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La réforme de la formation, un "shutdown" à la française tous les quatre ans
Tous les 4 ans la France sort son artillerie légistique en quête d'une formation des adultes efficace, bon marché et universelleC'est devenu une habitude de notre pays : tous les 4 (ou 5) ans (2004, 2009, 2014, 2018), à chaque nouveau mandat présidentiel, les partenaires sociaux sont convoqués, une loi est votée, des centaines de décrets publiés et la formation, censée pourtant renaître de ses cendres, se vaporise, se complexifie et se réduit à mesure que l'Etat prétend bien faire
Pourquoi une telle frénésie réglementaire en formation ?
Deux raisons principales concourent à notre quête éducative (en forme d'usines à gaz) pour développer la formation
a) la prise de conscience généralisée que les travailleurs français ne sont plus assez compétents pour développer un travail de qualité (et du coup les entreprises françaises pourraient ne plus être compétitives)
b) l'incapacité à redresser la barre d'un modèle éducatif et social construit durant la révolution industrielle
Ce modèle constitué d'une éducation massive et standardisée durant les années de jeunesse (de l'âge de 3 à 20 ou 25 ans) puis d'une école de la seconde chance ensuite ne fonctionne plus
Le Code du travail pose toujours comme ambition pour chaque travailleur sa progression d’un niveau de qualification sur 42,5 années de carrière
Sixième partie du Code du travail, Article 1 : "La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d'acquérir et d'actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle.
La France occupe le sixième rang des économies développées tout en étant en queue de classement des pays éduqués
L'OCDE dans ses classements des compétences des enfants (PISA) comme des adultes (PIAAC) place notre pays en 25 ou 26e position. Quels que soit les indicateurs (ceux de l'OCDE, du WFS ou de l'UNESCO) la France occupe désormais la queue de peloton pour les connaissances, les compétences et la qualification de sa population.
Nos retards éducatifs français sont anciens mais longtemps cachés sous l'expansion économique, la reconstruction et la société industrielle
Pendant des siècles (y compris sous l'ancien régime) la France a présenté des retards économiques et sociaux importants, son système politique et social inefficient était lié à une éducation insuffisante (au début du XXe siècle la moitié des femmes et le quart des hommes étaient illettrés).
La France pourrait avoir renoué avec ses retards éducatifs
Aujourd'hui en France 4 millions de travailleurs sont illettrés, 2 millions de jeunes sont sans formation, sans emploi et sans éducation (NEET). Si un quart des travailleurs ne disposent pas du socle minimal des connaissances et compétences pour se développer au travail nous ne pourrons plus nous inscrire dans une économie devenue celle de la connaissance et de l'information.
L'économie au XXIe siècle est devenue sélective, concurrentielle et exigeante
L'éducation généralisée a permis à notre pays de développer son économie, de se moderniser, de démocratiser l'accès aux savoirs nos anciennes recettes éducatives mais elle trouve ses limites aujourd'hui : 15 ans d'éducation pour tous, le bac et la fac généralisés dans un système éducatif figé, coupé du reste de la société (familles et entreprises), occup le temps plutôt que les esprits.
L'éducation est devenue une dynamique, ni un stock (de connaissances) ou une rente (un diplôme pour la vie)
L'économie post-moderne est à la fois hyperconcurrentielle, rapide et exigeante, elle ne peut plus être cadrée, pilotée et certifiée par l'Etat.
Trois impasses sociales contrecarrent depuis des décennies la formation des travailleurs
• le temps pour apprendre : il est impossible d’apprendre sans y consacrer un temps important. En 2015 un salarié passait en moyenne 12 h/an à apprendre alors qu’il devrait y consacrer 10% de son temps travaillé (soit 150 heures par an).
Pour que les travailleurs non ou peu qualifiés raccrochent les wagons de la société de la connaissance il leur faut se rapproprier leur éducation, libérer de leur temps pour apprendre.
• Les moyens financiers pour apprendre : former, convertir et accompagner 30 millions d'actifs représente un coût ni moins ni plus important que celui de l'éducation nationale. Notre pays consacre 7,5% de son PIB à l'éducation de la jeunesse contre 1,1% pour la formation des adultes (2 fois plus nombreux que les scolaires et édudiants).
Dans un pays qui a décidé que l’éducation serait totalement gratuite du primaire à l’Université il est difficile d'intégrer que la collectivité et la mutualisation ne peuvent pas tout, qu'un salarié peut investir dans ses compétences comme il finance sur ses deniers ses loisirs, son logement ou sa culture.
La formation reste une taxe ou une cotisation en France, rarement un investissement
• La liberté et les choix d’apprendre : Pour apprendre il faut être responsabilisé et totalement libre de ses choix : les parcours, les domaines, les partenaires et les modalités d'apprentissage. Les réformes menées par l'Etat prétendent tout contrôler, soit confier le bébé aux partenaires sociaux (version 2014) ou comme aujourd'hui renationaliser le système de formation en entier.
Le flot de connaissances et d'informations ne peut plus être contrôlé par l'Etat
Le monde a produit en 2018 plus de 2 millions de milliards d'informations chaque jour (l'équivalent de milliers de bibliothèques nationales) et prétendre enserrer, contrôler et valider les apprentissages professionnels est une tâche non seulement innaccessible à l'Etat mais parfaitement contre-productive (on l'a vu avec le système de formations "éligibles" du CPF pendant 4 ans)
La nouvelle réforme de la formation (2018) sera une nouvelle fois contre productive pour l'éducation des travailleurs
La loi formation du 5 septembre 2018 est à peu près muette sur le temps des apprentissages et elle n'a pas prévu de financement pour le Compte formation et sous prétexte de nationalisation elle pourrait stopper l'effort formation du pays pour de années
On ne change pas une société par décret et on ne peut pas contraindre les travailleurs à apprendre. Apprendre pour un adulte consiste à conquérir son autonomie