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27 / 09 / 2016 | 1678 vues
Michel Le Clainche / Membre
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La stratégie numérique de la DGFiP

Après la fusion des services des impôts et du Trésor public, la DGFiP a mis en œuvre une stratégie numérique globale qui va transformer ses relations avec les usagers et son management interne.
 
La mise à l’épreuve de la fiscalité par le numérique se traduit principalement par diverses
interrogations sur l’application des techniques habituelles d’assiette de l’impôt aux
nouvelles conditions de création de valeur : internationalisation, dématérialisation et instantanéité.
 
Mais elle concerne aussi la gestion de l’impôt.
 
Comme toutes les activités tertiaires, l’administration a vu ses procédures et ses modes de fonctionnement bouleversés par l’informatique et, maintenant, par le numérique. La rationalisation des tâches en interne et les téléprocédures sont des accélérateurs du développement d’une nouvelle gestion publique.

  • Le « numérique de la fiscalité » est tout aussi innovant que la « fiscalité du numérique » et il est essentiel de s’y adapter pour une administration de 113 286 agents qui gèrent l’impôt sur le revenu de 36,7 millions de foyers fiscaux et la TVA de 5,18 millions d’entreprises.
La Direction générale des finances publiques (DGFiP), bénéficiant de la solide expérience
d’informatisation et de politiques d’amélioration des relations avec ses publics des directions qui l’ont constituée, a commencé à prendre le virage du numérique pour sa propre gestion. Cette évolution ne peut que la mettre en condition pour appliquer la « fiscalité du numérique ».

La création de la DGFiP, en 2008, a eu pour principaux effets la fusion des structures aux niveaux national et local, celles des statuts du personnel et celles des services de proximité offerts au public.

Ces opérations ont mobilisé l’essentiel des énergies et ont été réalisées, plus ou moins complètement, dans un délai rapide de trois à quatre ans.
  • On pouvait s’attendre ensuite à une période de « croisière », comme le laissait entendre le directeur général qui avait mené la réforme avant de revenir dans les services opérationnels. Mais le nouveau directeur général, nommé en 2012, a choisi de lancer une nouvelle démarche stratégique, dans le but de tourner la page de l’étape de la fusion et de donner de nouvelles perspectives à ses équipes.
La rédaction d’un projet stratégique participatif a été menée en 2012 et 2013, portant sur divers aspects de la gestion. Parallèlement, l’élaboration d’une démarche stratégique numérique a été confiée à un groupe de mission animé par le directeur général adjoint dans le but de s’intégrer à la démarche d’ensemble.
 
Elle a posé le socle d’un bond qualitatif dans la gestion de la DGFiP pour tirer le meilleur parti du numérique afin d’améliorer le service à l’usager et de générer des gains de
productivité. Ce faisant, elle a validé la faisabilité d’outils novateurs qui sont appelés à de larges développements et approfondissements.
 
Plutôt que de décrire ces outils, la stratégie numérique de la DGFiP sera exposée à travers ses principales caractéristiques méthodologiques : transversalité, attention portée à la satisfaction des usagers et prise en compte des conséquences internes des réformes.

La stratégie numérique de la DGFiP est une stratégie transversale

L’évolution vers le numérique n’a pas été envisagée comme un simple perfectionnement des dispositifs existants mais comme un élément fort d’une stratégie globale de positionnement de la direction.
 
