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05 / 12 / 2024 | 104 vues
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Une médiation illustrée : la médiateure, l’employeur et le CSE

Sophie* est médiateure et intervient essentiellement sur des cas de médiation en entreprise. Ses missions concernent des conflits entre salariés, mais aussi entre salariés et direction ou entre direction et CSE, voire entre l’entreprise et des parties prenantes externes comme des clients ou des fournisseurs.


Suite à une assignation en référé par l’employeur de son CSE, le tribunal a proposé une information à la médiation à l’entreprise Boost* et son CSE. Sophie s’est acquittée de cette information en visioconférence auprès des deux parties qui ont marqué leur accord sur la mise en place d’une médiation.


Suite à cela, Sophie a eu un contact téléphonique plus approfondi avec la direction de Boost qui lui fait part de ses attentes.


La situation est la suivante : suite à l’élection d’un nouveau CSE, le syndicat majoritaire a rédigé un projet de règlement intérieur pour organiser l’activité du CSE. Dans le feu de l’action, la direction s’est laissée déborder et ce dernier a été adopté. Ce nouveau règlement contient des dispositions extra légales qui engagent des moyens supplémentaires que l’employeur ne veut pas accepter : un crédit de vingt-quatre heures supplémentaires de délégation syndicale mensuelle pour les membres du bureau, des panneaux d’affichage à certains endroits et la prise en compte des temps de trajets entre deux sites différents.


L’employeur a estimé que pour des raisons de délais, il était contraint d’assigner en justice, ce que le CSE a très mal vécu.

Sophie comprend que l’employeur vit également mal la situation de passage en force de la part du syndicat. Selon lui, ce projet a été proposé lors de la réunion du CSE sans concertation avec les autres élus. Il aurait proposé de ne pas voter et d’en discuter. Mais il y a eu un refus du syndicat majoritaire qui l’aurait fait adopter quand même. L’employeur se sent pris au piège dans un rapport de force dont il veut sortir.
Il souhaite aujourd’hui une médiation avec le CSE pour régler leurs différends et cheminer ensemble vers une solution.


Le même temps d’échange a eu lieu ensuite par téléphone entre Sophie et les représentants du syndicat majoritaire du CSE. Selon eux, ils ont proposé de discuter mais n’ont pas eu de réponse. Ils pensent tous que le climat social est délétère avec beaucoup de souffrance côté salariés. Ce constat a même donné lieu à une alerte pour risques psycho-sociaux dont le résultat a montré un certain nombre de points très sensibles sur lesquels il faudrait intervenir. Mais selon eux, l’employeur ne veut pas comprendre. Ils disent passer bien plus de temps à la délégation syndicale que ce qui est prévu et qu’il est difficile de concilier la charge d’élu avec celle du poste occupé. Ils se sentent en grande difficulté et pas entendus.


A l’issue de cet appel, ils acceptent également de rentrer en médiation pour tenter de débloquer la situation.


Sophie a proposé deux séances de médiation en plénière. Pour cela, elle a invité l’employeur et les représentants du syndicat majoritaire du CSE autour de la table. 


Aujourd’hui, elle vient pour la première séance au sein de l’entreprise dans un local à l’écart du passage des collaborateurs.


Lors de cette première réunion, se retrouvent autour de la table, le Directeur Général et la Directrice des RH pour l’employeur et le Secrétaire et le Trésorier du côté du CSE.


Sophie établit le cadre de la rencontre et les règles de communication. Elle fait signer aux participants un engagement d’entrée en médiation. A cette occasion, la confidentialité qui est un élément essentiel de la médiation est remise en question puisque les deux représentants du CSE souhaitent pouvoir en référer à leurs collègues. Après discussion, il est proposé de déterminer à la fin de chaque réunion ce qui restera confidentiel et ce qui sera partagé avec les autres. 


Ensuite, Sophie invite les parties à raconter l’une après l’autre ce qui s’est passé depuis l’élection du CSE et cette « fameuse » réunion pendant laquelle le nouveau règlement a été adopté. La vision négative des uns et des autres a la vie dure. L’employeur vit mal le fait qu’actuellement le règlement soit en vigueur. Selon lui, il y a de la part du syndicat majoritaire une logique de « destruction ». « Ils sont responsables du blocage ». Nous avons déjà passé beaucoup de temps à discuter, il faut trancher et avancer. »


Selon le CSE, il en est toujours ainsi avec la direction : « Elle ne nous respecte pas. Elle ne négocie pas, il faut qu’on se plie à leur point de vue. ». D’après eux, ce qu’ils demandent ne représente pas grand-chose compte tenu des bénéfices faits par l’entreprise et du travail qu’ils effectuent dans le cadre du CSE.


La tension est palpable, les échanges sont tendus, les visages crispés, le moindre soupir ou haussement de sourcil est interprété comme une menace. Par sa présence, son écoute, son questionnement et ses reformulations, Sophie permet aux parties de continuer à échanger malgré certains propos lourds de sens. Lors de la pause, elle en profite pour échanger séparément avec les parties afin de voir comment elles se sentent et où elles en sont. À la reprise, les parties reconnaissent que les évènements ont été vécus différemment par chacun et qu’il y a eu manifestement des « malentendus » et des « loupés de communication ».


L’atmosphère de la rencontre change de manière perceptible.


Peu à peu, les parties commencent à dialoguer et il en ressort qu’ils sont tous attachés à leur travail. Ils commencent à exprimer leurs besoins respectifs : reconnaissance, écoute, considération, sauver la face, collaboration, engagement et harmonie dans le cadre du travail. Des échanges francs, authentiques permettent de rétablir un dialogue constructif. 


Sophie les invite alors à émettre des options de solutions pour la suite sous la forme d’un remue-méninge afin de faire advenir plus facilement toutes sortes d’idées. Beaucoup d’options apparaissent. Mais après plus de trois heures de discussion, Sophie propose d’arrêter la réunion pour la reprendre dans deux jours.


Les parties s’entendent sur ce qui peut être relayé aux « absents ».


Deux jours après, les parties se retrouvent. La réunion débute par la reprise des options qui ont été émises. Elles sont discutées une par une. Certaines sont abandonnées et bientôt il ne reste que quelques propositions qui émergent et font l’objet d’un accord : l’acceptation de certains points au niveau de l’affichage, la prise en compte du temps de transport entre deux sites et l’octroi d’un crédit exceptionnel de huit heures supplémentaires au lieu des 24 heures demandées. 


Ces propositions constituent un premier signal vers le rétablissement de la confiance. Dans la foulée, le CSE propose de réviser avec la direction le règlement dans le cadre de réunions ultérieures. Interrogée par Sophie, les parties se déclarent confiantes dans leur capacité de le faire entre elles et s’engagent à favoriser dorénavant toute action de dialogue et de médiation afin d’éviter au mieux les éventuels futurs blocages.


Sophie arrive au bout de cette médiation. Ce fut intense pour tout le monde ! Les parties se déclarent satisfaites : « Merci pour cette médiation. C’est un bel outil, effectivement. Un collectif dont tous les membres se respectent peut relever tous les défis."


*Toute ressemblance avec une situation réelle n’est pas fortuite…

Article rédigé par Martine van der Wielen et Frédérique Voisard
Membres du Réseau des Médiateurs en Entreprise  
 

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