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La faiblesse de la croissance prend le pas sur l’inflation
Ombretta Signori, Directrice de la Recherche Macroéconomique et Stratégie chez OFI INVEST ASSET MANAGEMENT a bien voulu livrer ses réflexions sur le contexte général actuel et les évolutions qu'il peut sous-tendre....
DES FONDAMENTAUX AMÉRICAINS SOLIDES
La révision des comptes nationaux américains révèle une reprise encore plus forte depuis la pandémie que ce qu’indiquaient les données jusqu’à présent. Non seulement le PIB a été révisé à la hausse, mais le revenu des ménages a connu une révision plus importante que la consommation des ménages (et l’investissement) principalement en raison de l’augmentation des revenus d’intérêts et de dividendes, des revenus des entreprises et des rémunérations. Autrement dit, le taux d’épargne des ménages a été très sensiblement revu à la hausse.
Alors qu’il était auparavant à 2,9 % du revenu disponible, proche de ses plus bas historiques, il apparaît aujourd’hui à 4,8 %, dans la moyenne historique entre 2000 et 2019. Il s’agit d’une bonne nouvelle, car la vigueur récente des dépenses de consommation reflète principalement la croissance des revenus réels, et non une augmentation insoutenable des emprunts ou une baisse de l’épargne.
LE MARCHÉ DU TRAVAIL EST LA VARIABLE CLÉ…
Or, malgré un revenu réel supérieur à 3 % en glissement annuel en 2024, la confiance des ménages s’affaiblit, essentiellement parce que les emplois sont moins nombreux et plus difficiles à trouver.
Dans ce contexte, il est logique de s’attendre à une normalisation de la consommation, mais sans effondrement tant que les bilans sont sains. Néanmoins, nous sommes proches d’un point d’inflexion : une nouvelle baisse des positions ouvertes pourrait s’accompagner d’une hausse du taux de chômage, faisant ainsi du marché du travail la variable clé à surveiller dans les prochains mois.
…QUI DICTERA LE RYTHME DE BAISSE DES TAUX
En choisissant de démarrer l’assouplissement monétaire avec 50 points de base, les taux directeurs passant de 5,5 % à 5,0 %, la Fed manifeste sa volonté d’assurer une transition en douceur pour l’économie. Si tout se passe comme prévu, les taux des fonds fédéraux devraient se situer autour de 3 % en deuxième partie de 2025, c’est-àdire autour de la neutralité.
BAISSE DE LA BCE EN OCTOBRE ?
En zone Euro, les enquêtes conjoncturelles restent mal orientées, et le secteur des services semble également s’essouffler après l’effet estival des JO. Dernièrement, les enquêtes ont eu tendance à sous-estimer la croissance par rapport aux données dures. Néanmoins, l’activité ne devrait pas accélérer d’ici la fin de l’année. Les nouvelles positives arrivent de l’inflation, passée en septembre sous la barre des 2 % pour la première fois depuis 2021 !
La composante énergétique y a bien contribué, mais l’inflation des services a également baissé plus qu’attendu dans certaines des plus grandes économies de la zone.
En perspective, le reflux de l’inflation devrait soutenir la confiance des ménages et alimenter la consommation. En effet, selon un modèle publié récemment par la BCE(1), la hausse de l’inflation et des anticipations d’inflation a été la première cause de la baisse de la confiance des consommateurs par rapport à la période précédant l’invasion de l’Ukraine, devant les effets négatifs de la hausse des coûts d’emprunt conjuguée à la baisse des prix de l’immobilier.
Face aux dernières données, le discours de la BCE a évolué : même les membres du directoire habituellement les plus attentifs à l’inflation disent que la BCE ne peut plus ignorer la faiblesse de la croissance(2).
Désormais, une baisse des taux lors de la réunion d’octobre est plus probable, alors que nous nous attendions plutôt à une prochaine baisse seulement en décembre.
(2) Schnabel, “Escaping stagnation: towards a stronger euro area”, 02/10/2024