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Aider les salariés à se loger : qui pour le faire ?
Les employeurs participent au financement de la construction et à la réhabilitation de logements sociaux et intermédiaires alors que l’écart entre l’offre et la demande n’a cessé de se creuser ces vingt dernières années, avec des zones de tension qui concernent de plus en plus d’agglomérations. Retour sur la rencontre du 17 décembre 2021 au cours de laquelle Action Logement, Prefon et CDC Habitat ont pu préciser leur approche pour développer l’offre et les services associés.
On compte en France 4 millions de personnes mal logées et 2 millions attendant un nouveau logement. Pour une offre de logement social, on peut compter plus de deux cents dossiers de candidature dans des zones sous tension qui se multiplient. Le retard pris pendant plus de vingt ans dans la construction de logements est d’autant plus difficile à rattraper que la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) est passée de 1 % de la masse salariale à 0,45 % (en 1992), avec un seuil relevé à un effectif de 50 salariés. Ça se complique encore un peu plus quand on sait que seulement la moitié de l’offre de logements sociaux ou à loyer modéré bénéficie directement aux salariés, l’autre moitié allant aux bénéficiaires du droit au logement opposable (DALO) et aux contingents préfectoraux. La demande est d’autant plus difficile à satisfaire que des municipalités s’emploient à limiter l’offre de logements sociaux sur leur territoire. Dans ce contexte, il y avait intérêt de ne pas ajouter de l’opacité à la complexité. « Avant la réforme de 2016, on trouvait 20 comités interprofessionnels du logement (CIL) qui ne mutualisaient pas systématiquement et qui étaient parfois même sur le chemin de la concurrence. Action Logement propose désormais des offres de logements et des services associés identiques, quelle que soit la localisation du salarié éligible. Il y a égalité de traitement », explique Jean-Baptiste Dolci, ancien vice-président d’Action Logement, représentant FO au sein de cet organisme paritaire et vice-président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Face à cette difficulté à construire des logements accessibles, Action Logement a développé des services associés sous la forme de garanties, d’avances, d’aides et d’accompagnements.
Qui a accès à quoi ?
« Les emplois changent et cela a une conséquence directe sur les besoins en logements. Qui aurait cru qu’Amazon serait par exemple le premier employeur privé de la région Centre-Val-de-Loire ? Le développement du télétravail fait aussi évoluer les besoins et contribue à mettre des territoires jusqu'alors épargnés sous tension. Nous devons donc en permanence nous adapter à l’évolution des contextes », souligne Philippe Lengrand, vice-président d’Action logement et militant CFDT. Avec un parc de 1,1 million de logements, Action Logement représente 18 % du logement social et intermédiaire, tout en contribuant à hauteur du tiers de la construction. Même si l’objectif du Gouvernement construire 250 000 nouveaux logements sociaux en deux ans est atteint, on sera encore loin de répondre à la demande. D’où la volonté de développer des aides et des services. En 2021, 750 000 salariés ont bénéficié de ces services. Pour Philippe Lengrand, « dans un contexte de crise, Action logement s’est mobilisé comme jamais et a tenu ses engagements en faveur des salariés , des entreprises et des territoires ».
Alors que les offres d’Action Logement sont réservées aux salariés, qu’en est-il pour les fonctionnaires ? Une offre interministérielle particulière est certes disponible mais, là encore, largement insuffisante et par ailleurs pas des plus accessibles... « C’est sur la base de ce constat que le conseil d’administration a décidé de conjuguer investissement et services à valeur ajoutée en matière de logement », raconte Christian Carrega, directeur général de La Prefon, une association paritaire qui propose des dispositifs d’épargne retraite aux agents publics (17 milliards d’en-cours, soit un tiers des en-cours de la retraite individuelle par capitalisation). Dans le cadre d’une convention d’investissement avec CDC Habitat (premier bailleur social en France, avec 500 000 logements gérés) La Prefon fait bénéficier ses 470 000 affiliés d’un affichage exclusif (pendant un mois) d’une partie des offres de logements intermédiaires mises en ligne sur le site et d’un accompagnement prioritaire. « Le nombre de créations de compte de nos affiliés sur le site de CDC Habitat confirme que le besoin est tangible », ajoute Christian Carrega. Les fonctionnaires représentent environ 20 % des résidents du parc de CDC Habitat qui développe des conventions avec des acteurs cherchant à développer des services comme La Prefon mais aussi des entreprises, dont la Poste. Plus de 200 partenariats non financiers ont aussi été noués avec des collectivités territoriales et des hôpitaux qui bénéficient aussi d’un traitement prioritaire mais sans l’affichage en avant-première des nouvelles offres. Pour Bruno Ferreira (responsable des partenaires de CDC Habitat), « nous nouons des partenariats avec des acteurs qui ont la volonté d’intégrer la qualité de vie au travail dans leur action, notamment les équilibres entre vie privé et travail. Cela nous permet de bien comprendre les contextes de chaque partenaire pour créer de la confiance ».
Un fort besoin d’accompagnement
Première contributrice d’Action Logement, réservataire chez CDC Habitat, la Poste a une vue globale sur la question du logement de ses salariés. L’entreprise a même son propre organisme HLM « Toit et joie », dont seulement 50 % des 15 000 logements sont occupés par des postiers. « Le logement est un véritable objet de dialogue social. Le logement des postiers est une prérogative historique de l’entreprise et le dernier accord sur le sujet a été unanime. Nous allons développer un outil maison qui consolidera tout le reporting issu des différentes sources de logement. C’est d’autant plus indispensable que les salariés ont désormais un accès direct aux offres d’Action Logement sur la plate-forme Al’In sans avoir besoin d’un intermédiaire désigné dans l’entreprise, comme c’était le cas auparavant », explique Stéphane Mouty, délégué au Logement de la Poste, qui souligne le besoin de s’adapter à une demande qui évolue. Il y a ainsi eu une hausse de 10 % des demandes de postiers pour quitter l’Île de France.
L’arrivée du portail d’Al’In d’Action Logement modifie en effet l’activité des directions des ressources humaines et des commissions d’information et d’aides au logement des CSE au sein des entreprises. « Al’In permet en effet aux salariés d’être autonomes mais il y a toujours un besoin d’accompagnement car il est essentiel de bien qualifier les demandes. Il y a matière à partager beaucoup d’expériences en matière d’accès au logement. Les élus qui s’investissent sur ce sujet acquièrent une véritable expertise mais des commissions d’informations et d’aides aux logements sont malheureusement des coquilles vides », témoigne Nathalie Wable, élue CFDT au CSE et membre de la commission logement d’Auchan pour la zone amiénoise. Le besoin est bien réel, avec une vingtaine de dossiers suivis mensuellement pour des salariés de plus en plus jeunes.