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Conventions collectives conclues avant la loi du 4 mai 2004 : le principe de faveur continue de s’appliquer aux accords d’entreprise
La loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391, JO 5 mai), dite loi « Fillon », a bouleversé les règles de la négociation collective en portant une atteinte sans précédent au principe de faveur.
La loi du 20 août 2008 (portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail) a accentué ce phénomène en matière d’aménagement du temps de travail en faisant primer l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, l’accord de branche n’intervenant qu’à titre subsidiaire.
- La loi Fillon admet qu’un accord d’entreprise ou d’établissement puisse déroger dans un sens moins favorable, en tout ou en partie, à une convention ou un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord exclut expressément une telle possibilité.
Cette possibilité de dérogation dans un sens moins favorable est toutefois exclue dans quatre domaines : les salaires minima, les classifications, les garanties collectives en matière de prévoyance et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle (art. L.2253-3 du Code du Travail).
Les accords de groupe sont également toujours soumis au principe de faveur : un accord de groupe ne peut déroger à une convention de branche ou un accord professionnel que si l’un ou l’autre de ces textes l’autorise expressément (art. L.2232-35 du Code du Travail).
- Dans la mesure où l’article 45 de la loi du 4 mai 2004 prévoit que « la valeur hiérarchique accordée par les signataires aux conventions et accords conclus avant l’entrée en vigueur de la présente loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs », la Cour de Cassation vient de préciser dans une décision du 9 mars 2011 « qu’un accord collectif d’entreprise, même conclu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, ne peut déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date, à moins que les signataires de cette convention n’en aient disposé autrement » (Cass. soc., 9 mars 2011, n° 09-69647, PBR).
En l’espèce, un accord d’entreprise, conclu après la loi du 4 mai 2004, octroyait des indemnités de grands déplacements dans des conditions ne respectant pas la convention collective des ouvriers des travaux publics, signée le 15 décembre 1992. Un salarié avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes, notamment d’un rappel d’indemnités de grands déplacements. La Cour d’Appel n’ayant pas fait droit à ses demandes, il s’était pourvu en cassation. Le salarié considérait que la convention collective n’ayant pas été révisée depuis 1992 concernant les indemnités de grands déplacements, la Cour d’Appel avait, en appliquant l’accord d’entreprise moins favorable sur ce point que la convention collective, violé l’article 45 de la loi du 4 mai 2004, les articles L.2253-1, L.2253-3 du Code du Travail et l’article 8.11 de la convention collective.
La Cour de Cassation a accueilli favorablement les arguments du salarié. En effet, la loi du 4 mai 2004 ne modifie la hiérarchie des normes qu’entre accords conclus après cette loi. Les accords conclus avant cette loi reste soumis au principe de faveur. Un accord d’entreprise conclu après cette loi ne peut déroger dans un sens moins favorable à une convention collective signé avant cette loi que si cette convention l’autorise. Dans notre affaire les juges auraient dû rechercher si les dispositions de l’accord d’entreprise répondaient aux exigences de prise en charge des dépenses de déplacement telles que prévues par la convention collective.
La solution de la haute juridiction est conforme à la position de l’administration. La circulaire DRT n° 9 du 22 septembre 2004 indique que les « nouvelles règles issues ne valent que pour l'avenir et ne remettent pas en cause l'articulation entre les accords et conventions conclus avant l'entrée en vigueur de la loi ». Autrement dit, les conventions collectives conclues avant le 7 mai 2004 (date d’entrée en vigueur de la loi), tant qu’elles ne sont pas révisées, continuent à s’imposer aux entreprises qui ne peuvent déroger aux accords de rang supérieur que dans un sens plus favorable. La circulaire complète ses précisions en indiquant que « lorsqu'un avenant se borne à modifier certaines clauses d'un accord conclu antérieurement à la loi, les nouvelles règles en matière de hiérarchie des accords ne s'appliquent qu'aux clauses ainsi modifiées, ainsi qu'aux clauses directement liées à celles-ci, et non à l'ensemble de l'accord ». Si cette solution allait sans dire, la Cour de Cassation a pris soin de la rappeler avec force.