Organisations
Sous-traitance : Air France au tribunal pour travail dissimulé
Mise en examen en juillet 2006 comme « personne morale », Air France a été renvoyée, par ordonnance du 7 février 2012, devant le tribunal correctionnel de Paris pour « travail dissimulé », organisé par son ancien sous-traitant, la société de sécurité Pretory.
Les débuts de cette épineuse affaire remontent à décembre 2003, date à laquelle une information judiciaire a été ouverte pour « abus de biens sociaux, recel et blanchiment de fonds commis en bande organisée », se référant à la gestion de Pretory.
Des flux financiers suspects, d’un montant de 10 millions d’euros, avaient alors été signalés par Tracfin, cellule de lutte contre le blanchiment d’argent. Le juge financier chargé de l’enquête avait mené une investigation sur les contrats passés entre Air France et Pretory. Cette dernière, mise en liquidation judiciaire en décembre 2003 par le tribunal de commerce de Paris, a laissé plus de 600 salariés sur le carreau.
Chargée de surveiller les opérations d’embarquement et de débarquement, la société de sûreté engrangeait en 2003 un chiffre d’affaires de 21 millions d’euros (contre 1 182 000 euros deux ans plus tôt), avec une marge brute de 25 %. Ses résultats fructueux s’expliquent notamment par le fait qu’elle ne déclarait que partiellement l’emploi de ses salariés, rémunérés en France pour 15 euros de l’heure. Le solde transitait dans ses filiales du Luxembourg, de Guernesey ou Tortola (Îles Vierges britanniques).
L’ancien président d’Air France, Jean-Cyril Spinetta, entendu comme témoin, n’a pas été poursuivi en justice. Pour la compagnie, il s’agissait avant tout « d’assurer la sécurité des vols afin de poursuivre, quoi qu’il advienne, les relations aériennes, notamment à destination des États-Unis, fût-ce au mépris du respect du droit du travail si celui-ci était trop coûteux », estime la juge d’instruction chargée du dossier, citée par Libération.
L’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel tranche dans le vif en affirmant que les dirigeants, organes et représentants d’Air France, « ne voulant accepter une hausse des tarifs pour mettre fin à la sous-traitance frauduleuse, ont choisi la poursuite de l’infraction », qui « n’a pris fin qu’en raison d’un différend financier [...] et pas sur intervention d’Air France ».
La fédération FO de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services condamne de telles pratiques qui, « pour faire grimper les marges et les profits des actionnaires, détruisent l’emploi et portent atteinte aux garanties des salariés ».