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31 / 12 / 2013 | 1 vue
Nadia Rakib / Membre
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« Dites-moi où vous vivez et je vous dirai si vous avez le poste »

Commençons par définir le sens du terme « discrimination » qui est à l'origine neutre, synonyme du mot « distinction ». Cependant, dès qu'il concerne une question sociale, il peut prendre une connotation péjorative qui aboutit à une distinction injuste ou illégitime.  

Alors, la discrimination devient l'acte par lequel on met de côté ou on distingue quelqu'un, notamment par sa couleur de peau, son genre, sa sexualité, sa religion, ses opinions, un handicap, son physique etc.

Plus pernicieuse, la discrimination peut-être directe ou indirecte. Dans le premier cas, la discrimination est patente et peut-être constatée et dénoncée. Dans l’autre cas, elle se manifeste sous « l’habit » de pratiques dissimulées qui visent à écarter des candidats de manière indirecte.

Pour y voir plus clair, constitue une discrimination directe toute « situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, un individu est traité de manière moins favorable qu’un autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aurait été dans une situation comparable ».

À l’inverse, constitue une discrimination indirecte « une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner […] un désavantage particulier pour des gens par rapport à d’autres, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ».

Qu’il s’agisse de l’une ou l’autre catégorie de discrimination, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié (ou un candidat à un poste) en méconnaissance de ces dispositions est réputé nul.

Il convient de préciser que certains critères discriminants, qui n'étaient pas prévus par la loi à l'origine, y ont été introduits par la suite. Nonobstant, il existe encore certaines discriminations que la loi n'a pas formellement prévues, dont les discriminations liées au lieu d'habitation : lieu de résidence (État, ville, quartier etc.).

Dans cette affaire, une femme avait répondu à une annonce diffusée sur internet par l'APEC et relative à un poste de responsable organisation. La société qui diffusait l’offre l'avait informée que sa candidature n'était pas retenue. La candidate a décidé de saisir la juridiction prud'homale, soutenant qu'elle avait été victime d'une discrimination à l'embauche compte tenu de son lieu de naissance au Maroc. La société répliquait que la mention relative au Maroc était apparue sur le courrier adressé à la suite d'une erreur, l'APEC lui ayant transmis son dossier en même temps que celui d'un autre candidat. La lettre adressée à cette candidate avait donc repris par erreur de « copier-coller » la mention 99350 Maroc figurant dans l'adresse de l’autre candidat au poste.

Quid : Pouvait-on parler d’une situation de discrimination à l'embauche ?

Petites précisions quant à notre cas d’espèce : le courrier envoyé sous pli recommandé avec avis de réception à l'adresse de l’autre candidat à « notre candidate » lui avait été retourné avec la mention : « adresse incomplète, voie inconnue, sans destination ». La société se justifiait en arguant qu’elle n'avait pu joindre l'adresse électronique figurant sur la lettre de candidature de l’autre candidat et qu'il n'existait pas de localité au Maroc s'appelant « Utex ». Ainsi, la société n’avait pu adresser à l’autre candidat, comme à « notre candidate », un courrier rejetant leur candidature. De plus, la réponse négative à l’autre candidat n’avait pas, comme « notre candidate » le prétendait, été rédigée juste avant celle qui lui été destinée.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour de Cassation a infirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence. La Haute juridiction nous précise que la mention « 99350 Maroc », figurant par erreur à la suite de l'adresse à Marseille de la candidate, n'était pas à elle seule un élément laissant supposer l'existence d'une discrimination fondée sur l'origine ethnique.

En cas de litige, il faut savoir qu’en ce qui concerne la charge de la preuve, le salarié concerné ou le candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. De son côté, la partie défenderesse doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Ensuite, le juge formera sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estimera utiles.

Dit autrement, l'employeur doit donc apporter la preuve qu'il ne s'est pas fondé sur un critère illégitime pour fonder sa décision, ce qui s’avérait être le cas dans cette affaire. Enfin, rappelons que la HALDE a été absorbée par le Défenseur des droits, institution créée par la loi organique du 29 mars 2011. Celui-ci a désormais pour mission de lutter contre les discriminations directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international ratifié ou approuvé par la France. Espérons qu’il n’aura pas à « crouler sous les dossiers » en 2014….
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