Organisations
[Quels élus pour demain ?] Pour que les temps de représentation ne soient pas masqués
Un élu qui prend ses heures de délégation, participe aux réunions du CSE ou assiste un salarié n'est pas un salarié absent, qui coûte à l'entreprise. C'est le message que diffusent des directions. Pas toutes. Retrouvez la synthèse du premier direct du cycle “Quels élus pour demain ?”, porté le 12 novembre par Sextant Expertise.
Que recouvrent les temps de représentation d'un élu du personnel ? Ce sont les heures de délégation, mutualisable, pour notamment préparer les dossiers. En cas d'enquête paritaire pour accident grave, c'est du temps complémentaire qui vient s'ajouter. Le temps passé en réunions de l'instance ne se décompte pas des heures de délégation. A cela s'ajoutent les heures de délégation strictement syndicales pour préparer les négociations, sans, là encore, prendre en compte le temps passé en négociation.
Les solutions de gestion RH intègrent la gestion de ces temps spécifiques. L'approche se veut avant tout comptable, elle sous-entend que les heures de délégation soient déclarées par les élus. Voilà pour la théorie car la pratique est différente. Dans beaucoup d'entreprises, les directions ne relèvent pas ces temps, du moins de façon centralisée au niveau des DRH.
Sous utilisation
"Les élus ont tout intérêt à pointer les heures passées pour avoir une trace opposable de leur l'activité en sachant qu'il n'ont bien entendu pas à rendre compte de qu'ils font. Sur les postes de production où l'on travaille en équipe, c'est d'autant plus indispensable car il y a un coût lié à ces temps de représentation. Ne pas mettre les choses au clair est une source potentielle d'incompréhensions et de tensions, notamment parce que ce temps de représentation varie selon les équipes", souligne Olivier Collet, formateur chez Sextant Expertise et ex élu. Et celui-ci d'ajouter, "on fait le constat d'une sous utilisation des heures de délégation face à la pression opérationnelle qui s'exerce sur les élus. Pointer ce temps est l'occasion d'affirmer le droit à le prendre pour représenter les salariés". Des élus qui n'ont pas à prendre sur leur temps personnel pour tenir leur mandat.
Organisation du travail
Pointer les heures dans un outil de suivi d'activité centralisé n'est pas exclusif du besoin de poser les conditions de leur intégration au quotidien dans l'organisation du travail des collectifs où travaillent les élus. Concrètement, comment faire en sorte que la première ligne managériale soit en capacité de comprendre l'intérêt de ces temps ?
"L'importance du rôle des représentants est clairement posée dans la formation de tout l'encadrement. Nous avons fait le choix de la confiance en ne cherchant pas à pointer les temps mais cela sous entend que le management et les élus puissent en parler pour concilier activité opérationnelle et activité représentative", explique Virginie Linard, DRH de UpCoop où le fait syndical est par exemple affirmé lors des journées d'intégration des nouvelles recrues.
Pour concilier au mieux l’activité opérationnelle et l’activité représentative mieux vaut que les DRH partagent avec l'encadrement l'agenda des réunions du CSE, que les élus posent leurs heures de délégation dans les plannings de leur équipe de rattachement et que l'encadrement intègre les aléas de la vie sociale de l'entreprise....
Sur la structure de tête du groupe Crédit Agricole (2000 salariés), la DRH ne pointe pas non plus les heures des élus. "Nous passons le message à tous nos élus pour qu'ils prennent toutes leurs heures de délégation, en privilégiant les demi-journées, avec l'idée d'assurer la continuité opérationnelle", explique Danièle Lavole, déléguée syndicale CFDT au groupe Crédit Agricole qui rappelle l'importance de l'entretien de prise de mandat pour poser le cadre tout en avertissant qu'il fallait prévoir une période d'adaptation pour caler la nouvelle organisation du travail.
Collectif en surcharge
Chez Worldline, la DRH demande en revanche aux élus de pointer leurs heures. L'occasion de confirmer la part importante des heures non prises du fait de la surcharge de travail qui pèse sur les équipes. "Je suis désormais permanent et je n'ai pas été remplacé dans l'équipe de 4 personnes à laquelle j'étais rattaché alors même que la charge n'a pas diminué", illustre Benjamin Piraud, délégué syndical central adjoint CFTC chez le spécialiste des solutions de paiement en ligne. Selon lui, "la meilleure façon de mettre les élus en position de prendre leurs heures est de contribuer à donner un sens à ce qu'ils vont en faire. C'est de ma responsabilité". Lors des négociations critiques comme une RCC par exemple, la direction de Worldline n'hésite pas en revanche à faire passer le message aux managers de donner tout le temps nécessaire aux équipes syndicales impliquées.
C'est certainement dans les entreprises de services du numériques (ESN) que la problématique des temps de représentation est la plus prégnante. "Les directions qui détachent des consultants chez les clients les "vendent" à 100 %, même quand ils sont élus. Cela pose donc souvent un problème quand le client découvre qu'un consultant prend ses heures. C'est pourtant bien à l'employeur qu'il incombe d'aménager le poste. Finalement, ces profils se retrouvent souvent sans mission, sur des intercontrats qui perdurent. Ils occupent alors, sans le vouloir, un temps plein syndical. Ce n’est pas satisfaisant", explique Xavier Burot, secrétaire fédéral CGT Bureaux d'études techniques et de conseil qui propose que les consultants porteurs de mandats interviennent en renfort des équipes en place chez les clients, sans être à 100 %. Une solution acceptée par de trop rares directions.