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19 / 03 / 2019 | 238 vues
Dominique Dorgueil / Membre
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Salaire, pouvoir d'achat, salaire socialisé et contributions : si on en parlait vraiment ?

Pouvoir d'achat : le pouvoir d'achat est une notion économique qui a pour objectif de mesurer la quantité de biens et de services qu'un revenu donné permet d'acquérir.
 

Si l'on s'en tient à la définition purement consumériste qu'en fait actuellement le gouvernement, c'est le pouvoir d'acheter, de payer, de consommer tout de suite...
 

Le « nouveau monde » ne veut plus s'embarrasser de « concepts poussiéreux » tels que le salaire socialisé, les contributions ou la catégorisation des cotisations (catégorisation purement administrative par ailleurs).
 

Ce discours est hélas attractif pour des salariés sous pression et stressés, dont le quotidien se résume à une course contre la montre, contre les échéances et les factures. Dans un tel environnement, le pouvoir d'achat devient en effet l'unique préoccupation de ces salariés que l'on voudrait prétendument responsabiliser pour pérenniser et augmenter la profitabilité de l'entreprise, leur promettant pour ce faire des primes et une participation aux bénéfices, c'est à dire du « net ».
 

Leur absence d'autonomie rend de fait cette responsabilisation impossible puisqu'ils ne peuvent en l’occurrence ni déterminer la répartition entre profit et salaire, ni peser sur l’utilisation de la valeur économique de l'entreprise.
 

Rappelons-le, tous les dispositifs mettant le net en avant au détriment du brut ne représentent sur la durée que des baisses de salaires, de même que les heures supplémentaires « défiscalisées ».
 

Pour rester au contact des réalités, rappelons nous que l’INSEE considère la rémunération des salariés comme l’« ensemble des rémunérations en espèces et en nature que les employeurs versent à leurs salariés en paiement du travail accompli par ces derniers : salaires et traitements bruts en espèces et en nature, cotisations sociales effectives et imputées à la charge des employeurs ».

Salaire socialisé

A l'heure où le coût de la vie explose et où l'individualisme porte à privilégier le verbe avoir au détriment du verbe être, la notion de salaire socialisé (cette partie du prix du travail qui n’est pas versée sous forme de salaire direct à celui qui a effectué le travail) semble être devenue étrangère au plus grand nombre.

Certes, du point de vue de l’employeur, c'est le salaire super brut qui compte car il correspond à ce que l’employé « coûte » réellement.
 

« Le salaire super brut est la somme du salaire net et des cotisations sociales salariales et patronales payées en contrepartie du travail effectué par le salarié ».
 

Pour le salarié, en revanche, le salaire socialisé est de la plus grande importance sur le moyen/long terme car il est constitué de cotisations versées à des institutions dites de protection sociale.

Ce sont ces institutions qui le redistribuent aux salariés et à leurs ayants droit, plus en fonction du travail qu’ils ont fourni (comme c'est le cas pour le salaire direct) mais en fonction de leurs besoins.

Ces besoins concernent, selon les périodes et des aléas de la vie, l'assurance maladie maternité, l'invalidité-décès, l'assurance vieillesse, l'assurance veuvage et l'assurance accident du travail. Afin d'évoquer leur mode de fonctionnement globalement, on peut dire que ces institutions empruntent au modèle beveridgien (les prestations sont versées aux individus qui en ont besoin) ainsi qu'au modèle bismarckien (les prestations sont versées aux individus qui se sont assurés contre tel risque).

Cotisations/charges

Selon que l'on voudra parler d'ouverture à des droits ou de gêne et de frein à la croissance d'une entreprise, on utilisera l'une ou l'autre de ces deux expressions...
 

Plus sérieusement, le principe de la cotisation consistant à mutualiser une partie de la richesse produite dans les entreprises pour financer les retraites et la sécurité sociale est une conquête du mouvement ouvrier instituée après la Seconde Guerre mondiale.
 

L'assurance-chômage, qui relevait précédemment de ce principe de cotisation, est désormais financée par l'impôt, en l’occurrence la CSG, dont le taux est passé à 9,2 % contre 7,5 % avant 2018.

Horizon 2019/2022

En 2016, les ressources de la protection sociale (cotisations sociales, CSG et autres impôts et taxes affectés) étaient de 758,7 milliards d'euros pour des dépenses totales (prestations+frais de gestion et financiers) de 759,1 milliards d'euros, le déficit n'était donc plus que de 400 millions d'euros en 2016.
 

Le retour à l'équilibre en 2019 donne des idées à certains, qui voudraient user des excédents disponibles (plusieurs dizaines de milliards d'euros) comme d'une « tirelire » permettant de compenser les baisses d'impôts à venir, tout en réduisant le déficit de l'État (qui compensait jusqu'à présent les allègements divers consentis aux entreprises).
 

Ainsi, la loi de finances 2019 qui permet la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), en baisses pérennes de cotisations sociales, privera la Sécurité sociale d'environ 26 milliards d'euros. Le reversement d'une partie des recettes de TVA ne compensera que partiellement la perte de recettes induite.


La même loi de finances ne prévoit pas non plus de compensation pour la suppression des charges salariales sur les heures supplémentaires (env. 600 millions d'euros), ni pour la fin du forfait social dans les entreprises de moins de 250 salariés (env. 600 millions d'euros également, prélevés sur la participation et l'intéressement versés par les entreprises à leurs salariés). Pas davantage de compensation pour les 300 millions d'euros correspondant à la réduction du taux de CSG pour les 300 000 retraités les plus modestes.


Devenus des variables d'ajustement pour le budget de l'État, la Sécurité sociale et les institutions de protection sociale perdent leur caractère solidaire si spécifique et si précieux, édicté dans le programme du Conseil national de la résistance (CNR), adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944, programme intitulé « Les jours heureux », dont voici un extrait traitant du plan social :
 

  • « Un rajustement important des salaires et la garantie d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine, »
  • « Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'État, »
  • « Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

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