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13 / 09 / 2018 | 14 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Tour d’horizon de la vidéosurveillance dans l’entreprise à l'heure de la RGDP

Big brother est-il déjà là ? Grande question que les salariés sont de plus en plus amenés à se poser. En effet, de nombreux employeurs souhaitent tout contrôler jusqu’aux moindres faits et gestes de leurs salariés.

La vidéosurveillance est un moyen d’exercer un tel contrôle. Cette technologie n’autorise cependant pas l’employeur à faire tout et n’importe quoi. La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) est très vigilante sur cette question.

Tour d’horizon de ce qu’il est possible de faire et de ne pas faire en matière de vidéosurveillance sur le lieu de travail.

1 - Dans quels cas l’employeur peut-il mettre une vidéosurveillance en place dans l’entreprise ?

Un système de vidéosurveillance peut être mis en place à des fins de sécurité des biens et des personnes ; elle peut également être utilisée pour contrôler l’activité des salariés (Cass. soc., 10 janvier 2012, n° 10-23482).

La CNIL rappelle toutefois que le système de vidéosurveillance doit nécessairement respecter le principe de proportionnalité.

Sauf circonstances particulières (par ex. : surveillance en zone aéroportuaire, travail sur une machine dangereuse…), la CNIL considère que la vidéosurveillance ne peut placer les salariés sous surveillance constante, générale et permanente (délib. CNIL n° 2010-112 du 22 avril 2010).

Dans une affaire où l’employeur filmait constamment des agents installés dans le PC de sécurité d’une galerie commerçante, la CNIL a jugé que cette surveillance était disproportionnée, au regard de la finalité de sécurité des biens et des personnes de l’immeuble (délib. CNIL n° 2012-475 du 3 janvier 2013).

Dans une autre affaire où les caméras étaient installées pour lutter contre le vol de marchandises, la CNIL a considéré que l’installation de caméras dans des locaux où il n’existait aucun risque de vol n'était pas justifiée puisque aucune marchandise n’y était stockée, tels les couloirs, les ateliers de création ou les bureaux administratifs.

Pour la CNIL, le nombre, l’emplacement, l’orientation, les fonctionnalités et les périodes de fonctionnement des caméras ou la nature des tâches accomplies par les individius devant être soumis à la vidéosurveillance sont autant d’éléments à prendre en compte lors de l’installation du système. Le déploiement d’un dispositif de vidéosurveillance ne doit pas avoir pour seul objectif la mise sous surveillance spécifique d’un employé déterminé ou d’un groupe particulier d’employés.

L’enregistrement du son associé aux images paraît disproportionné, sauf justification particulière.

2 - À quel endroit les caméras peuvent-elles être placées ?

Selon la CNIL, les caméras peuvent être installées au niveau des entrées et des sorties des bâtiments, des issues de secours et des voies de circulation mais également dans des zones où des biens de valeur ou de la marchandise sont entreposés (la CNIL consacre un thème à la vidéosurveillance au travail sur son site internet).

Sauf circonstances particulières, elles ne peuvent filmer les salariés à leur poste de travail, ceux-ci disposant, même aux temps et au lieu de travail, du droit au respect de leur vie privée.

Les caméras ne doivent pas non plus filmer les zones de pause ou de repas des salariés, ni les toilettes. Les locaux syndicaux ou des instances représentatives du personnel, ni leur accès lorsqu’il ne mène qu’à ces seuls locaux ne doivent pas non plus être filmés.

3 - Quelles formalités l’employeur doit-il respecter préalablement à la mise en place d’un système de vidéosurveillance ?

Lorsque le dispositif était installé dans un lieu privé ou non-ouvert au public et que les images étaient enregistrées ou conservées dans des fichiers informatisés ou des fichiers structurés qui permettaient d’identifier des gens, ce dispositif devait faire l’objet d’une déclaration à la CNIL. Une déclaration devait être effectuée pour chaque site ou établissement équipé. Si un correspondant informatique et libertés (CIL) avait été désigné dans l’entreprise, aucune formalité n’était nécessaire auprès de la CNIL. Le CIL devait noter ce dispositif sur son registre.

Depuis le 25 mai 2018, le RGPD supprime les déclarations préalables au profit d’un système d’autocontrôle.

Le fait de ne pas respecter les formalités préalables à la mise en œuvre des traitements de données à caractère personnel est puni d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 € (art. 226-16 du code pénal).

Lorsque le dispositif de vidéosurveillance est installé dans un lieu public ou ouvert au public, celui-ci doit être autorisé par le préfet du département ou le préfet de police pour Paris.