Rappel de la démarche stratégique « une stratégie de confiance 2013-2018 »
 
La démarche stratégique était fondée sur quatre ambitions majeures.
  • Le premier axe « contribuer à la solidité financière des institutions publiques » visait à fédérer les missions très diverses héritées des anciennes directions fondatrices (direction générale des impôts et direction générale de la comptabilité publique).
Les ministres et directeurs généraux successifs s’étaient engagés à maintenir l’intégralité des missions antérieures et ce, malgré l’inéluctable réduction des moyens budgétaires et surtout humains. Il en résultait une recherche d’importants gains de productivité dont une partie était attendue de la modernisation des techniques de gestion.
  • Le second était plus directement tourné vers la satisfaction des usagers. Il s’agit de « favoriser un environnement de confiance par la qualité de service et la proximité ». Là encore, le recours à de nouvelles techniques est indispensable. On pense, par exemple, à l’apport des services en ligne à la résolution des difficiles problèmes d’accueil et d’information des contribuables.
  • Le troisième était explicitement celui d’une stratégie numérique « au service de tous », ce qui désigne les agents et les usagers.
  • Le quatrième était plus tourné vers l’interne : « faire de la culture commune de la DGFiP la force de sa communauté professionnelle ». On verra que la stratégie numérique a eu l’ambition de renouveler le professionnalisme des équipes et pourrait avoir pour effet de faire évoluer leur culture. 
Les larges consultations, groupes de travail, visites de terrain, études et sondages pilotés par la mission chargée d’animer la démarche ont abouti à la formulation de 367 actions et à la création d’un dispositif spécifique de suivi au sein duquel le volet numérique a trouvé toute sa place.

L’articulation entre la démarche stratégique et la stratégie numérique

Les deux démarches stratégiques, l’une globale, l’autre spécifique au numérique, avaient pour vocation de s’imbriquer. Dans un premier temps, elles ont été menées parallèlement, puis certaines des conclusions du groupe de travail numérique ont été incluses dans le document stratégique global sans préjudice, d’ailleurs, de documents particuliers relatifs à la stratégie numérique.
 
Toutefois, il est certain que, dans l’esprit de la nouvelle direction générale, la question du numérique était centrale. Cela ne tient pas à un effet de mode ou à l’air du temps mais à une série de facteurs objectifs.
 
Les nouveaux responsables, le directeur général (Bruno Bézard) et le directeur général adjoint (Olivier Bourges) ont donné l’impulsion en se fondant sur leur expérience acquise en Chine pour l’un et chez un grand constructeur automobile pour l’autre. La nécessité de trouver un nouveau souffle après la fusion a justifié la recherche d’un thème novateur, porteur et fédérateur.

La volonté et la nécessité d’ouvrir cette administration sur l’extérieur, de mieux prendre en compte les attentes des usagers, de se situer par rapport à l’état de l’art dans les grandes organisations comparables ont été les axes majeurs des promoteurs de la démarche.

La pression budgétaire et l’inéluctabilité des gains de productivité ont sans aucun doute joué un rôle mais, probablement pas celui des organisations syndicales, il s'agissait sans doute là d'une motivation secondaire.

L’affirmation du rôle central de la stratégie numérique n’a fait que se renforcer. Le directeur général l’a exposé sans ambiguïté dans l’entretien croisé avec son adjoint publié en préface au rapport d’activité 2013 de la DGFiP : « Mais je voudrais insister plus particulièrement sur le numérique, car la DGFiP a beaucoup avancé en la matière […]. Mais nous avons décidé d’aller beaucoup plus loin. Nous pouvons en effet améliorer nos performances en changeant d’échelle… ».

Aujourd’hui, après une fusion effectuée en un temps record et une démarche stratégique extrêmement novatrice et détaillée, le pilotage de la direction par le directeur général nommé en 2014 est marqué par davantage de pragmatisme. Mais les grands axes de la stratégie numérique demeurent d’actualité et les projets continuent de se développer.

Les grands axes de la stratégie numérique

La stratégie numérique s’affiche comme telle : avec des buts généraux, une perspective à
plusieurs horizons, des déclinaisons multiples en sous-objectifs opérationnels, des calendriers de mise en œuvre et un pilotage spécifique…
 
Cette démarche est très organisée. Un comité de pilotage animé par le directeur général adjoint se réunit tous les quinze jours pendant plus d’un an, se divise si besoin en sous-groupes, passe des commandes aux services, franchit les obstacles un à un, recherche des gains immédiats et visibles tout en calculant les retours attendus sur investissements et tient un tableau de bord rigoureux.

