la vie est à notre portée, elle remet certes en cause certaines rentes de situation (la primauté du diplôme, la césure entre travailleurs manuels et intellectuels, entre salariés protégés et précaires) mais l’économie de la connaissance et  la préservation de l’environnement n’imposent-ils pas de tels changements dans le monde entier ?

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Bonjour, Le problème du DIF est le manque de communication à son égard et qui devrait être ciblée autrement. Car la modeste communication actuelle ne vise que les employeurs. Elle doit être dirigée au contraire vers les salariés car ce sont eux qui prennent l'initiative et eux seuls qui sont censés proposer une formation à leur employeur et non l'inverse. Or, cette communication, personne ne veut la faire, quelques exceptions mises à part. Les pouvoirs publics ne le font pas. Les syndicats ne le font pas et se taisent. Les organismes de formation ne le font pas non plus ce qui peut paraître paradoxal mais qui au fond s'explique. Du côté employeurs, non seulement le DIF est un sujet tabou mais il suscite un certain rejet pour plusieurs raisons : 1) Il coûte cher. 2) Il implique une certaine perte de contrôle de la politique formation à cause du droit de proposition du salarié. Ce qui explique d'ailleurs la pratique des "catalogues" (susceptibles de poser problème d'ailleurs). 3) Il est potentiellement dangereux car il pourrait devenir une arme redoutable en cas de conflit social. A partir du moment, où les compteurs sont pleins à craquer (ce qui est le cas) le risque est grand de se trouver en face de demandes massives qu'il est quasiment impossible d'écarter. D'autant que ces demandes seraient d'ailleurs légitimes car beaucoup de salariés ont atteint le maximum légal et ont leurs compteurs gelés, situation qui perdurera tant qu'ils ne consommeront pas au moins 20 heures. Un forum sur la question : http://www.le-dif-en-questions.fr Bruno Callens Docteur en Droit