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Contrat de génération : un contenu, une vision
Bien sûr, des mesures d’urgence sont nécessaires pour passer le plus dur de la crise. Mais il importe surtout de créer une nouvelle dynamique entre emploi, formation et compétitivité, dans une approche offensive fondée sur l’innovation technologique et sociale et sur la créativité, qui nous permette de regagner des parts de marchés mondiaux. À l’opposé d’une perspective défensive centrée sur la baisse des coûts du travail qui conduit aux basses qualifications et au déclin.
L’approfondissement de la crise accroît le nombre de demandeurs d’emploi. La hausse du chômage touche particulièrement les jeunes et les seniors. Cette aggravation est particulièrement préoccupante pour les jeunes, car on sait qu’une jeune génération sacrifiée garde un taux d’emploi plus faible tout au long de sa vie. Quand aux seniors, les plans sociaux frappent les plus fragiles d’entre eux qui sont alors tentés par des sirènes populistes. Pour les jeunes d’abord, pour les seniors ensuite, il est donc indispensable de faire de l’emploi notre première priorité et qu’elle devienne après la présidentielle la priorité nationale du pays.
Le contrat de génération est au cœur du pacte national pour l’emploi que François Hollande propose aux Français et qui prend en compte l’emploi des jeunes et celui des seniors. La façon dont il sera mis en œuvre privilégiera l’implication des partenaires sociaux, aux échelons interprofessionnels, de branche et d’entreprise. Ceux-ci ont déjà négocié au cours de l’année 2011 plusieurs accords nationaux sur l’emploi des jeunes, qu’il s’agit de renforcer, de prolonger et non de remettre en cause. Le levier de la négociation collective permettra une mobilisation générale de tous les acteurs. C’est dans cet esprit que le contrat de génération sera mis en œuvre. La démarche retenue tiendra compte des petites entreprises dans lesquelles la loi ne prévoit pas d’instances de représentation du personnel. La situation de crise dans laquelle la droite laissera nos finances publiques, n’autorisera pas de dépenses supplémentaires, même actives, en faveur de l’emploi. Il s’agit donc d’orienter autrement les mesures actuelles, afin que la dépense publique oriente davantage l’ensemble des acteurs au service de l’emploi des jeunes et des seniors.
Le contrat de génération sera mis en œuvre de manière différentiée dans les entreprises de moins de 50 salariés, n’appartenant pas à un groupe.
Dès son élection, le Président de la République proposera aux partenaires sociaux de négocier un accord national interprofessionnel pour en arrêter les modalités concrètes. Il leur fixera seulement quelques principes qui concerneront :
- les entreprises de plus de 50 salariés,
- les entreprises de moins de 50 salariés n’appartenant pas à un groupe,
- l’accord national interprofessionnel.
Entreprises de plus de 50 salariés
Le contrat de génération se traduira par un accord collectif. À partir du 1er janvier 2013, le maintien des exonérations de charges sociales sur les bas salaires sera subordonné à la conclusion d’un accord d’entreprise négocié entre partenaires sociaux. Les modalités de cette négociation d’entreprise seront précisées par l’accord national interprofessionnel négocié à l’été 2012. Cette négociation d’entreprise portera prioritairement sur :
- l’emploi des jeunes,
- l’emploi des seniors,
- la professionnalisation et la valorisation du tutorat.
- Emploi des jeunes
Le contrat de génération privilégie l’insertion des jeunes sans qualification. Il s’adresse à tout jeune âgé de plus de 18 ans, sorti du système éducatif avec peu ou pas de qualification et en recherche d’emploi. Il concourt à l’objectif global d’intégrer dans l’emploi tous les jeunes d’une génération. Pour cela, il tient compte de la diversité des jeunes.
C’est pourquoi l’accord conclu dans l’entreprise fixera les engagements différentiés qu’elle prend pour les différents publics ciblés, correspondant aux trois dispositifs que l’accord national interprofessionnel aura définis concrètement :
- le contrat « emploi d’avenir » en entreprise, qui insère dans l’entreprise des jeunes sortis avec peu ou pas de qualification du système scolaire, en recherche d’emploi. Il s’agit d’un contrat classique d’embauche, à durée indéterminée, ouvrant droit aux allègements de charges prévues par la loi actuelle, dans lequel l’entreprise s’engagera sur un accompagnement renforcé, par un tuteur formé chargé de favoriser les transferts de savoirs et la stabilisation dans l’emploi ;
- le contrat unique d’alternance regroupant l’ensemble des formations alternées (apprentissage, professionnalisation jeunes, professionnalisation adultes…) ;
- le contrat 2ème chance en entreprise, contrat d’alternance destiné à des jeunes en situation d’exclusion sociale, dont l’objet prioritaire n’est pas la qualification mais l’inclusion par et pour le travail, en s’appuyant sur la fonction de « socialisation » de l’entreprise.