Ultérieurement, le pilotage du numérique sera unifié au sein d’un service à compétence nationale : Cap Numérique. Ce service est désormais au cœur de la modernisation des administrations fiscales et financières et participe très activement à la conception des
projets numériques interministériels.

L'une des principales caractéristiques est la transversalité de la démarche qui s’inscrit dans le moment post-fusion et dans la volonté de surmonter les cloisonnements qui subsistent entre les démarches informatiques de chacune de anciennes directions, entre les opérationnels et les informaticiens, entre les concepteurs de projet et ceux qui les mettent en œuvre. On s’appuie sur les acquis qui sont considérables (notamment ceux du projet Copernic) pour généraliser les bonnes démarches, créer des outils communs tels que les référentiels des services, les identifiants des contribuables et appuyer les nouveaux services fusionnés, notamment en matière d’accueil. Un outil emblématique est ainsi conçu : l’espace numérique sécurisé unifié (ENSU), dispositif commun à tous les agents et à tous les usagers et ayant pour vocation de regrouper l’ensemble des transactions envisageables entre l’administration et ses usagers (déclarations, paiement, informations, réclamations…).

Tous les métiers de la DGFiP sont concernés. Bien sûr, l’intérêt se porte en premier lieu sur la gestion fiscale en raison de son poids dans les missions de la direction, de son potentiel issu de la fusion entre les services d’assiette et de recouvrement et de l’acquis de Copernic.

Mais, soucieux d’intéresser l’ensemble des équipes et d’obtenir des réalisations échelonnées dans le temps, l’équipe de la stratégie numérique va envisager l’application du numérique à d’autres métiers de la nouvelle direction tels que les relations avec les collectivités territoriales (dématérialisation déjà engagée mais à vitesse réduite dans le cadre du programme Hélios), la réduction des règlements en espèces, les relations avec le ministère de la Justice (dématérialisation des échanges à l’occasion des contentieux), les relations avec les banques (dématérialisation des saisies bancaires), les droits de timbres, la programmation du contrôle fiscal et la mission de prestataire bancaire de proximité assuré pour le compte de la Caisse des dépôts et consignations…

L’ambition est élevée puisque la volonté de devenir une « administration numérique de référence » est proclamée. Dans une attitude peu répandue à Bercy, le groupe va prendre en considération l’état de l’art dans les diverses techniques : soit en analysant les expériences étrangères souvent méconnues (la télédéclaration des revenus en Espagne, les services numériques en Estonie, la communication sur l’impôt en Russie…), soit en regardant les réalisations d’autres organisations  comparables (les services en ligne d’une grande banque, le réseau collaboratif de la Direction générale de l’aviation civile…).

La dimension interministérielle n’est pas ignorée : la stratégie numérique va contribuer très positivement à la réussite de certains projets portés par le Secrétariat général
à la modernisation de l’action publique : « Dîtes-le nous une fois » pour réduire le nombre
d’informations demandées aux entreprises et aux particuliers ; « FranceConnect », système d’authentification et d’identification unique pour les démarches en ligne.

Le principe technique adopté est celui de la « dématérialisation de bout en bout », seul gage de réelles simplifications et de vraies économies. Ainsi, lorsqu’une procédure est mise en ligne, c’est l’intégralité des formalités concernant une entité qui doit pouvoir être réalisée de manière fluide et continue, d’où par exemple le souci de compléter le compte unique du contribuable pour créer un espace multiservices comprenant des dispositifs d’assistance en ligne.

Cela ne signifie pas nécessairement le passage immédiat au « tout numérique ». Ainsi, lorsque le groupe s’intéresse à la généralisation de la télédéclaration des revenus, il envisage des mesures d’accompagnement et de transition. Car, naturellement, le numérique doit être « au service de tous », ce qui vise aussi bien les usagers que les agents.

