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03 / 03 / 2020 | 68 vues
Valérie Forgeront / Membre
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L'effet des mesures socio-fiscales 2018-2020: une fiscalité qui pèse sur les ménages modestes

S’il fallait encore se convaincre du bien-fondé d’une augmentation générale des salaires, d’une revalorisation substantielle des minima sociaux ou encore de l’amélioration des retraites dans le cadre du système actuel, la lecture de la récente étude de l’OFCE/Science-Po sur l’effet des mesures socio-fiscales 2018-2020, notamment sur les ménages modestes, actifs, chômeurs ou retraités, n’aurait rien de superfétatoire...
 

Analysant en détail les conséquences des mesures fiscales et sociales de la loi de finances pour 2020 adoptée le 17 décembre dernier, quatre économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et de Science Po sont formels sur l’effet de ces mesures, qu’il faut d’ailleurs mettre en perspective avec celles décidées depuis 2018, précisent-ils. Quel serait alors l’effet des mesures décidées pour 2020 ? Les 15 % de ménages les plus modestes verront en moyenne leur niveau de vie amputé sous l’effet des réformes des allocations logement et chômage, assure l’étude.
 

Parmi les 25 % de ménages les plus modestes, 54 % seraient perdants quant à leur revenu disponible par ces mesures fiscales et sociales. Au final, plus de la moitié des ménages appartenant aux 40 % les plus modestes devraient perdre aux mesures du budget 2020.

 

Avantage aux plus riches

 

Si l’on prend en compte les mesures décidées en amont de celles en vigueur cette année, l’effet n’est pas non plus à l’avantage des ménages modestes. Ainsi l’étude publiée par l’OFCE et Science-Po le 5 février souligne ainsi que l’effet cumulé des mesures socio-fiscales de 2018 à 2020 reste très fortement marqué par le geste fiscal effectué en direction des ménages les plus aisés en début d’année 2018. Sur les 17 milliards d’euros de gains de pouvoir d’achat pour les ménages depuis 2018, plus de 4 milliards d’euros l’ont été aux 5 % de ménages les plus aisés. Au contraire, l’effet cumulé des mesures prises depuis le début du quinquennat devrait être négatif pour les 10 % de ménages les plus modestes.

 

Les économistes font notamment référence à la décision en 2018 de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de le transformer en impôt sur la fortune immobilière (IFI) seulement, ainsi qu’à la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30 % sur les revenus mobiliers en lieu et place des prélèvements auxquels ces revenus (impôt sur le revenu, prélèvements sociaux etc.) étaient assujettis. Alors que, par ses décisions, l’État a accepté de se priver de recettes (l’ISF en amenait environ 5 milliards d’euros par an), les ménages très aisés profitent donc largement des mesures fiscales depuis 2018.

 

L’étude souligne aussi que, du côté des prestations sociales, la désindexation des pensions de retraite au-delà de 2 000 euros devrait réduire le pouvoir d’achat des retraités de 0,7 milliard par rapport à 2019 (sous l’hypothèse d’une inflation hors tabac de 1 %). La ré-indexation des retraites jusqu’à 2 000 euros a en revanche permis d’éviter une perte de pouvoir d’achat de 1 milliard d’euros. D’autres mesures pèsent lourd sur le budget des ménages. Ainsi, la désindexation de certaines autres prestations et le changement du mode de calcul des APL devraient amputer le pouvoir d’achat des ménages de 1,5 milliard d’euros au total. La mise en place de la réforme des allocations chômage, elle, devrait réduire le pouvoir d’achat de près de 0,8 milliard d’euros.

 

Retraités et chômeurs malmenés

 

Globalement, sur la période 2018-2020, indique l’étude, l’ensemble des mesures socio-fiscales conduirait à augmenter le pouvoir d’achat des ménages de 17,3 milliards d’euros, principalement concentrés sur 2019. Certes, mais attention, avertissent les économistes : si l’on retire les mesures d’urgence qui étaient censées répondre au mouvement de contestation de l’hiver 2018 et celles issues du « grand débat », les gains de pouvoir d’achat liés aux mesures socio-fiscales auraient été nuls sur la période 2018-2020.

 

Ces 17 milliards ont-ils alors rempli leur rôle ? Pas vraiment, détaille l’étude, puisque plus du quart ont soutenu le revenu disponible des 5% de ménages les plus aisés. En revanche sur les 11,5 millions de ménages perdants sur la période 2018-2020, 1,9 million figurent parmi les 10 % de ménages les plus modestes.

 

Ces mesures socio-fiscales de 2018-2020 ont notamment douloureusement touché les chômeurs et les retraités. Ceux-ci ont été mis à contribution, notent les économistes remarquant que ces mesures ont amputé à hauteur de 0,5 % le niveau de vie des retraités seuls (-110 euros) et de 0,3 % celui des couples de retraités (-135 euros). Plus largement, constate l’OFCE, depuis 2018, les personnes seules au chômage et les retraités (en couple ou seuls) ont été mis à contribution à hauteur de 1,6 milliard d’euros.

 

Les entreprises, grandes gagnantes des mesures

 

Parallèlement, qu’en est-il de la fiscalité des entreprises sur cette période ? Les économistes qui rappellent d’abord qu’entre 2010 et 2018 les prélèvements obligatoires sur les ménages ont augmenté de 3,3 points de PIB et ceux pesant sur les entreprises de 0,2 point, soulignent que, malgré les baisses discrétionnaires de la fiscalité sur les ménages depuis deux ans, le taux de prélèvement obligatoire apparent sur les ménages en 2020 reste encore 2,3 points de PIB au-dessus de sa moyenne 1995-2010. À l’inverse, celui sur les entreprises est 0,9 point en-dessous...

 

À l’évidence et ainsi que le déplore la confédération FO depuis des années en pointant les multiples cadeaux fiscaux dont les entreprises bénéficient et les mesures d’exonération sur les cotisations qui amputent le salaire différé et diminuent les recettes de la Sécurité sociale, les récents gouvernements se sont livrés à une sorte de « calinothérapie » des entreprises. Or, ce choix ne s’est pour autant pas traduit par des augmentations substantielles de salaires ou des embauches massives sur des contrats pérennes.

 

Les économistes de l’OFCE remarquent qu’en 2019, le taux de prélèvement obligatoire sur les entreprises se réduirait nettement pour atteindre un plus bas niveau historique, principalement en raison de la transformation du CICE, c’est-à-dire la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en exonération de cotisations sociales patronales.

 

Une fois passé l’effet ponctuel de cette transformation, le taux de prélèvement obligatoire des entreprises augmente de 0,4 point de PIB, analyse l’étude, Toutefois, lorsque l’on neutralise les effets de versement différé du CICE, le taux de prélèvement obligatoire moyen apparent sur les entreprises diminuerait de 0,1 point de PIB.

 

Créé en 2013, le CICE a pesé pour plus de 100 milliards d’euros sur les comptes publics et sa phase de transformation l’an dernier a pesé pour 40 milliards. Au final, les aides aux entreprises s’élèvent chaque année à 140 milliards d’euros...

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