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Un vote prud’homal pour la pluralité de l’expression syndicale
Ce serait donc grâce à la crise si la CGT progressait de 1,6 % pour passer à 33,8 %. Vote contestataire, vote refuge, telles sont les expressions de beaucoup de « perdants » pour qualifier cette progression. « Je préfère parler de syndicalisme conquérant et rassembleur qui a su faire la preuve de son utilité. La conjoncture ne suffit pas à expliquer notre score. C’est dans le collège des activités diverses, celles où l’on retrouve le plus de précarité que nous progressons le plus. Or, cette précarisation est bien structurelle », explique Agnès Naton, secrétaire confédérale de la CGT qui n’a pas pour autant réussi à attirer toutes les voix favorables à une opposition combative.
« Nous avons désormais la responsabilité de mettre en musique une véritable lutte unitaire pour riposter aux actions du gouvernement » - Jean-Michel Nathanson, Solidaires
L’Union syndicale Solidaires passe ainsi de 1,5 % à 3,8 % sans aucune subvention publique pour mener sa campagne. « Nous avons désormais la responsabilité de mettre en musique une véritable lutte unitaire pour riposter aux actions du gouvernement. À charge pour nous de réussir à faire converger les luttes pour parvenir à un mouvement de contestation interprofessionnel qui pourrait aller jusqu’à la grève reconductible », estime Jean-Michel Nathanson, porte-parole du syndicat.
Une économie sociale décomplexée
Les attentes de leurs électeurs mettent donc la pression sur les syndicats « combatifs » qui voient plutôt d’un bon œil la montée en puissance patronale de l’AEES (Association des Employeurs de l’Économie Sociale). Les employeurs de l’économie sociale progressent de 8 % pour atteindre les 19 %. Là aussi, sans aides financières publiques. « C’est une bonne surprise qui va dans le sens d’une véritable reconnaissance comme acteur du dialogue social. Il est temps d’en finir avec l’image d'employeur de contrats courts et peu qualifiés que l’on veut nous coller. L’économie sociale ne sert pas qu’à lutter contre la pauvreté », explique Sébastien Darrigrand, le délégué général de l’USGERES (Union des syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale). Et pendant ce temps-là, l’UDE (Union pour les droits des employeurs) réunissant Medef, CGPME, UPA, FNSEA et UNAPL perd 8 % avec 72,1 des votes. L’électorat patronal aurait-il été moins sensible à une « union » un peu artificielle masquant de fortes différences de sensibilités ?
Alliances locales à géométrie variable
Il n’a d’ailleurs jamais été question pour la CFE-CGC et l’Unsa de se risquer à un montage analogue à celui de l’UDE en dépit du projet de rapprochement qui les anime. Les progressions respectives (plus 1,2 %) de la CFE-CGC (8,2 %) et de l’Unsa (6,2 %) confirment cette tendance à un renforcement de la pluralité de l’expression syndicale qui n’apparaît pas phagocyté par un tandem « contestataire » d’un côté avec la CGT et « réformiste » de l’autre avec la CFDT.
« Notre rapprochement avec la CFE-CGC n’a pas fait perdre à cette dernière son électorat de cadres. Au contraire. » - Alain Olive, Unsa C’est pourtant le scénario favorisé, sur le papier du moins, par la réforme de la représentativité syndicale dont on mesurera l’impact en 2012. Selon Alain Olive, le secrétaire général de l’Unsa, « contrairement à ce que certains voulaient croire, notre rapprochement avec la CFE-CGC n’a pas fait perdre à cette dernière son électorat de cadres. Au contraire. C’est bien la preuve que la diversité est une force de par les complémentarités qu’elle autorise.» À la CFE-CGC, Gérard Labrune, le secrétaire général estime que « l’avenir est à un syndicalisme de construction et que le projet de rapprochement avec l’Unsa ne se borne pas à additionner des scores. » Restera à donner « une cohérence nationale à des alliances locales de circonstances » comme l’a souligné Bernard Van Craeynest, le président de la CFE-CGC lors d’un récent échange avec les journalistes de l’AJIS.
Pas question pour Jacques Voisin, le président de la CFTC de parler fusion : "je crois bien d'avantage aux coopérations sur le terrain en fonction des circonstances. Cela passe par des listes communes lors des élections professionnelles sur des projets communs. Mais ces initiatives relèvent exclusivement de nos représentants dans les entreprises. Nous devons coller à la réalité des entreprises". Cap donc sur des alliances dont les compositions seront variables en fonction des situations locales.
Abstention record
" Nous n'avons pas suffisamment réussi à mobiliser le cœur de notre électorat", reconnait Jacques Voisin, qui se refuse pour autant à parler d'un échec avec une baisse de 0,7 % au compteur (8,9 %). Même constat pour René Valladon, secrétaire confédéral de FO, "la CGT a fait la preuve de sa capacité de mobilisation mais il faut tout de même souligner qu'elle perd 120 000 voix par rapport à 2002. Nous en perdons 200 000. " Avec un taux d'abstention record de 74,5 %, cette élection prud’homale témoigne d’un recentrage sur le cœur de l’électorat des syndicats. Un indicateur clé au delà des débats sur l'amélioration de la logistique de cette élection.
Le symbole du contentieux que représente un conseil des Prud’hommes a encore moins attiré les foules qu'en 2002. Dans un contexte de crise, pas nécessairement besoin de rajouter une couche anxiogène. « Nous avons gagné en notoriété grâce notamment aux échos médiatiques de la campagne virale menée sur le net mais cela ne s’est pas traduit en vote », constate René Valladon.
De concert FO et la CFDT soulignent que leur résultat ne reflètent pas la réalité de leur représentation dans les entreprises. En attendant, seule la CFDT reconnaît ouvertement son échec. Ainsi peut-on lire sur le site internet de la confédération : "Le résultat des élections prud’homales n’est pas bon pour la CFDT. Nous exprimons notre déception..."
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