La stratégie numérique est tournée vers le service à l’usager

Même si la notion d’administration de service avait commencé à être développée dans le discours des directions avant leur fusion, la démarche numérique marque une rupture : les thèmes et les outils de réforme sont prioritairement destinés à améliorer la qualité du service rendu.
 
La conception et la mise en place d’un service « omnicanal »
 
La question de l’accueil des contribuables a toujours été un problème particulièrement difficile à gérer par l’administration fiscale. La demande d’information et d’assistance est très forte, qualitativement du fait des craintes que suscitent la législation fiscale et son application et quantitativement du fait des phénomènes de pointe constatés au moment de la souscription des déclarations ou de la réception des avis d’imposition.

  • La DGFiP reçoit chaque année 18 millions de visiteurs à ses guichets, 7 millions d’appels téléphoniques à ses services spécifiques et 5 millions de courriels.

Le numérique contribue à renouveler l’approche de ce problème rendu encore plus crucial par la réduction des moyens.

Le numérique devra d’abord permettre de diversifier les modes de contacts entre l’administration et les contribuables. Ceux-ci auront le choix d’utiliser le procédé qui leur convient : la visite dans les services, le courrier, le téléphone et internet.

Toutefois, afin de mieux répartir la charge, il est envisagé de diriger les flux de demande de contacts vers les canaux les plus efficaces en fonction de leur nature (demande d’informations générales, traitement personnalisé, déclaration de changement de situation, déclaration globale, avis d’imposition etc.).

Concrètement, il s’agit d’organiser l’évitement de la relation de guichet pour les très nombreux contribuables qui pourraient obtenir le renseignement dont ils ont besoin ou accomplir leur formalité de manière plus simple, plus confortable et moins consommatrice en temps pour eux-mêmes et pour l’administration.

La configuration des services (clarté du site internet, rapidité et sûreté de la réponse
téléphonique, ergonomie des téléprocédures...) et une communication adaptée, définies après études minutieuses des pratiques et des attentes des usagers, devraient permettre d’y parvenir.

Ce dispositif de service « omnicanal », où l’usager a le choix du mode de relation le plus approprié et où les services sont conçus pour faciliter « l’expérience client », repose pour une large part sur des technologies numériques. L’amélioration de l’information générale passe d’abord par une nouvelle configuration du site internet « impôt.gouv » qui doit être davantage organisé en fonction de la demande et évoluer vers un portail rendant accessible l’ensemble des services de la DGFiP (en particulier en offrant une même plate-forme au contribuable et aux redevables de produits locaux).

L’efficacité de la relation suppose que celle-ci soit sécurisée, mémorisée et globalisée. C’est l’un des objets de l’espace numérique sécurisé unifié (ENSU) qui doit regrouper
l’ensemble des données du contribuable, mises à jour rapidement et accessibles instantanément pour le contribuable, l’agent de renseignements et l’agent gestionnaire du dossier.

Un tel dispositif rend possible la dissociation du renseignement et du traitement des opérations, ce qui permet une rationalisation et une professionnalisation de
l’accueil, notamment par la création de plates-formes téléphoniques dotées d’outils de gestion de la relation clients qui peuvent, comme aujourd’hui, donner de l’information générale, mais aussi, fournir des renseignements personnalisés et en recevoir pour les intégrer au dossier du contribuable (par exemple, changements d’adresse ou de situation de famille...).

Cette même conception anime le développement des téléprocédures que le numérique permet d’étendre à l’ensemble des formalités de manière fluide (un seul identifiant), dans une approche personnalisée et globale (par exemple : passage aisé de la déclaration aux choix des modalités de paiement…) et dans les deux sens (proposition d’envoi dématérialisé des avis d’imposition aux contribuables ayant opté pour la télédéclaration).

On voit donc que cette nouvelle « relation numérique » repose sur l’espace personnel unifié, système complexe, à construire progressivement à partir des outils de Copernic, et sur une multitude d’autres outils numériques : plates-formes de renseignements téléphoniques, téléprocédures, accès par smartphones etc. Elle doit aussi tenir compte de l’état des mentalités et des attentes effectives des usagers.

