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13 / 12 / 2011 | 7 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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La littérature sur le travail doit défricher sans oublier les fondamentaux

C’est dans la catégorie des « guides pratiques » façon « les 10 recettes, en 10 jours, pour... » et dans celle des chroniques du quotidien que le foisonnement des ouvrages sur le travail puise ses sources. Plus rares sont les auteurs qui se risquent dans des approches analytiques, a fortiori en proposant des solutions. Encore plus rares sont ceux qui conjuguent le pratique, et l’analyse de façon vivante.

  • Les membres du jury du Prix Malakoff Médéric pour l’innovation en santé au travail partagent leur regard sur ce foisonnement d’ouvrages qui s’intéressent au travail.

Pourquoi ce foisonnement ?


« En France, on accorde beaucoup d’importance au travail. Les crises sont donc vécues avec une acuité qui se retrouve dans la littérature, car le sens du travail est cœur des difficultés ».
Marc Deluzet, délégué général de l’Observatoire Social International.

« On ne va pas se plaindre de ce foisonnement de livres mais aussi d’autres œuvres qui portent l’enjeu travail. C’est bien le signe que la question du sens du travail revient avec force dans le débat social. Cela donne au mouvement syndical une singulière légitimité à s’exprimer et à proposer des changements radicaux pour la mise en œuvre d’une dynamique du travail comme « essence de l’homme ».
Jean-François Naton, conseiller confédéral de la CGT et vice-président de la commission AT/MP du Conseil supérieur des risques professionnels, auteur d’À la reconquête du travail en 2008 (Indigène), en réponse  au « travailler plus pour gagner plus ».

« Une nouvelle gestion des risques est en train de s’écrire avec des approches plus psychologiques, plus organisationnelles liées aux notions de performance et de bien-être. Il reste maintenant à faire le lien entre ces différentes approches ».
Jean-Luc Odeyer, fondateur de JLO Conseil, un cabinet spécialisé dans l’accompagnement des directions dans leur politique liée au handicap et plus globalement sur la diversité et la santé au travail.

« La notion de management soutenable recouvre une nouvelle typologie d’ouvrage tant il est vrai que le rôle du management devient de plus en plus intenable ».
Franck Pramotton, délégué syndical CFDT d’Oracle.

« La question des risques psychosociaux qui explose aujourd’hui dans les livres était latente dès la fin des années 1980. J’ai connu beaucoup d’accidents du travail physiques dont la cause était à rechercher du côté des restructurations. Les personnes touchées étaient en effet moins concentrées, préoccupées qu’elles étaient par l’avenir de leur entreprise et de leur emploi ».
Dominique Plumion, administrateur Malakoff Médéric et de la CPAM 13, ancien secrétaire du comité de groupe d’Usinor Sacilor.

« Une partie de la littérature ne reflète absolument pas la réalité du terrain. Ce sont des vœux pieux alors qu’une forme d’eugénisme professionnel s’impose dans les entreprises ».
Pascal Milsonneau, administrateur Malakoff Médéric et délégué syndical Force Ouvrière à la pharmacie Mutualiste de Cholet.

« Toutes les questions qui se posent sur le travail sont parfaitement légitimes même s’il y a beaucoup d’amalgames ».
François Puyaubreau, administrateur Malakoff Médéric, conseiller aux Prud’hommes et ancien DRH du groupe CS.

Partager un vocabulaire commun, éviter les amalgames, trouver des repères


« Le foisonnement d’ouvrages sur le travail est plutôt positif mais cela sous-entend d’avoir des repères tant on trouve tout et n’importe quoi ».
Bernard Brière, chargé de mission auprès du directeur général de l’IRES dans les champs de la « santé au travail » et du « dialogue social dans les fonctions publiques ».

« Le théorique est plus que jamais nécessaire au regard de la somme des approximations et des erreurs d’interprétations que l’on peut entendre. Sur le sujet du harcèlement par exemple. Partager un vocabulaire commun, sans détournement idéologique, facilite le dialogue ».
Marie-Christine Soula, responsable du cabinet Management Conseil Santé.


« Il y a de très forts enjeux dans la traduction pédagogique des clefs de compréhension scientifiques. Dans les entreprises, les acteurs ont besoin d’un cadre de référence. Le vocabulaire est d’autant moins maîtrisé que la tendance consiste plutôt à se focaliser sur des enjeux qui simplifient. Le courant des gestionnaires qui remet en question les modes de gestion tout en proposant d’autres pistes n’est pas encore assez audible dans la littérature ».
Pascale Levet, directrice technique et scientifique de l’ANACT.

Valoriser l’édition scientifique pédagogique, des champs à explorer


« La santé au travail est un petit monde, plutôt autocentré. Or, la richesse est à la frontière des disciplines des auteurs. Je suis souvent déçu de la production en général. Surtout quand des scientifiques cèdent à la tentation de l’incantatoire ».
Hervé Lanouzière, conseiller technique à la sous-direction des conditions de travail de la direction générale du travail.

« À quelques exceptions près, la sociologie du travail française radote en enfonçant des portes ouvertes. On est sur une musique répétitive. Il n’y a pas beaucoup de production novatrice ».
Claude Emmanuel Triomphe, cofondateur et délégué général d’Association Travail, Emploi, Europe, Société (ASTREES) et directeur de la publication en ligne « METIS – correspondances européennes du travail ».

« C’est essentiellement en France que la littérature professionnelle s’intéresse à la crise du travail. Il y a encore beaucoup de choses à écrire. Notamment sur le mode de sélection des équipes dirigeantes en France où la très faible promotion interne est un véritable problème ».
Jean-Claude Delgenes, directeur général du cabinet Technologia.

« En France, la littérature sur le travail se caractérise par une analyse du rapport de force qui ne se focalise pas sur la recherche des solutions. Aux États-Unis, l’approche est inverse avec des auteurs qui livrent des solutions vendues clefs en main mais qui ne se révèlent pas forcément très opérantes. Il y a un juste milieu à trouver entre ces deux approches du rapport au travail ».
Isabelle Hébert, directrice stratégie et marketing, santé et prévoyance du groupe Malakoff Médéric.

« Je revendique l’intérêt de la vulgarisation et de la diffusion scientifique. Le problème est que la publication d’un ouvrage vaut moins, en termes de reconnaissance professionnelle universitaire, qu’un article dans une revue académique de très bon niveau. Un ouvrage peut parfaitement intéresser tant le « grand public » que la communauté scientifique ».
Norbert Alter, sociologue, professeur à l’Université Paris Dauphine et président du jury.

« C’est l’efficacité que je recherche dans un ouvrage. Je suis bien conscient que la recette instantanée n’existe pas mais l’ouvrage doit être accessible et pratique. Et en même temps créer une rupture audacieuse et nouvelle qui permettra au plus grand nombre, espérons-le, de s’en emparer pour faire bouger les choses. Être efficace, ce n’est pas forcément être superficiel »
Jean-Paul Vouiller, délégué syndical national de la CFTC d'HP.

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