Organisations
Représentation du personnel et dialogue social : ça passe ou ça casse
La négociation interprofessionnelle sur ces thèmes, entre organisations patronales et syndicales représentatives au plan national, initiée en octobre dernier et censée se terminer ce mois-ci, arrive à son tournant.
Revue de détail des propositions sur la table ainsi que d’autres, dont certaines portées par l’union syndicale Solidaires qui n’est pas partie prenante à la négociation, pour contribuer (modestement) à la conception de ce que pourrait être une représentation du personnel universelle, progressiste et de proximité.
Dans les entreprises de moins de 11 salariés
Le patronat refuse en bloc toute forme de représentation dans ces sociétés qui regroupent pourtant 20 % du salariat du secteur privé ; les syndicats sont unanimement pour.
Pourquoi les conseillers du salarié, qui ont fait leurs preuves depuis leur création en 1989, ne seraient-ils pas désignés sur la base des résultats de l’élection TPE prévue en 2017 ? Issus en priorité de ces entreprises, ils se verraient tous dotés d’heures de délégation, auraient des prérogatives élargies à celle de pouvoir assister le salarié à tout entretien disciplinaire et plus seulement en cas de rupture, ainsi que mettre en œuvre le droit d’alerte, le tout afin d’assurer le respect effectif du droit du travail là où il est le plus souvent appliqué au rabais.
Leur champ d’action serait également élargi aux salariés du particulier employeur (plus d’un million qui travaillent, pour une écrasante majorité, hors cadre collectif), l’entretien de rupture se déroulant au domicile de l’employeur et, en cas de refus de ce dernier, à la mairie de son domicile.
Dans les entreprises de 11 à 49 salariés
Sous prétexte que 66 % d’entre elles en sont dépourvues, le patronat veut en finir avec la cheville ouvrière du syndicalisme que sont les délégués du personnel, un acquis de 1936. La CGT est prête à les envisager en option et la CFDT à les faire disparaître et ce en échange d’une représentation dès le premier salarié.
Or, les nombreux procès-verbaux de carence ne sont pas tant la marque d’un dialogue social « naturel » propre à ces sociétés mais s’expliquent avant tout par les manœuvres mises en œuvre par les employeurs pour ne pas mettre en place de délégués.
Solidaires se prononce pour le maintien de cette instance car l’action syndicale, placée sous le contrôle direct des travailleurs, sera toujours plus efficace au quotidien que hors les murs de l’entreprise.
Dans les entreprises de plus de 50 salariés
Le MEDEF propose la mise en place d’une instance unique dès 11 salariés, qui regrouperait les délégués élus et ceux mandatés ; la CFDT est prête à ouvrir cette possibilité par voie d’accord majoritaire. Il serait également permis de négocier directement avec ce conseil d’entreprise dans celles de moins de 50 (il y a cependant unanimité syndicale en faveur du maintien du monopole en matière de négociation collective).
Devant sa montée en puissance, beaucoup rêvent de renvoyer le comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail au rang de simple commission du comité d’entreprise, ce qui était le cas avant 1982.
Force est de constater le peu de succès de la délégation unique du personnel, instaurée en 1993, qui n’existe que dans un tiers des entreprises concernées.
Solidaires exige le maintien d’instances distinctes, y compris du fait que le nombre de sièges limite le cumul des mandats et permet d’assurer le pluralisme syndical.
Au contraire, le CHSCT doit voir sa légitimité renforcée via son élection directe ; il sera conféré au représentant syndical au CHSCT le statut de salarié protégé, qui sera aussi doté d’heures de délégation à l’instar des élus.
Chaque comité d’entreprise doit obligatoirement avoir un budget pour les activités sociales et culturelles ; la possibilité doit être donnée de verser le reliquat du budget de fonctionnement sur ce dernier.
Le personnel des entreprises sous-traitantes (c’est le cas pour 80 % des sociétés) dont l’effectif est inférieur à 50 doit aussi pouvoir participer à l’élection du CE de la société de son principal donneur d’ordre et être couvert par les prérogatives sociales et économiques de ce dernier.
Sur les sujets intéressant ces deux instances, une information-consultation commune pourra être organisée pour une meilleure synergie, chaque instance conservant ses possibilités d’expertise et de recours en justice.
Le droit aux expertises sera rétabli dans sa version antérieure à la loi du 14 juin 2013 (dite de sécurisation de l’emploi) et leur financement restera intégralement à la charge de l’entreprise, contrairement à la conception défendue par les patrons à la négociation.
Dans le champ de leurs prérogatives, CE, CHSCT et syndicats (pour ces derniers, selon la règle de l’accord majoritaire) se verraient dotés d’un droit de veto : l’employeur sera alors contraint de saisir le TGI qui se prononcera sur le bien-fondé de la mesure envisagée par ce dernier.
Assurer l’effectivité de l’exercice du droit syndical
LE MEDEF veut ajouter comme condition de désignation du délégué syndical son élection dans une instance.
Le représentant de section syndicale, qui exerce les mêmes missions que le délégué syndical (à l’exception de celle de négocier), aura autant d’heures que délégation que le DS car comment prétendre exercer ce mandat avec seulement 4 heures de délégation, que l’on soit dans une entreprise de 50 ou de 20 000 salariés ? Par homogénéité, le mandat de RSS central sera mis en place dans les entreprises à établissements multiples.
Face à la répression antisyndicale trop souvent répandue, la règle couperet empêchant la redésignation du même RSS en cas d’absence d’acquisition de la représentativité sera abrogée et le choix du DS doit revenir à l’organisation syndicale, indépendamment de la participation ou pas de ce dernier aux élections.
La première façon de valoriser l’expérience syndicale serait d’abord de pleinement permettre la poursuite d’une activité professionnelle tout en remplissant son mandat : cela peut passer par le remplacement du délégué lors de ses absences pour réunions et délégation.
Enfin, la sanction pénale liée au délit d’entrave, que le gouvernement veut supprimer pour le remplacer par un renchérissement des amendes, doit être maintenue car violer les prérogatives d’une instance ou d’un délégué ne sera qu’une question de coût.
Pour la reconnaissance du fait syndical et de son caractère interprofessionnel
Face aux montages plus ou moins sophistiqués mis en place par les patrons pour échapper à la mise en place des instances représentatives du personnel, la reconnaissance de l’UES doit être possible via la voie administrative, comme l’intégration des franchises dans les instances représentatives du personnel des sociétés ou enseignes donneuses d’ordre.
Il convient de clarifier la situation des locaux syndicaux mis à disposition par les collectivités locales.
Face à la barbarie capitaliste mondialisée et à la guerre sociale menée contre les salariés, il faut un syndicalisme puissant, par et pour les travailleurs, qui fait preuve de son efficacité pour les petites comme pour les grandes choses et véritablement interprofessionnel. Mais ne rêvons pas : ces mandats sont les fruits de périodes où le rapport de force, sur le plan social et/ou politique, est favorable au monde du travail. Donc ne nous lamentons pas mais organisons-nous !