Décentralisation, acte III : si on en parlait vraiment ?
La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, dite de « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », constitue le premier texte de l’acte III de décentralisation.
Une analyse détaillée de cette loi a été réalisée par FO, notre organisation.
Comme nous l’indiquions dans les publications précédentes[1], l’acte III de décentralisation se caractérise par :
- des transferts à la carte de l’État vers des collectivités territoriales différentes et selon des répartitions entre les collectivités, définies et choisies par les élus des collectivités territoriales de façon différentes d’une région à l’autre à travers des conférences territoriales de l’action publique (CTAP) ;
- un nouveau désengagement important de l’État ;
- une différenciation du droit et de la déclinaison des lois et des politiques publiques nationales d’une région à l’autre ;
- la mise en œuvre d’une « république des territoires » autour des régions et des métropoles au détriment des départements et des communes, menacés de suppression.
Dès 2012, notre confédération a fait part de son opposition à cette vision qui attaque l’égalité républicaine.
À travers les consultations officielles[2], des réunions de concertation avec le gouvernement ou encore par courriers au Président de la République et au Premier Ministre[3], la confédération s’est prononcée contre ce projet de loi.
Le projet de loi initial, très complexe et réussissant l’exploit de ne satisfaire personne, a été « découpé » en trois textes, début 2013. La première loi, du 27 janvier 2014, traite des compétences entre collectivités territoriales (libres désormais de se les transférer entre elles) et instaure, de façon autoritaire, les métropoles.
En janvier 2014 également, le gouvernement a (encore) changé d’avis en décidant de regrouper les deux projets de lois à venir en un seul texte. Avec les annonces du Premier Ministre lors de son discours de politique générale le 8 avril 2014 sur la fusion des régions d’ici 2017 et la suppression des conseils généraux à horizon 2012, il n’est pas certain que, finalement, un troisième texte ne soit pas nécessaire (y compris pour revenir, ce qui serait positif, sur la clause dite de compétence générale).
Transferts non intégrés dans le texte de loi
Toujours dans l’incohérence inhérente à cette réforme, cette première loi ouvrant l’acte III n’est pas vraiment une loi de décentralisation : en effet, les transferts annoncés de l’État vers les collectivités ne sont pas intégrés dans ce texte (ils devraient l’être dans la deuxième loi, notamment à destination des régions).
En revanche, ce texte met en place la « république des territoires » selon des transferts entre collectivités, de façons différentes d’une région à l’autre.
En réalité, l’acte III de décentralisation comprendra beaucoup d’autres textes législatifs que les deux évoqués : la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi Alur) ou encore les textes sur les rythmes scolaires instaurent déjà des transferts de missions.
Il en est de même des projets de lois sur la biodiversité ou sur la transition énergétique.
Au-delà du fond et des orientations que nous avons condamnées, cet acte III de décentralisation est complexe, touffu, sans cohérence d’ensemble et peu lisible.
Comme détaillé dans l’analyse jointe, la loi du 27 janvier 2014 et l’acte III de décentralisation qu’elle initie, remettent en cause l’indivisibilité, la cohérence, la lisibilité, l’unicité et, du coup, l’égalité républicaine, c'est-à-dire l’égalité de droit.
[2] CSFPE, CSFPT, CNESER, CSE, CNFPTLV etc. Les représentants FO ont voté contre ce projet de loi.
[3] Courriers du secrétaire général de la confédération au Premier Ministre le 26 septembre 2012 et le 25 mars 2014 et au Président de la République le 6 décembre 2012.