La question de l’obligation de la relation numérique

La conception de la relation numérique peut paraître quelque peu futuriste mais la pratique actuelle montre que les modes de relation des contribuables avec l’administration ont déjà considérablement évolué.

Ainsi, la télédéclaration et le télépaiement de la taxe sur la valeur ajoutée ont été généralisés le 1er octobre 2014 par paliers successifs après quelques années de transition pour plus de 5 millions d’entreprises.

La déclaration en ligne des revenus a été choisie par plus d’un tiers des foyers fiscaux en 2013 (13,6 millions de télédéclarants pour 36,7 foyers fiscaux). Par ailleurs, 2,5 millions  de contribuables ont choisi la formule « zéro papier » incluant télédéclaration, dématérialisation des avis et paiement en ligne…).

L’administration a de son côté acquis une parfaite maîtrise de ces outils et aucun incident majeur n’a été constaté dans le fonctionnement des chaînes de traitement de l’impôt, à la différence d’autres grands systèmes d’information de l’administration.

Le groupe de travail a donc envisagé la possibilité de rendre obligatoire la déclaration en ligne des revenus. De même, une généralisation des paiements dématérialisés mensuels pourrait être étudiée pour avoir, au prix de quelques aménagements, les mêmes effets qu’un prélèvement à la source sans en avoir les inconvénients.
 
Des mesures du type « coup de pouce » inspirées de la technique du « nudge » ont été envisagées : incitations financières (exclues pour des raisons d’égalité), allongement des délais de déclaration…

Mais la qualité du service rendu doit, par elle-même, inciter les contribuables à bien utiliser les services qui leur sont proposés et, le cas échéant, justifier une éventuelle obligation. Il est toutefois évident que le passage au « tout numérique » n’est pas envisageable sans mesure de transition et d’accompagnement.

C’est pourquoi une mise en œuvre par paliers (par exemple, en commençant par les tranches de revenus les plus élevés) ainsi que des mesures de transition et d’accompagnement sont indispensables. Il sera, par exemple, utile de prévoir quelques dispenses (les habitants des « zones d’ombre »), de reconfigurer les services d’accueil pour qu’ils puissent offrir une assistance technique, de passer des conventions avec des organismes en mesure d’offrir une assistance de proximité ou de recourir à des « tiers de confiance ». La dématérialisation des relations avec l’administration fiscale devrait même être pensée comme un facteur « d’inclusion numérique » en incitant à l’apprentissage des nouvelles technologies.

Des applications multiples

La dynamique initiale de la stratégie est aujourd’hui plus discrète mais les dispositifs envisagés se mettent en place et les projets foisonnent.

Le portail fiscal qui a reçu 103 millions de contacts en 2014 se perfectionne avec le concours des internautes selon des méthodes nouvelles « agiles et participatives ». Des ateliers de « coconstruction » et des « hackathons » ont été organisés en 2014 et 2015 pour faire participer des usagers-internautes et des « geeks ».

La déclaration en ligne des revenus et les télépaiements ont continué de progresser : 13,6 millions de déclarations de revenus par internet pour 36,7 millions de foyers fiscaux en 2013 / 15 millions en 2014 ; 2,2 millions d’options « zéro papier » en 2013 / 3,8 millions en 2014 ; les particuliers ont effectué 5,7 % de leurs règlements d’impôts par internet en 2013 / 7 % en 2014 ; 95,7 % de la TVA a été télépayée en 2013 / 97,8 % en 2014.

Le principe de la généralisation de la déclaration en ligne et celui d’un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ou d’un système alternatif d’imposition contemporaine des revenus sont inscrits dans la loi de finances pour 2016.

