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Démocratie mutualiste à l’ère du numérique : un enjeu politique, économique et social
Alors qu’un groupe de travail de l’Association des Assureurs Mutualistes (AAM) planche sur la gouvernance, la première journée des administrateurs consacrée à la démocratie mutualiste à l’ère du numérique a été l’occasion en introduction de définir la place de l’AAM au sein de la Fédération française de l’assurance (FFA) qui existe depuis 18 mois, fruit de la fusion de l’ancien Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (GEMA) et de la FFSA, comprenant alors des mutualistes au sein de la FFSAM.
Pour Pascal Demurger, président de l’AAM et vice-président de la FFA, « nous conjuguons la puissance de l’unité et des convergences de vues au niveau de l’AAM dans le cadre plus large de la FFA qui permet de peser dans la défense d’intérêts plus globaux. Ces deux étages sont essentiels pour ne pas perdre de vue nos intérêts et les valeurs mutualistes qui nous rassemblent. Nous avons su, par exemple, nous faire entendre sur le sujet du renouvellement annuel de l’assurance emprunteur ». Avec au sein du conseil exécutif de la FFA, 9 sièges sur 23 réservés aux assureurs mutualistes et le poste de vice-président, les assureurs mutualistes de l’AAM disposent aussi d’un droit de véto. Ainsi, le deuxième étage, représenté par la FFA, permet de peser sur des dossiers transversaux, tant de nature technique comme par exemple sur le niveau des provisions que sociétaux sur les données personnelles ou politiques sur la responsabilité environnementale. Un sujet comme celui de la démocratie trouve logiquement sa place dans le creuset des assureurs mutualistes.
La démocratie n’est plus associée au progrès
« Réfléchir sur la démocratie mutualiste est essentielle à l’heure où la démocratie politique est malmenée. Le Brexit et l’élection de Donald Trump sont les illustrations d’un climat de méfiance. La capacité à renoncer à des aspirations individuelles au profit d’une démarche collective, propre à la démocratie, dépend de la croissance économique », souligne Pascal Demurger. Et le politologue, professeur à Sciences Po, Pascal Perrineau, auteur de La démocratie de l’entre-soi et Le vote disruptif, de confirmer : « la démocratie n’est plus associée au progrès. Il y a un déclin des performances économiques et sociales de la démocratie ». Chahutée par la démocratie directe et participative largement portée par le numérique, la démocratie représentative et son vote pluriannuel s’essoufflent sur fond de « dégagisme » et d’abstention. La première table ronde de cette journée a posé les atouts et les limites d’une « clic-démocratie politique » (lire « Quelle démocratie participative pour renforcer la démocratie représentative ? » dans le compte rendu complet).
« La notion de militantisme a évolué. Les effectifs chutent dans les partis. Face à cela, le pouvoir a tendance à se réfugier dans une gouvernance technocratique qui n’est pas à la hauteur des défis », considère Pascal Perrineau qui met en avant un déplacement du pouvoir de la sphère publique vers celle du privé. « L’AAM joue un rôle de lobbying démocratique », illustre-t-il en insistant sur le fait que la démocratie est avant tout une culture et qu’un nouveau cadre politique aux contours encore assez indéfinis se découvre alors que le vieux système représentatif classique se meurt.
Conjuguer performances économiques et modèle inclusif
« Nos mutuelles d’assurance portent la responsabilité d’atteindre de grandes performances
économiques avec un modèle inclusif à l’égard des salariés et des sociétaires », rebondit Pascal Demurger. À quoi pourrait ressembler la démocratie mutualiste dans ce cadre ambitieux ? (retouvez ici le compte rendu complet de cette séquence). « Il y a besoin d’un plan national d’inclusion numérique alors que 40 % des Français sont en difficulté face à la dématérialisation des usages et que 7 % en sont exclus. C’est un investissement de l’ordre de 964 millions d’euros qui passe par une gestion spécifique de ces communautés, des interfaces et des organisations du travail mieux adaptées », considère Jean Deydier, directeur de WeTechCare et d’Emmaüs Connect, qui depuis plus de 7 ans propose des diagnostics de précarité à de grandes entreprises comme La Poste et des parcours de formation vers l’autonomie numérique. Pour Jean Deydier, « les bénévoles peuvent jouer un rôle déterminant dans l’accompagnement numérique ». L’accessibilité numérique pour tous, voilà un champ sur lequel les mutuelles d’assurance peuvent agir concrètement.