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24 / 11 / 2025 | 11 vues
Christian Babusiaux / Membre
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Transformer les ARS ne doit pas signifier affaiblir l’État, mais le rééquilibrer.

ARS, Préfets, Conseils départementaux : articulation, efficacité, proximité


À l’heure où le Premier ministre évoque une transformation profonde des AgencesRégionales de Santé (ARS), une évidence s’impose : la crise de confiance entre l’État, les
professionnels et les citoyens ne pourra être résolue sans un changement radical de méthode.

 

Cette réforme n’est pas simplement administrative. Elle engage notre capacité collective à garantir l’égalité d’accès aux soins, la dignité des personnes et notamment
des plus fragiles et la cohérence d’un système éclaté entre sanitaire, social et médico-social.


Pendant plus de quinze ans, les ARS ont porté la lourde responsabilité de réguler le système de santé, de gérer les crises – en particulier celle du Covid – et d’organiser la
planification sanitaire et médico-sociale.

 

Par rapport à l’organisation antérieure, elles ont constitué une amélioration d’ampleur. Leur rôle a été essentiel, mais leur positionnement au croisement de l’expertise technique et de la décision politique a souvent été source de tensions pour des motifs fréquemment invoqués : centralisation excessive, distance avec les acteurs de terrain, lenteur des procédures, capacité limitée à intégrer les besoins sociaux et médico-sociaux dans une vision globale des parcours.



La volonté du gouvernement de regrouper en son temps les régions sans modifier le rôle des délégations départementales des agences a contribué à accroître la complexité et à renforcer le manque de lisibilité.

 

Le souhait aujourd’hui de rapprocher certaines décisions du terrain répond à un besoin manifeste. Chacun peut s’accorder à penser que la prévention, l’autonomie, la prise en charge de la dépendance ou l’organisation des parcours complexes doivent s’inventer au plus près des territoires. Les départements, les
communes, les établissements, les caisses locales d’assurance maladie et d’allocations familiales, les associations, les professionnels, disposent d’une connaissance intime des réalités auxquelles sont confrontés les habitants. Leur redonner capacité d’agir et responsabilité, c’est leur redonner un rôle stratégique dans la construction de solutions adaptées.


Une réforme d’une telle envergure doit éviter des écueils majeurs.

 

Confier massivement des responsabilités aux départements sans péréquation robuste, ce serait accepter que certaines populations soient mieux protégées que d’autres. Disséminer des compétences jusque-là concentrées au sein des ARS sans préserver une capacité nationale forte de pilotage de la politique de santé, de surveillance et de gestion des crises, ce serait fragiliser la protection sanitaire et sociale du pays.

 

Multiplier les acteurs décisionnels sans clarifier les responsabilités, ce serait accentuer la fragmentation d’un système déjà illisible pour les usagers.


Nous devons donc collectivement refuser les faux dilemmes et les faux-semblants. Il est possible – et nécessaire – de concilier proximité territoriale et cohérence nationale. Le pays a besoin d’une gouvernance repensée, articulant un État stratège qui fixe le cap, les normes essentielles, par exemple de sécurité, les objectifs et les garanties d’égalité, et des collectivités en capacité réelle d’agir, dotées de moyens, de compétences, et évaluées sur les résultats pour les citoyens.

 

Il ne s’agit ni de centraliser davantage, ni de territorialiser sans garde-fous : il s’agit de reconstruire une puissance publique distribuée, capable d’agir vite, juste et au plus près des personnes.
 


Pour cela, trois principes doivent guider l’action.

 

D’abord, s’agissant d’une réforme d’une ampleur considérable et engageant l’avenir de nos concitoyens, sur un sujet essentiel pour eux, expérimenter avant de généraliser, comme cela a été prévu par l’article 51 du PLFSS 2018 pour proposer de nouvelles organisations de prise en charge et de modes de financement en permettant de déroger aux règles de droit commun pour innover.


L’hétérogénéité des besoins et des capacités impose de tester, au sein de territoires volontaires, de nouveaux modèles de coopération entre ARS réinventées, collectivités, préfets et sécurité sociale. Ensuite, protéger les missions qui garantissent l’unité sanitaire du pays : veille épidémiologique, gestion des crises, autorisations critiques. Enfin, associer systématiquement les professionnels et les usagers à la conception et à l’évaluation des politiques territoriales : aucune réforme ne réussira sans eux.

 


Transformer les ARS ne doit pas signifier affaiblir l’État, mais le rééquilibrer.

 

Cela ne doit pas opposer régulation et proximité, mais les articuler. Cela ne doit pas promettre un changement symbolique, mais une refondation pragmatique des responsabilités et des moyens.

 

La question n’est pas seulement « qui décide ? », mais « comment décide-t-on ensemble ? ».


Cette réforme peut être l’occasion d’une avancée majeure : une gouvernance intelligible, lisible, soutenable, qui rassemble autour de la priorité unique qu’est la qualité des
parcours et des vies.


À condition d’assumer une ambition simple : faire de la proximité non un slogan, mais une capacité réelle, organisée, soutenue, évaluée. En somme, refonder la puissance publique pour la rapprocher, enfin, de celles et ceux qu’elle doit servir.


C’est en ce sens que le Cercle de la Réforme de l’État a mené des travaux sur le champ des personnes âgées et du handicap et poursuit sa réflexion avec tous les acteurs sur celui de la santé pour que l’État soit fort et légitime là où c’est attendu et nécessaire.

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