Les plates-formes téléphoniques chargées du renseignement et du traitement direct des informations ont été expérimentées, notamment à Rouen puis à Chartres. L’expérimentation a été l’occasion de tester les hypothèses de départ, de concevoir des formations spécifiques pour les équipes, de tester les modes de relation entre les plates-formes et les services opérationnels…

Le portail usager, préfiguration de l’espace numérique unifié du contribuable, sera refondu en 2016. Les contribuables disposeront bientôt d’une messagerie sécurisée pour faciliter le dialogue avec les agents. La question préalable des identifiants a été réglée dès lors que l’identifiant fiscal, autorisé par la CNIL, permet de coordonner les diverses applications par le biais de l’état-civil sans recréer un numéro national d’identité ou recourir au numéro de sécurité sociale.
 
Divers « livrables » ont montré la puissance de l’outil numérique pour rénover la chaîne de la gestion fiscale. Ainsi, la dématérialisation totale du droit de timbre sur les passeports, vieux sujet de simplification étudié sans succès, il y a plus de quinze ans, par le Médiateur de la République, a été rendue possible et laisse augurer la suppression du timbre fiscal papier en 2017/2018. Le fichier des assurances- vie (Ficovie) permettra bientôt de régler la question des contrats d’assurance vie en déshérence.

De même, la possibilité de confirmer sa déclaration de revenus préremplie ou de payer par
smartphone, encore peu utilisée (310 000 paiements en 2013) est la démonstration concrète d’une relation dématérialisée et radicalement simplifiée. Le contrôle fiscal, occasion très particulière de relation entre le contribuable et l’administration et organisation particulière au sein de l’administration, n’est pas à l’écart de l’influence du numérique.

Les procédures sont modernisées : les vérificateurs sont dotés de logiciels plus efficaces
d’aide et de suivi de leurs procédures ; les entreprises sont désormais tenues de leur transmettre leurs fichiers d’écritures comptables. Mais plus novatrice est l’utilisation de méthodes d’analyse des données massives (« data mining ») pour détecter les fraudes qui commencent à être expérimentées avec succès ou les systèmes d’échanges automatiques de données internationales avec les administrations fiscales étrangères.

La dématérialisation des relations avec les collectivités territoriales et avec les juridictions financières s’accélère. La norme PES V2 préalable à la dématérialisation des 650 millions de documents échangés pour la gestion de 165 000 budgets locaux est généralisée. La DGFiP prépare une solution de stockage, de recherches et de consultation des données accessible aux services, aux collectivités et aux juridictions financières.

La DGFiP est motrice dans plusieurs projets interministériels :

  • API impôts particuliers sur la transmission de données fiscales, avec l’accord du contribuable, facilitant le traitement de dossiers relevant d’autres services publics ;
  • PayFiP, solution unique pour les paiements par carte bancaire ou prélèvement à des créanciers publics ;
  • l’espace numérisé des agents publics (ENSAP) pour dématérialiser et stocker les bulletins de paie et de pensions.

Le numérique commence ainsi à modifier sensiblement les relations avec les contribuables, ce qui n’est pas sans conséquence en interne.

La stratégie numérique est fédératrice en interne

L’une des originalités de la démarche est la volonté d’organiser l’implication des agents dès la conception de la réforme.
 
La volonté de faire des agents des « ambassadeurs du numérique »
 
Le contexte syndical de la DGFiP après la fusion n’est pas très favorable aux réformes. Le dialogue social est encore focalisé sur les conséquences de la fusion et, en particulier, sur l’harmonisation des statuts et des règles de gestion. Par ailleurs, la pression croissante sur les moyens budgétaires et les effectifs rend difficile l’adhésion à de nouvelles organisations du travail.

Toute initiative de la direction est analysée à l’aune de la réduction des moyens. La notion de gains de productivité est assez mal acceptée, même si les syndicalistes comprennent que des processus rénovés peuvent permettre de mieux faire face aux missions maintenues dans un contexte contraint qui ne dépend pas exclusivement de la direction.