Pour chaque dispositif du contrat de génération, l’engagement envers le jeune est triple :
- un accompagnement par un salarié formé au tutorat, qui l’aide à préciser son projet professionnel et facilite sa stabilisation dans l’emploi, même si dans le deuxième cas, il est amené à changer d’entreprise au terme de son contrat ;
- le développement de ses compétences dans le cadre de son projet professionnel ;
- le versement d’une rémunération.
- Emploi des seniors
L’accord d’entreprise définira les engagements de l’entreprise en matière d’embauche ou de maintien dans l’emploi de seniors dans les différents cas de figure :
- embauche de salariés de plus de 55 ans,
- maintien dans l’emploi,
- démarche validée d’évolution de carrière,
- départ en retraite progressif,
- reclassement des salariés mis en inaptitude
Cet accord permettra à l’entreprise de satisfaire à ses obligations légales en matière d’emploi des seniors.
- Tutorat et accompagnement
L’accord d’entreprise définira les modalités retenues pour assurer la professionnalisation et la valorisation de la fonction de tuteur vis-à-vis des jeunes embauchés, en favorisant l’implication des seniors volontaires. Il précisera également les modalités d’accompagnement des salariés pour favoriser leur maintien dans l’emploi ou organiser leur reclassement en cas d’inaptitude.
Entreprises de moins de 50 salariés n’appartenant pas à un groupe
Dans ces entreprises, le contrat de génération prendra la forme d’un recrutement de jeunes en contrat à durée indéterminée, dans le cadre d’un binôme intergénérationnel avec un senior, financé par une aide publique sur chacun des deux contrats pendant trois ans. L’accord national interprofessionnel fixera les situations éligibles à ce type de contrat : embauche d’un jeune couplée avec un départ en retraite progressive sur trois ans, embauche d’un jeune en alternance et aide pour son maître d’apprentissage (dans ce cas, seul le senior reçoit l’aide), ainsi que les niveaux de qualification éligibles à ce contrat, l’âge minimum des seniors concernés.
L’aide publique qu’apportera l’État sera ajustée en fonction des modalités qu’auront retenues les partenaires sociaux. Elle pourrait être constituée d’exonérations de charges supplémentaires et s’élever à un peu plus de 2 000 euros par an et pour chaque contrat. Cela correspond à environ 200 millions d’euros pour 50 000 contrats conclus la première année, et environ 600 millions annuels pour la troisième année, avec 150 000 contrats en cours d’exercice.
Il va de soi que, dans les entreprises de moins de 50 salariés, le contrat de génération n’exclut pas la mise en œuvre des autres types de contrats (contrat emploi d’avenir et contrats par alternance).
L’accord national interprofessionnel
Sitôt élu, le Président de la République saisira les partenaires sociaux pour négocier la mise en œuvre du contrat de génération à travers un accord national interprofessionnel, dont il serait souhaitable qu’il s’applique à partir du 1er décembre 2012. Cet accord définira le contenu minimal et les modalités des accords d’entreprise qui donneront droit au maintien des exonérations de charges sur les bas-salaires. Il précisera notamment les différentes types de contrat d’embauche de jeunes et les publics éligibles pour chacun d’eux, qui pourront être retenus au titre du contrat de génération :
- le contrat « emploi d’avenir » en entreprise, ouvert aux jeunes sortis sans qualification du système scolaire, en recherche d’emploi. Il s’agit d’un contrat classique d’embauche, à durée indéterminée, ouvrant droit aux allègements de charges prévues par la loi actuelle, dans lequel l’entreprise s’engagera sur un accompagnement renforcé, par un tuteur formé chargé de favoriser les transferts de savoirs et la stabilisation dans l’emploi.
- le contrat unique d’alternance regroupant l’ensemble des formations alternées (apprentissage, professionnalisation jeunes, professionnalisation adultes…), permettant une valorisation et un développement de masse par la reconnaissance des salariés formés et de leurs tuteurs, tout en spécifiant les formes de déclinaisons (publics, niveaux, durées, exonérations, qualifications…) sur la base d’une concertation élargie : partenaires sociaux, régions, Éducation nationale…
- le contrat 2ème chance en entreprise, contrat d’alternance destiné à des jeunes en situation d’exclusion sociale, dont l’objet prioritaire n’est pas la qualification mais l’inclusion par et pour le travail, en s’appuyant sur la fonction de « socialisation » de l’entreprise. Il pourrait prendre la forme d’un contrat à durée indéterminée, précédé d’une période d’alternance d’une durée de 12 à 36 mois (dans un cadre défini par les partenaires sociaux, en prolongeant l’accord du 7 juin 2011 dans son article 2). Les temps de formation de cette alternance particulière correspondront alors essentiellement à un tutorat renforcé (professionnalisation du tuteur, approche globale du bénéficiaire, accompagnement à la production de compétences…) pris en charge par l’entreprise.
Cette note reprend les travaux du groupe de travail animé par M. Deluzet et J. Bontems, auxquels ont notamment participé Y. Barou, G. Cette, P. Ferracci, A. Gauron, M. Yahiel. Elle intègre aussi les réflexions de N. Grivel et celles de la première réunion du pôle Travail-Emploi sous l’égide d’Alain Vidalies.