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La Fabrique de l'Assurance pour « redécouvrir et retravailler le risque, sans se limiter à l’élaboration de modèles théoriques de finance »
Jean Louis Bancel, président du Crédit Coopératif a bien voulu voulu répondre aux questions de Miroir Social sur l'initiative de la Fabrique d’Assurance dont il assure également la présidence
La Fabrique d’Assurance a organisé son premier colloque au CESE le 19 septembre 2016 ; pouvez-vous nous la présenter ?
La Fabrique d’Assurance existe depuis 2015, par la conjonction de plusieurs volontés. Frédéric Lavenir (directeur général de CNP Assurances) a rendu ce projet possible. La démarche conduite par la Fabrique d’Assurance est bien celle de la société civile. Celle-ci n’a pas été créée par les pouvoirs publics ou par les organisations professionnelles de l’assurance.
Notre positionnement est différent. Il traduit la volonté d’un certain nombre d’entre nous, qui revendiquent la reprise en mains de leur activité, en leur qualité d'assureurs. S’il est utile et nécessaire que nos professions soient réglementées et régulées, je crois que nous devons aujourd’hui remettre les choses dans le bon sens.
Il convient d’abord de travailler et d’agir afin de déterminer ce qu’il y a lieu de contrôler, de réguler. Les règles de solvabilité ne trouvent leur raison d’être que par les engagements que prennent les entreprises d’assurance à l’égard des assurés, souscripteurs et bénéficiaires de contrats.
Nous sommes aujourd’hui entraînés dans une sorte de dérive. On affuble du terme d’ « assurance » des problématiques purement prudentielles qui n’en relèvent pas nécessairement. L’assurance ne peut être noyée dans les questions de finance, même si elle se développe dans le domaine de la finance. Elle doit être examinée sous un angle différent.
Quels sont les objectifs poursuivis par la Fabrique d’Assurance ?
En créant la Fabrique d’Assurance, nous souhaitions redonner de nouvelles dimensions aux notions d’assurance et d’assureur d’une part et revenir à la réalité d’autre part. Nous entendons contribuer à retrouver la maîtrise de nos métiers et la fierté qui l’accompagne. Je ne crois pas à la théorie de la sujétion volontaire. Les régulateurs nous sont utiles mais nous avons le devoir de penser par nous-mêmes la façon d’exercer nos métiers d’assureurs.
Premièrement, afin de revenir à la réalité, nous devons combiner des aspects à la fois techniques et scientifiques de nos métiers. Ces aspects sont notamment le droit, la statistique, l’actuariat et la médecine. Encore faut-il que ces compétences s’exercent sur des éléments précis.
Par « retour au réel », j’entends l’identification des besoins de nos contemporains. Il s’agit de redécouvrir et de retravailler le risque, sans se limiter à l’élaboration de modèles théoriques de finance. Le risque possède une signification assurantielle. C’est ainsi que nous avons organisé nos travaux.
Deuxièmement, un certain nombre de personnes ont jugé notre démarche intéressante, originale et porteuse d’une certaine vision du monde. Nous pensons que nous avons encore besoin d’assurances et d’assureurs dans notre pays, pour autant que ceux-ci garantissent réellement les risques. Même si nous devons respecter les injonctions des régulateurs, notre premier devoir porte sur nos assurés, clients et sociétaires, quelles que soient les formes juridiques adoptées.
La Fabrique d’Assurance comprend tout d’abord les « fab lab », lieux ouverts de rencontre pour les nouvelles technologies, où travaillent ceux qui agissent (les « makers »). Nous avons réuni des personnalités éminentes de différentes professions, susceptibles de proposer des visions différentes. Notre structure produit des propositions sur un thème par an.
En 2016, vous avez publié un livre blanc sur la micro-assurance ; quelles sont vos préconisations ?
La France s’est désormais approprié la question du micro-crédit, professionnel ou personnel. Elle est née d’une personne, Maria Nowak, qui a fait bouger les lignes législatives, administratives ou opérationnelles.
Sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, un colloque avait été organisé sur le thème de la pauvreté. Le sujet micro-crédit avait été discuté à cette occasion et je m’étais étonné que rien n'ait été dit sur le secteur de l’assurance. Ce dernier a peu été mis en avant. Cependant, l’évolution de la société, la croissance des inégalités, le développement de la base de la pyramide sont une réalité.
La micro-assurance ne se limite pas à la France ; elle existe partout dans le monde. Dans notre livre blanc, nous avons formulé les champs du possible pour identifier les besoins et développer la micro-assurance selon les publics concernés.
À l’heure du prêt-à-porter assurantiel et du sur-mesure dans l’assurance, en lien avec le développement des nouvelles technologies (numérique, téléphonie mobile…) reste une réponse urgente aux attentes du marché (simplification des démarches, ajustement des cotisations dans la durée et sensibilisation des relais de proximité).