Les promoteurs de la réforme souhaitent donc que l’essor du numérique s’accompagne de bénéfices évidents et immédiats pour les agents. C’est ainsi qu’un programme d’achats de 22 000 micro-ordinateurs sera financé, que les agents qui en ont besoin seront dotés de doubles écrans, que l’accès non limité à internet a été étendu… Parallèlement, une étude des « principaux irritants » des systèmes d’information est engagée vigoureusement avec
l’appui de groupes d’utilisateurs : interruption de la chaîne de traitement, non communication d’applications entre elles, doublons, rematérialisation de données…

Des priorités sont fixées aux services informatiques pour régler ces dysfonctionnements,
dont certains sont connus depuis longtemps mais n’ont jamais été prioritaires.

Ces préalables ont pour but de lever les obstacles qui pourraient être formulés a priori par les agents à l’égard d’un dispositif qui pourrait paraître comme extrêmement favorable aux usagers sans tenir compte des problèmes effectivement rencontrés par les agents dans leur vie quotidienne de travail.

Une telle approche est indispensable au moment où le thème de la qualité de vie au
travail prend une place de plus en plus importante dans le dialogue social. Mais il ne s’agit pas seulement d’accompagner une réforme importante par un peu de « social ».

L’objectif explicite des promoteurs de la réforme est de faire des agents des «ambassadeurs du numérique ». C’est l’objet explicite d’un groupe de propositions organisé au sein du groupe de travail national. Ce groupe comprendra rapidement qu’avant d’être des « ambassadeurs », les agents concernés doivent être considérés comme des « acteurs » du numérique.

Des outils pour les agents

Le numérique ne doit pas être conçu exclusivement pour les usagers, ni même pour les seules relations avec les contribuables. Il doit être tout autant au service des agents pour les aider à accomplir leurs délicates missions dans de meilleures conditions.

Il est d’abord facile de montrer que, sur de nombreux aspects, le numérique facilite simultanément la vie des usagers et celle des agents. Ainsi, la promotion d’un identifiant unique du contribuable facilite la communication entre applications informatiques et simplifie les tâches de gestion (par exemple, la liaison entre assiette et recouvrement).

La recherche d’alternatives aux paiements en espèces ou par chèques facilitera les
travaux de recouvrement. Plus fondamentalement, la notion de « dossier partagé » qui permet d’ouvrir en même temps aux contribuables et aux agents un accès aux mêmes données doit éviter bien des malentendus et des travaux inutiles. L’espace numérique sécurisé unifié est ainsi porteur de nouvelles façons de travailler.

Le groupe a aussi conçu des outils spécifiques à la gestion interne. Il a ainsi prévu la dématérialisation de certaines pièces essentielles de la gestion du personnel (par exemple les bulletins de paie) et d’actes de gestion (la formation, les congés…). De même que le numérique permet au contribuable de disposer d’un espace personnalisé et sécurisé, chaque agent pourrait disposer de son espace personnel pour effectuer et garder trace de tous les actes de gestion le concernant jusqu’à son dossier de pension.

Le projet interministériel d’ENSAP s’inscrit dans cette perspective.

Un outil très original a été expérimenté avec succès : le réseau collaboratif appelé « wiFiP », il vise à fournir aux membres d’un réseau professionnel bien identifié un moyen de communication spécifique qui regroupe messagerie, échanges instantanés, agendas, alertes, partage de documents, bibliothèques, rédaction collective de documents etc. Rompant avec la traditionnelle approche hiérarchique au profit d’échanges informels et directs, il assure une mise en commun de l’expertise des membres du réseau. Les premières applications ont été réalisées au profit de réseaux d’experts répartis sur le territoire sur certaines questions pointues de contrôle fiscal, souvent animés par un bureau de l’administration centrale.

Une expérience plus horizontale et plus novatrice a été engagée par les agents des services d’accueil du département de la Seine-Maritime.

