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20 / 10 / 2022 | 198 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Ordonnances

Tirer les leçons des ordonnances de 2017 et préparer le nouveau mandat

Retour sur la conférence hybride, tenue à la fois en présentiel au Cese et en ligne, organisée le 6 septembre par Orseu Ethix en partenariat avec Miroir social où les analyses des chercheurs sur les conséquences des ordonnances ont été illustrées par des retours d'expérience.

 

Encore plus que la précédente, cette deuxième vague d'élections dans les CSE doit permettre aux syndicats de négocier des moyens au regard des bilans des premiers mandats tenus dans le cadre de la nouvelle instance. "Il va falloir travailler sur des programmes qui dépassent les stricts enjeux électoralistes pour que les syndicats montrent aux directions, en prenant les salariés à témoin, de l'importance qu'ils accordent à un bon fonctionnement du CSE. C'est un levier important dans le rapport de force pour obtenir le mode d'organisation le plus adapté. Cela sous entend d'anticiper pour ne pas se laisser déborder par l'échéance", explique Jean-Pierre Yonnet, le directeur général du groupe Orseu Ethix dont le pôle recherche qui travaille sur des missions d'évaluation des politiques publiques a été impliquée dans le cadre du bilan dressé par le comité d'évaluation des ordonnances de 2017.  C'est ainsi le pôle recherche du cabinet qui a piloté l'étude réalisée en 2019 sur 35 entreprises juste après les premières négociations du passage en CSE pour contribuer à alimenter le rapport intermédiaire du comité d'évaluation des ordonnances.

Quel bilan du dialogue social dans les entreprises ?

"Le rapport de force était tellement favorable aux employeurs que les syndicats ont cherché à sauvegarder tout azimut un maximum de moyens existants sans avoir le temps de se poser la question du modèle alternatif sur lequel le CSE aurait pu fonctionner et des moyens adaptés", souligne Nicolas Farvaque, le responsable de la recherche chez Orseu Ethix  qui plaide pour que les partenaires sociaux se donnent les moyens de faire le bilan organisationnel de la mandature passée. "C'est l'occasion de faire le point sur ce qui a, ou non, fonctionné pour négocier au mieux les moyens qui seront les plus utiles", précise Nicolas Farvaque dont le pôle a aussi contribué à l'étude coordonnée cette fois par l'Ires sur la base du décryptage du bilan détaillé de 8 entreprises qui a cette fois a alimenté le rapport final du comité d'évaluation des ordonnances. La mise à distance des représentants des salariés apparaît comme un  fil rouge, avec une déconnexion qui amplifie notamment les difficultés à intégrer une prise en compte réelle des conditions du travail. De quoi renforcer la conflictualité. "Les ordonnances ont mis la priorité sur la capacité de l'instance à accompagner les évolutions de l'entreprise en faisant l'impasse sur l'importance de la représentation des élus à l'égard des salariés. Il y a un profond déséquilibre qu'il faut corriger ", considère Frédéric Lerais, le directeur général de l'Ires qui rappelle à quel point les ordonnances sont inadaptées aux grandes entreprises.

 

Les délégués du personnel ne reviendront pas et la place des représentants de proximité reste à imposer. Pour Kevin Guillas-Cavan, chercheur au sein du groupe « relations professionnelles » à l'Ires, "Il faut reconnaître en l'institutionnalisant le rôle des représentants de proximité. A défaut, les réclamations individuelles collectives seront  de plus en plus portées par les syndicats. La volonté de rationaliser le fonctionnement du CSE génère un manque de régulation institutionnelle qui peut amener à des grèves. Finalement, ce n'est pas gagnant". 

Vers un dialogue social très pragmatique

Face à la rationalisation, les élus du CSE d'un assureur employant 1200 personnes sur trois sites se sont employés pour négocier sur la première mandature une commission politique sociale pour notamment effectuer tout le travail préparatoire. Globalement toutes les actions et arbitrages décidées dans les différentes commissions ne sont pas re-discutées lors des séances plénière du CSE. "Cela sous-entend une capacité des syndicats à travailler ensemble en bonne intelligence. Concrètement, cela signifie que les représentants des syndicats minoritaires puissent se faire entendre au sein du CSE pour que les commissions ne deviennent pas des espaces de luttes politiques", rapporte Jean-Luc Bizeur, directeur technique chez Orseu Ethix. Le tout en soulignant que c'était majoritairement les suppléants qui s'impliquaient dans les commissions. De quoi alléger la charge de travail des élus titulaires.


Dans la filiale d'un groupe bancaire, les élus ont négocié un agenda social afin que les informations/consultations soient alignées avec les négociations. "Cela donne  aux délégués syndicaux des éléments pour enrichir des négociations qui sont de plus en plus centralisées au niveau de la maison mère",  précise Stéphane Lamy, expert comptable chez Orseu Ethix qui rapporte le cas d'un autre CSE client en place chez un sous-traitant automobile où le rapport de force est favorable aux syndicats car l'usine de 400 salariés livre en juste à temps. Toutes les modifications de la chaîne de production sont expérimentées en amont par les élus de la CSSCT qui donnent, ou non leur aval, pour la généralisation. "Je n'ai jamais vu cela", confie Stéphane Lamy. Selon lui "le passage en CSE a renforcé la vision à 360 ° des élus entre les conditions de travail et une situation économique qu'il faut redresser avec des départs non remplacés. Le rapport de force à l'égard de la direction est utilisé à bon escient par les syndicats".


Dans les trois cas, le syndicat majoritaire n'écrase pas pour autant les autres. Pour Jean Grosset, le directeur de l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean Jaurès : "Il faut réinventer le rapport avec les salariés pour pouvoir peser sur les directions et cela passe d’abord par la capacité des représentants à comprendre qu’ils sont les premiers à pouvoir se donner les moyens d’agir sans attendre que cela vienne des directions ou plus encore de la loi. Les ordonnances sur le travail ne suffisent pas à expliquer la baisse du taux de participation aux élections dans les entreprises et à la réduction du nombre de syndicats."