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01 / 05 / 2025 | 55 vues
Eric Gautron / Abonné
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Protection sociale: la vérité à géométrie variable

Le 15 avril le Premier Ministre tenait une conférence de presse qu’il avait intitulée « La vérité permet d’agir » dans le but d’expliquer aux Français les efforts qu’ils allaient devoir fournir - à hauteur de 40 milliards dans un premier temps - dans le futur budget au regard de la situation financière dans laquelle nous nous trouvons.

 

Après le Conclave, il reste sur une dialectique religieuse avec en quelque sorte une vérité révélée et donc unique.


Pourtant la vérité est à géométrie variable.


Ainsi oublie-t-il de préciser qu’il pourrait facilement trouver les 18 milliards qu’il réclame aux Français via la Sécurité sociale tout simplement en allant y puiser un tout petit peu des 80 milliards d’exonérations de cotisations patronales.


Chacun donc sa vérité dans cette guerre des arguments. Le MEDEF pour sa part vient d’affirmer que les aides publiques ne sont que de justes compensations face aux contraintes administratives et au coût du travail.


Chacun sa vérité.

 

Celle de Force Ouvrière c’est de mettre fin à ces milliards d’exonérations de cotisations sociales qui ne cessent d’augmenter chaque année.

 

La vérité ce n’est pas de s’attaquer à la santé des Français en leur imposant des jours de carence. La vérité ne se trouve encore moins dans la remise en cause de notre Sécurité sociale, l’année de ses 80 ans, en émettant l’idée qu’on pourrait rembourser des soins en fonction de ses revenus.

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Déjà 80 ans ! L’assurance maladie construite, à la sortie de la Grande Guerre, constitue aujourd’hui l’objet d’une scène théâtrale.


Dans cette pièce de théâtre, les politiques et les économistes sont des acteurs et les assurés sociaux de simples spectateurs.


Et pourtant ! à l’origine, la Sécurité sociale était le domaine strictement réservé aux organisations syndicales et c’est dans ce sillage que la démocratie sociale de 1945 à 1967 et le paritarisme de 1967 à 1996 ont
connu leur essor.


Rappelons que le système a bien fonctionné sous l’égide des organisations syndicales pendant vingt-deux ans, soit de 1945 à 1967.


Aujourd’hui, notre paritarisme est menacé au profit d’une étatisation rampante voire envahissante qui ne cesse d’asphyxier notre système de santé.


L’assurance maladie reste et demeure au cœur des principes de solidarité, un legs de notre système de protection sociale. Cet acquis ouvrier de la sécurité sociale est d’ailleurs inscrit à l’article 11, alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose que la Nation : « garantit à tous, notamment à l’enfant, la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».


Cette égalité d’accès aux soins passe par une accessibilité financière des soins et suppose que les assurés peuvent accéder aux soins, sans être limité par leur coût. Aujourd’hui c’est 40% des Français qui renoncent à se faire soigner pour des raisons financières.

 

Cela ne surprend pas, puisque les droits des assurés sont constamment remis en cause, la liste est ici non exhaustive :


- Hausse du ticket modérateur de 30% à 40 % sur le dentaire,
- Doublement des franchises médicales et de la participation forfaitaire,
- Réforme du transport médical partagé,
- Baisse des indemnités journalières de Sécurité sociale,
- Menace sur l’Aide Médicale d’Etat,
- Menace d’instaurer une « taxe lapin »,
- Menace de supprimer le service médical,
- Atteinte au délai de carence en limitant à 3 jours la téléconsultation......

La Sécurité sociale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale

 

 

La création de la Sécurité sociale en 1945 marque l’aboutissement d’un long combat porté par les militants de la vieille CGT. Georges Buisson, figure historique de la CGT d’avant-guerre, rédige dès 1943 un projet très complet et ambitieux de sécurité sociale : gratuité des soins, couverture de tous les risques sociaux (maladie, vieillesse, famille) et surtout, une gestion autonome du système par les assurés eux-mêmes, sans intervention étatique.

Ce projet, pourtant novateur, est rejeté par l’Assemblée consultative d’Alger *, qui retient tout de même l’idée d’un plan de sécurité sociale, mais sous tutelle partagée.

Les syndicalistes continuent pourtant leur mobilisation. Malgré l’échec d’une tentative pour convaincre le général de Gaulle en 1944 d’adopter un plan calqué sur celui de Buisson, la dynamique est enclenchée.

Pierre Laroque (directeur général des assurances, puis de la Sécurité sociale) présentera d’ailleurs le 23 mars 1945 ce plan comme une révolution que nous voulons faire et une révolution que nous ferons.

Pour ses initiateurs, la sécurité sociale dépasse largement le cadre d’un simple système d’assurance ou de prévoyance. C’est avant tout un projet politique visant à instaurer des mesures non seulement réparatrices, mais aussi structurelles. Comme le soulignait là encore Pierre Laroque, la sécurité sociale dans son principe, dans ses idées directrices, c’est tout autre chose que les assurances sociales. La sécurité sociale veut être la garantie donnée à tous qu’ils auront toujours de quoi vivre dans des conditions décentes, quelles que soient les circonstances. Prise en son sens le plus large, la sécurité sociale implique donc la sécurité de l’emploi, elle implique la sécurité des gains, elle implique la sécurité de la capacité de travail et, par-là, une organisation de la prévention aussi parfaite que possible, elle implique aussi l’attribution de revenus de remplacement à ceux qui sont privés du revenu de leur travail. C’est donc à la fois une politique de l’emploi, une politique des salaires, une politique de santé publique, une politique de revenus individuels et familiaux. Les assurances sociales ne sont qu’un moyen entre autres d’atteindre ce but […] mais ce n’est qu’un procédé alors que la sécurité sociale est le but.

Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 viennent concrétiser cette ambition. Elles transforment profondément le quotidien des travailleurs en garantissant une protection uniforme sur l’ensemble du territoire et pour toutes les professions contre la maladie, la vieillesse et en faveur de la famille, à quelques exceptions près.

Cet acquis ouvrier de la sécurité sociale s’inscrit comme une modification positive et durable pour l’ensemble de la population. Il consacre aussi la reconnaissance du rôle des syndicats : les travailleurs obtiennent le droit de s’organiser, de cotiser et de gérer eux-mêmes leurs cotisations par l’intermédiaire des organisations syndicales.

Toutefois, des limites subsistent. Contrairement au projet initial de Buisson, l’État et les employeurs conservent une place dans la gestion des caisses, et le principe d’une caisse unique est abandonné. Malgré ces compromis, la Sécurité sociale s’impose comme une avancée sociale majeure, structurante pour la société française, et demeure le symbole d’une victoire historique du mouvement syndical.

Ce sont bien les futurs militants de la CGT-FO qui vont asseoir les bases d’une sécurité sociale avec à leur tête Georges Buisson, qui écrivait dans son rapport fondateur : Le problème qui se pose est celui d’une redistribution du revenu national, destinée à prélever sur le revenu des individus favorisés les sommes nécessaires pour compléter les ressources des travailleurs ou des familles défavorisées. Ce sera la base de la devise de la Sécu : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

* Créée par l’ordonnance du 17 septembre 1943 et ayant perduré jusqu’en 1945, cette assemblée représentait les mouvements résistants, partis politiques et territoires engagés dans la guerre aux côtés des Alliés. Placée sous la direction du Comité Français de la Libération Nationale (CFLN), elle avait pour mission de rendre des avis sur les décisions du CFLN.