Organisations
Open space : la découverte d’une 4ème dimension.
L’existence de « syndromes collectifs inexpliqués » a été mise en évidence par l’Institut de veille sanitaire. Comment résoudre un problème dont l’origine n’est pas identifiée ? « Syndrome collectif inexpliqué » : c’est le nom que l’Institut de veille sanitaire (InVS) vient de donner à toutes ces formes de mal-être répandues de manière épidémiologique dans nos lieux de travail, et dont on a du mal à comprendre vraiment l’origine. Cette terminologie qui avoue la défaite de la science est loin d’être rassurante, car reconnaître que des phénomènes de pathologie collective soient inexpliqués ne permet pas d’avancer dans la résolution des symptômes.
Faut-il y voir la manifestation de l’irrationnel dans notre santé ? Faut-il s’en remettre à un fatalisme désespéré, et ne rien faire pour aller mieux ? Ce serait désavouer tous les efforts mis en œuvre pour favoriser le bien-être au travail, et prendre le risque de laisser se répandre par facilité toutes les formes de pathologie qui, elles, ont une explication. Pourtant, l’InVS a fait le constat qu’un nombre important de ces phénomènes n’est pas provoqué par un mécanisme simple d’interaction entre l’environnement physico-chimique et les processus biologiques. Et pourtant, en dépit de l’intangibilité de leur cause, ces phénomènes de mal-être peuvent prendre une ampleur inattendue.
C’est pour cela que l’InVS a publié en septembre un guide sur les diagnostics et la prise en charge des syndromes collectifs inexpliqués, destiné aux agences régionales de santé (ARS), laboratoires d’expertise environnementale et autres services d’hygiène et de santé, afin de sensibiliser les professionnels de santé et les intervenants de première ligne à l’influence des facteurs psychosociaux (les non-dits, les sources de stress, les croyances collectives, le mimétisme émotionnel etc.).
- En une cinquantaine de pages, le guide divisé en trois parties présente les notions de base et les éléments pour un diagnostic, puis donne une méthode pour l’évaluation de la situation et enfin propose une aide à la gestion de ces phénomènes collectifs. Cinquante pages supplémentaires sont annexées pour la fourniture de documents pratiques et opérationnels, tels que des questionnaires d’investigation à adresser aux utilisateurs (en diagnostic et en sortie de crise), des grilles d’entretiens pour recueillir les aspects psychosociaux, des fiches de mesurages, ou encore des aides-mémoires pour la visite de site.
Mais enfin, comment résoudre un problème si l’origine n’est pas identifiée ?
S’il semble qu’il n’y ait pas de cause organique, ni d’autre facteur scientifique objectivement mesurable, les sujets atteints peuvent toutefois avoir une opinion sur la raison pour laquelle ils sont malades. Cette opinion, plus ou moins partagée par l’ensemble de la collectivité, peut confiner à la croyance et devenir, de ce fait, difficile à réfuter (contrairement à une théorie scientifique). Généralement, ces épidémies sont déclenchées par un élément particulier, qu’une recherche sur la chronologie des faits permet d’identifier. Il peut s’agir de la perception d’une odeur particulière (de gaz, de produits chimiques, d’oeuf pourri etc.), dont l’origine est indéterminée et qui peut laisser penser que l’atmosphère est devenue malsaine. Il peut également s’agir d’une perturbation de l’environnement engendrée par des travaux, créant soit du bruit, soit de la poussière, soit des modifications sensibles et potentiellement perçues comme nuisibles. Enfin, l’épidémie peut encore être déclenchée par une personne de la collectivité, qui, tombant malade, nécessite l’intervention des services de secours.
L’inquiétude générée par cette intervention, et son côté spectaculaire, peuvent entraîner dans la collectivité l’apparition d’autres cas de malaises.
- Dans ces divers cas, les symptômes sont déclenchés par un effet nocébo, c’est-à-dire par l’auto-persuasion d’être victime d’un mal identifié. On a ainsi pu observer l'apparition de troubles chez des riverains d'une antenne-relais de téléphonie mobile, alors même que l'installation n'avait pas encore été mise en service.
Les symptômes peuvent être assez variables d’une personne à l’autre, y compris au cours d’un même épisode épidémique. Ces symptômes sont généralement peu spécifiques, souvent seulement subjectifs ; l’examen clinique des personnes qui se plaignent ne révèle pas d’anomalie objective et les résultats des examens complémentaires pratiqués sont normaux. Non seulement il n’y a pas d’explication, mais de plus il n’y a même pas de mal !
Et pourtant, les travailleurs se disent bel et bien malheureux. Comment faire face à une telle situation ubuesque ? Les plaintes peuvent concerner différents organes et sont souvent polymorphes, allant de la fatigue aux nausées en passant par les démangeaisons, les irritations cutanées, ou les difficultés respiratoires. Fortement contagieux, les symptômes se disséminent dans la collectivité par « le son et la vue ». Cela signifie que les personnes deviennent malades après avoir vu une personne malade ou après en avoir entendu parler, et l’épidémie progresse à la vitesse de la rumeur. Si des dispositions personnelles peuvent être liées, le déclenchement de tels symptômes est généralement lié au contexte. Un cadre de travail mal vécu par le personnel entraînera des suspicions. Plus généralement, toute perturbation est susceptible de déclencher des réactions de somatisation. Un environnement perçu comme dégradé (la présence d’un chantier, une mauvaise ergonomie du poste de travail tels que lumière, bruit, hygrométrie, ventilation, etc.) et un contexte sociologique tendu (des conflits sociaux sous-jacents, des mauvaises conditions de travail, des rapports hiérarchiques problématiques, des situations de management défectueux etc.) seront mis en cause au premier signe de mal-être. De là, s’ensuivra une réaction de contamination en chaîne difficilement contrôlable.
Pour arrêter un tel phénomène, l’InVS préconise une appréhension globale, au moyen d’intervenants de diverses disciplines, pour tenir compte de l’aspect multifactoriel du problème. Après analyses de données objective (taux d’occupation des locaux, mesure de la lumière, qualité de l’air etc.) puis des données sociologiques et psychologiques, il s’agira de mettre en place une prise en charge médicale, une prise en charge psychosociale, accompagnées d’un indispensable travail de communication afin d’anticiper les questions, d’apporter des réponses avec des exemples concrets, d’identifier les interlocuteurs. Enfin, un retour d’expérience est nécessaire pour accompagner la sortie de crise et prévenir les rechutes. Était-il besoin d’écrire cent pages pour signaler que la communication et la prise en compte des facteurs psychosociaux étaient nécessaires à l’obtention d’un contexte de travail sain ? L’intervention de l’InVS à ce sujet a le grand mérite d’avertir que les syndromes collectifs inexpliqués sont des phénomènes multifactoriels où la dimension psychosociale joue un rôle déterminant au niveau de la genèse, de la diffusion, de l’amplification et de l’extinction des symptômes. Le mal-être au travail se déclenche au sein du collectif, mais se résout aussi par le collectif. Car l’entreprise est un être qui dépasse la somme des individus qui la composent, et elle peut tomber malade sans que les collaborateurs soient objectivement touchés, et pourtant, ils finiront par dépérir…
- Santé au travail parrainé par Groupe Technologia