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Résultats EDF 2022 : une année noire prévisible
C’est malheureusement sans surprise qu’EDF vient de délivrer un résultat catastrophique de ses comptes 2022.
La dette de l’entreprise atteint désormais près de 65 Mrds € alors qu’elle était de près de 43 Mrds € en 2021, un Ebitda négatif de 5 Mrds € et un résultat net part du groupe également négatif de 17,9 Mrds €. Plusieurs raisons expliquent cette situation comptable désastreuse pour une entreprise «ordinaire», ce qui est loin d’être le cas d’EDF…
Un contexte exceptionnel en tous points
Les origines de ces résultats sont à la fois dues aux problèmes industriels, en passe de se résoudre et à la régulation imposant notamment à EDF de financer ses concurrents. Les retards pris dans les maintenances dus au Covid, la découverte de corrosion sur les tuyauteries cruciales pour la sûreté des centrales ont conduit à une production du parc nucléaire de 279 TWh d’électricité sur 2022. Nous sommes ainsi loin des 430 TWh produits en 2005, au moment de la mise en bourse de l’entreprise dont aujourd’hui tout le monde convient de cette aberration.
La production est ainsi tombée à 54 % de ses capacités avec le spectre d’un hiver dans le noir évité grâce à la mobilisation des salariés. La sécheresse s’est également mêlée à la raréfaction de l’énergie. Le parc hydraulique, seconde source d’énergie en France, a souffert de la météo avec une baisse de production de près de 20 %.
Tous ces facteurs ont conduit le pays à devoir importer de manière exceptionnelle de l’électricité. EDF a dû ainsi racheter à grands frais de l’énergie, avec un impact sur son Ebitda de 29Mrds €, pour combler son manque de production malgré l’apport exceptionnel de 5 Gigawatts d’ENR sur son réseau.
L’entreprise a également dû faire face à un retour massif de clients (plus de 680000 clients résidentiels) désireux, pour partie, de retrouver le tarif protecteur du TRVe et donc racheter de l’électricité sur le marché. Ce dernier a atteint un prix moyen de 400 €/TWh en 2022, très loin des coûts de production liés à notre mix énergétique français à 60 €/MWh (source Cour des comptes 2021).
Enfin, il faut rappeler à ces constats que l’entreprise est victime d’une régulation aberrante depuis plus de 10 ans avec le système de l’Arenh que notre fédération combat, via un recours juridique en cours, aux côtés des autres organisations syndicales de l’énergie. Cette dernière a largement contribué à creuser la dette de l’entreprise à près de 8,5 Mrds € rien que sur l’année 2022 et près de 3-4 Mrds chaque année.
Ces résultats interrogent sur les besoins nécessaires à l’entreprise de retrouver à la fois des marges de manœuvre, de devoir construire les nouveaux EPR2 (coût annoncé de 52 Mrds €) sur le sol français et maintenir son parc existant (100 Mrds € selon la Cour des comptes). L’entreprise doit également assumer pour grande partie le bouclier tarifaire et faire face à une trajectoire d’investissements importante afin d’assurer la Transition Energétique électrique du pays. Ce qui pose question quant au financement possible.
Différentes pistes évoquées dans les médias
Plusieurs possibilités sont en cours de réflexion, avec le recours :
- De l’emprunt bancaire de l’État,
- Aux investisseurs privés dont Total ne fait pas mystère de son grand intérêt. Ce dernier pourrait en échange bénéficier d’un droit de tirage et donc racheter à prix préférentiel des MWh sachant qu’il bénéficie de l’Arenh d’EDF depuis plusieurs années! Ce fut, par ailleurs, le type de dispositif employé dans le financement de Fessenheim où la conclusion fatale a conduit la France et donc EDF à devoir dédommager la Suisse et l’Allemagne.
- D’une partie des 375 Mrds € de réserves du livret A, ainsi détourné de sa vocation première dédiée au financement du logement social. Et ce n’est pas sans rappeler le scénario du démantèlement du groupe…
- D’un nouveau prélèvement sur les factures d’énergie alors que les Français sont déjà étranglés par l’augmentation des prix et l’inflation.
Ces évènements témoignent clairement qu’EDF est loin d’être une entreprise comme les autres. Elle ne peut plus se retrouver dans la situation schizophrénique de devoir financer sa propre concurrence, la transition énergétique avec des investissements en hausse et verser des dividendes à l’État.
Aucune entreprise ne vend à perte sa production, aucune entreprise n’est autant taxée tout en devant jouer des coudes sur un marché de l’énergie libéralisé, sauf EDF! Pour sortir de l’ornière, c’est toute une stratégie à la fois nationale et européenne de l’énergie qui est à revoir. Pour ces raisons, notre organisation syndicale revendique la création d’un Pôle Public de l’Énergie Décarbonée afin de reconsidérer réellement ce bien vital qu’est l’énergie pour la Nation.