Lorsque le dispositif de vidéosurveillance était installé dans un lieu mixte (lieu ouvert au public comportant des zones privées), si les images étaient enregistrées ou conservées dans un fichier nominatif, une déclaration à la CNIL était nécessaire, en plus d’une autorisation préfectorale. Les deux formalités semblaient se cumuler. Dorénavant, avec le RGPD, l’entreprise est soumise à un système d’autocontrôle continu, à la tenue d’un registre des activités de traitement et à la désignation d’un délégué à la protection des données…

  • Lorsque le dispositif vise à contrôler les salariés, l’employeur doit consulter le comité d’entreprise (s’il existe encore) ou le CSE (Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-43866 ; art. L 2312-38 du code du travail) sur le dispositif lui-même et ses fonctionnalités mais également le CHSCT (s’il existe encore). Le CHSCT doit être consulté sur tout projet d’introduction de nouvelles technologies et sur les conséquences de ce projet sur la santé et la sécurité des travailleurs. Le CHSCT doit également être consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
  • Le dispositif de vidéosurveillance doit préalablement être porté à la connaissance des salariés (art. L 1222-4 du code du travail). Si le système est utilisé pour contrôler leur activité professionnelle, les salariés doivent en être avertis, une simple information de l’existence d’un système de vidéosurveillance n’étant pas suffisante (Cass. soc., 10 janvier 2012, n° 10-23482).

L’information doit donc porter également sur l’utilisation qui peut être faite du dispositif. La Cour de cassation considère cependant que la vidéosurveillance installée pour assurer la sécurité d’un magasin et qui n’est pas destinée à être utilisée pour contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions peut servir à constater une faute grave, même si elle n’a pas fait l’objet d’une mise en œuvre dans les conditions prévues par le code du travail (Cass. soc., 2 février 2011, n° 10-14263 ; Cass. soc., 26 juin 2013, n° 12-16564.).

À noter que les salariés mis à disposition doivent être informés des caméras placées chez le client, par leur employeur, si celui-ci souhaite utiliser la vidéosurveillance comme mode de preuve.

Du point de vue de la loi informatique et libertés, l’employeur doit informer, au moyen d’un panneau affiché de façon visible, dans les locaux placés sous vidéosurveillance, de l’existence du dispositif, des destinataires des images et des modalités concrètes de leur droit d’accès aux enregistrements visuels les concernant.

En matière pénale, la Cour de cassation considère que des enregistrements vidéos obtenus sans que le salarié n’ait été averti par l’employeur de l’existence d’une vidéosurveillance peuvent servir à la constatation d’un délit : aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits pour le seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, qu’il leur appartient seulement d’en apprécier la valeur probante (Cass. crim., 6 avril 1994, n° 93-82717).

Du point de vue du droit du travail, l’information ne semble pas pouvoir se faire uniquement par voie d’affichage, celle-ci devant se faire de manière individuelle.

Si l’employeur ne respecte pas l’une de ces deux conditions (information des salariés et consultation du CSE), la preuve obtenue par le dispositif de vidéosurveillance est illicite. L’employeur n’a toutefois pas l’obligation d’informer les salariés préalablement et de consulter le comité d’entreprise lorsque le dispositif de vidéosurveillance est installé dans des locaux où les salariés ne sont pas amenés à se rendre ou à travailler (Cass. soc., 31 janvier 2001, n° 98-44290 ; Cass. soc., 19 avril 2005, n° 02-46295 ; Cass. soc., 19 janvier 2010, n° 08-45092).

  • Caméra installée au domicile d’un particulier

Lorsqu’un particulier installe des caméras chez lui alors qu’il emploie du personnel (aide à domicile, femme de ménage, garde d’enfant…), ces salariés devront être informés de l’installation de caméras et de leur but. Les caméras ne devront pas filmer les salariés en permanence pendant l’exercice de leur activité professionnelle.

4 - Qui peut consulter les images enregistrées et combien de temps peuvent-elles être conservées ?

Seuls les gens habilités, dans le cadre de leurs fonctions, peuvent visionner les images enregistrées.

Dans sa délibération du 22 avril 2012, la CNIL a énoncé que les images captées et enregistrées devaient être suffisamment protégées contre des accès par des tiers non autorisés (délib. CNIL n° 2010-112 du 22 avril 2010).

En principe, la conservation des images ne doit pas excéder un mois. La CNIL indique qu’en règle générale, conserver les images quelques jours suffit à effectuer les vérifications nécessaires en cas d’incident et permet d’enclencher d’éventuelles procédures disciplinaires ou pénales. Si de telles procédures sont engagées, les images sont alors extraites du dispositif (après consignation de cette opération dans un cahier spécifique) et conservées pour la durée de la procédure.

5 - Que faire si l’employeur ne respecte pas les règles de mise en œuvre de la vidéosurveillance ?

Les salariés peuvent saisir le CSE ou les délégués du personnel (s’ils existent encore) qui ont la possibilité d’exercer leur droit d’alerte (art. L 2313-2 ancien du code du travail ; art. L 2312-59 du code du travail). Le CSE ou les délégués du personnel ont la faculté de demander le retrait d’éléments de preuve obtenus par des moyens frauduleux en cas d’atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles (Cass. soc., 10 décembre 1997, n° 95-42661).

Il peut aussi être utile d’avertir l’inspecteur du travail et de saisir la CNIL en cas de non-respect du principe de proportionnalité, de collecte déloyale ou illicite, de durée de conservation excessive ou de détournement de la finalité. La CNIL peut notamment prononcer une suspension provisoire du dispositif et demander à l’entreprise de se mettre, dans un certain délai, en conformité avec les prescriptions légales.

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