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19 / 11 / 2012 | 5 vues
Eric Verhaeghe / Membre
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Gouverner un contrat collectif de protection sociale complémentaire

Dans son article sur le BCAC, MiroirSocial a rappelé dans quelles conditions, en 2010, la profession de l'assurance a décidé de prélever une cotisation salariale pour le paiement de la prime de son contrat de groupe en matière de protection sociale complémentaire.

Ce contrat ne manque d'ailleurs pas d'intérêt par les problèmes pour ainsi dire idéologiques qu'il pose, dans la mesure où les assureurs privés ont une approche subtile et nuancée de la protection sociale de branche. Assez naturellement, leur tropisme les porte vers le contrat d'entreprise plutôt que vers le contrat de branche. Il faudra un jour analyser pour quelles raisons l'assurance en tant que profession adopte pourtant cette pratique.

À ce stade, il paraît intéressant de signaler les quelques éléments de gouvernance paritaire qui ont été introduits à l'époque dans le contrat de la branche assurance.

Structurellement, en effet, la mise en place d'une cotisation salariée dans un contrat collectif implique des revendications légitimes en matière de pilotage et de contrôle du contrat et de sa réalisation. Dès lors que les organisations représentatives de salariés signent un accord par lequel elles acceptent que les salariés paient pour leur santé, elles entendent, et c'est bien normal, exercer les mêmes droits que l'employeur et ne pas laisser celui-ci seul dans la relation avec l'assureur de l'entreprise.

L'essentiel des règles applicables à ces contrats est contenu dans le titre IV du livre 1 du code des assaurances. Dans la pratique, il instaure une liberté pour le souscripteur d'associer comme il le souhaite les organisations syndicales signataires de l'accord au suivi du contrat.

Cet élément est important car il permet de se montrer innovant, durant la négociation, sur des formules d'association dont le périmètre porte sur deux points majeurs : la définition des garanties et les tarifs.

L'essentiel des contrats de protection sociale complémentaire, qu'ils portent sur la santé ou sur la prévoyance, tient en effet aux garanties qu'ils offrent aux assurés et au prix de ces garanties. Une fois négociées, celles-ci méritent d'être analysées, examinées, évaluées, pour être sûr que non seulement elles correspondent aux besoins des salariés, mais qu'elles correspondent aussi aux objectifs majeurs de la politique de ressources humaines de l'entreprise.

Par exemple, une entreprise où la moyenne d'âge est plutôt élevée avec une forte proportion de femmes hésitera sur la priorité de garantie à mettre entre d'une part une bonne couverture des besoins propres aux plus de 45 ans, par exemple en matière ophtalmologique, ou à leurs ayants-droits, notamment en matière stomatologique, et d'autre part un encouragement à rajeunir les effectifs en mettant en place de belles prestations maternité.

  • Ces choix ne sont pas seulement techniques, ils concourent à une vision globale de l'entreprise et des compétences, où le directeur des ressources humaines aura à cœur de partager avec les représentants du personnel des objectifs collectifs.

Les mêmes remarques peuvent être formulées sur les tarifs et sur l'architecture globale de la protection sociale complémentaire que ceux-ci impliquent. L'entreprise, au sens large, est-elle prête à payer pour une couverture complémentaire de qualité ou bien préfère-t-elle des prestations à tarif plus abordable, avec des formules surcomplémentaires facultatives ? Veut-elle faire payer les salariés sur l'ensemble des risques ou préfère-t-elle limiter la cotisation salariée au risque santé et laisser l'employeur assumer le risque prévoyance seul ?

Ces choix, une fois de plus, ne sont pas techniques, mais politiques. L'entreprise peut en effet faire le choix de tout partager entre employeur ou salarié ou bien, selon les modalités paritaires qu'elle définit, conserver pour l'employeur une relation unique avec l'assureur sur certains risques. 

Pour régler tous ces points, l'entreprise doit très vite imaginer les formules de gouvernance contractuelle qu'elle va définir, éventuellement avec son assureur, pour piloter efficacement son contrat.

Voici quelques idées possibles.

Créer un comité paritaire de suivi du contrat

Cela permet d'examiner annuellement les comptes-rendus de l'assureur, par exemple sur le coût de chaque garantie. Cette formule présente l'immense avantage d'éclairer sur le coût de chaque choix et d'associer tout au long du contrat les acteurs à la prise de responsabilité lors de la renégociation de la désignation.

  • Dans la pratique, cet investissement dans le dialogue social peut se révéler extrêmement payant au moment de la négociation annuelle obligatoire, pour nourrir des débats sur des compensations possibles en cas de modération salariale.

Modéliser les mécanismes de compensation entre les risques, en cas de contrats multiples

Cette idée est efficace si l'entreprise distingue un risque co-financé par les salariés et un risque financé par une seule des deux parties. Un problème peut alors se poser sur l'augmentation des primes pour un risque, alors que l'autre risque est bénéficiaire. Une règle de gestion peut être définie lors de la négociation, qui permet d'aplanir les difficultés.

Intégrer une formule de dialogue avec l'assureur dans le contrat

Cette solution peut prévoir par exemple une présentation annuelle des comptes du contrat devant le comité d'entreprise par l'assureur. Grâce à ce dispositif, l'ensemble des parties à l'accord dispose d'un accès transparent à l'information et peut anticiper très en amont une évolution du contrat, si celui-ci est quinquennal.

Ces suggestions, déjà en vigueur dans de nombreuses entreprises, ne sont évidemment pas exhaustives. Elles permettent simplement de nourrir un exercice important pour le bien-être des salariés, et d'autant plus précieux que l'accès aux soins devient de plus en plus coûteux. 

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