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18 / 12 / 2012 | 1 vue
Denis Garnier / Membre
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Le dialogue social dans la féodalité hospitalière

Au centre hospitalier de Sarreguemines, le directeur de l’ARS (agence régionale de santé) impose la suppression de quasiment 10 % des emplois. Les malades sont guéris ? Non. Il faut réduire les dépenses.

À Saint Nazaire, le déficit prévisionnel pour fin septembre est de 6 millions d'euros (peut-être davantage) pour la fin de l’année et le cumulé de 12 millions d'euros. Le syndicat FO signale : « en un an, le nombre des arrêts longue maladie sur le CH a progressé de plus de 46 % ».

À Chartres, plus d'un quart des lits de chirurgie du troisième établissement de la région Centre vont être fermés faute de rentabilité. Etc.

Dans de nombreux établissements, les chantiers sont arrêtés faute de crédits, les RTT sont remises en cause, les départs ne sont pas remplacés etc.

Ce ne sont que les informations d’un jour.

  • Tous sont victimes de plans de redressement des comptes. Les syndicats ne sont pas consultés. Une simple information portée au conseil de surveillance, présidé en général par le maire de la commune, suffit. C’est ainsi avec la loi hôpital patient santé territoire (loi dites HPST) publiée par l’ancien gouvernement et appliquée sans retouche par le nouveau.

Les directeurs d’hôpital sont-ils devenus de si mauvais gestionnaires ?


En fait il n’en n’est rien (même si nous connaissons quelques exceptions). La tarification à l’activité impose des prix qui ne correspondent pas aux coûts réels. Tous les établissements qui sont placés sous la dictature de la T2A sont (où seront) à terme en déficit. C’est mathématique. Lorsque les coûts augmentent en moyenne de 3 % et que les tarifs baissent, le plus grand des argentiers ne pourra éviter le déficit.

Mais la cupidité n’a pas de limite dans le monde hospitalier. Cette course à l’austérité assassine la qualité, massacre le personnel et instaure l’insécurité pour le malade. Ceci n’a aucune importance pour le suzerain absolu qui revêt le titre de directeur de l'ARS.

  • À la différence des dictateurs, c’est la loi qui lui a donné tous les pouvoirs.

À peine incontrôlé par le ministre, nommé par le Président de la République, il taille dans les dépenses hospitalières avec la délicatesse d’un bûcheron et le souci d’un Harpagon.

Personne ne peut l’arrêter. Le changement qui s’est opéré au plus haut de l’État n’a pas gagné la sphère des ARS et leur cortège de plans sociaux qui sont faussement appelés plan de redressement ou de retour à l’équilibre des comptes.

Les hospitaliers sont à la France ce que la Grèce est à l’Europe (sans versement d’aides).

Ils paient un lourd tribu. Au plan national, les conditions de travail dégradées se traduisent par une augmentation annuelle de plus de 10 % des absences au travail pour cause de maladie. Les accidents de travail + 9,21 %, les accidents trajet-travail + 33,33 % et les maladies professionnelles + 25 % (1).

  • Pendant ce temps la Haute autorité de santé discute de la qualité de vie au travail (QVT). À l’hôpital, ce n’est pas à l’ordre du jour.

La négociation n’est pas prévue.


Le syndicat veut négocier ce qui peut l’être. Mais il n’y a pas de table. Ce n’est pas prévu par les textes. La loi HPST a balayé le dialogue pour concentrer tous les pouvoirs dans les mains d’un seul maître. Les élus, les syndicats, les usagers sont exclus de toutes les consultations. Le plan de retour à l’équilibre est le résultat d’un ordre du suzerain (le directeur d’ARS) à son vassal (le directeur d’établissement).

  • La loi HPST, combinée aux précédentes, donne les pleins pouvoirs au directeur d’ARS et au directoire de l’hôpital, présidé par le directeur d’établissement qui exécute. S’il ne se soumet pas au diktat légal de l’ARS, il perd ses primes (environ 40 % du salaire) et peut être placé en recherche d’affectation (2).


Le conseil de surveillance, généralement présidé par le maire de la commune, et à plus forte raison les représentants du personnel, n’ont rien à dire puisqu’ils ne sont pas consultés sur des mesures qui se traduisent pourtant par des dizaines de suppressions d’emplois.

Alors où faut-il porter le dialogue ?

Le gouvernement actuel, comme le précédent, n’a de cesse de parler de dialogue social. Des conférences, des textes, des circulaires et des mots, toujours des mots, qui survolent la réalité sans jamais la rencontrer.

Dialogue ? Mais où ? Avec qui ? Pour quoi ? Pour qui ?

Pouvez-vous dire à ces syndicats de personnel hospitalier avec qui ce dernier peut dialoguer pour faire entendre l’état de sinistre grave dans lequel se trouve l’hôpital ?

La grève, la rue, la violence, la séquestration des cols blancs, la prise en otage du public ? Que voulez-vous ?

Si l’expression du personnel ne peut se réaliser dans le cadre d’un dialogue constructif alors d’autres voies s’imposeront. Nous ne passerons pas de bonnes fêtes !

[1] Source : bulletin de prévention n° 9 du Fond national de prévention de la CNRACL.
[2] Selon le syndicat des cadres FO, « avec la recherche d'affectation des directeurs, le gouvernement a réinventé les lettres de cachet de l'ancien régime.  Avant 1789, le roi embastillait par lettre de cachet. En 2012, des DG d'ARS décident de placement en recherche d'affectation, contenant des ordres d'exil sans jugement ».

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