La formation est un outil privilégié d’usage du numérique, à certaines conditions (personnalisation, maintien de séquences de « présentiel »...). L’École nationale des finances publiques (ENFiP) généralise l’usage du numérique pour la documentation des élèves. Ce qui est essentiel pour faire progresser la culture du numérique dans cette administration.

L’association des agents

Le numérique va transformer les conditions d’exercice des missions de nombreux agents.
L’accueil sera plus diversifié et plus complexe puisqu’il pourra comprendre le traitement de
dossiers et il s’exercera plus souvent sur des postes spécialisés, voire sur des plates-formes spécifiques. Le traitement des dossiers sera plus qualitatif et consistera davantage en une interprétation de données que dans la collecte ou le recoupement de celles-ci.

Le contrôle fiscal lui-même deviendra moins « artisanal » et plus « scientifique ». Ces changements doivent évidemment être accompagnés par des formations, des expérimentations et les mises au point nécessaires.

L’organisation devra elle-même évoluer. La généralisation de métiers à forte valeur ajoutée suppose une formation initiale et permanente plus  polyvalente, une plus grande autonomie dans l’exercice des missions, une hiérarchie qui vient davantage en soutien qu’en contrôle.

Toutes ces évolutions doivent faire l’objet d’un dialogue social ouvert qui inclut l’étude des effets des nouvelles technologies sur la qualité de vie au travail, la prospective d’évolution des métiers et l’affectation des gains de productivité.

Il est ainsi tout à fait possible d’utiliser une partie des gains de productivité obtenus dans la gestion des dossiers pour renforcer les moyens des agents en relation directe avec les contribuables. Plus généralement, l’essor du numérique appelle un développement d’une culture numérique qui fait encore largement défaut dans une administration en pleine évolution mais dont la culture est encore marquée par des traits traditionnels : hiérarchie forte, religion de l’écrit, inadaptation à l’urgence, centrage sur la gestion interne plus que
sur la relation de service, culture du métier plus que du management, formalisme…

Plusieurs pistes de réflexion avaient été évoquées sur cette question de la culture numérique : création de clubs numériques, sensibilisation de l’encadrement, création d’un « passeport numérique » (socle de formation minimale), institution de moniteurs hors hiérarchie (notamment des jeunes de la « génération Y » étonnés par la différence entre leur usage privé du numérique et les freins rencontrés dans le milieu professionnel), promotion du travail à distance…

L’essor du numérique doit être l’occasion d’une réflexion salutaire sur le management à l’intérieur de cette grande administration.

En synthèse

  • Le « numérique de la fiscalité » n’est donc pas une pure utopie. Il entre en application progressivement.
  • Après la fusion, il est un facteur puissant de rénovation de la DGFiP, de ses relations avec les contribuables et de son management interne.
  • Même si la démarche stratégique a perdu de son élan, les innovations continuent de se mettre en place avec détermination.
  • On constate la même évolution au niveau interministériel : après les réformes de structures de la révision générale des politiques publiques est venu le temps des simplifications et des applications numériques sous l’égide du SGMAP aux projets duquel la DGFiP contribue activement.
  • Il est vrai que de nombreux facteurs de freinage des réformes subsistent : le numérique doit impérativement prendre en compte les règles de protection de la vie privée. Il doit impérativement faire l’objet d’un dialogue social approfondi. Il doit s’accommoder d’une législation fiscale mouvante et dont les évolutions ne sont pas toujours rationnelles. Il s’insère dans une culture administrative encore assez classique et parfois même bureaucratique.
  • Mais les axes et les résultats de la stratégie numérique montrent qu’il est possible de progresser en tenant compte de ces contraintes.
  • En effet, le développement du numérique n’est pas la simple addition de réformes techniques. Il illustre le fait que les relations humaines avec les usagers et avec les agents, doivent être mieux prises en compte dans la gestion des réformes. À n’en pas douter, cet apprentissage du « numérique de la fiscalité » aura bien préparé l’administration de la DGFiP à gérer, le moment venu, la « fiscalité du numérique ».
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