Les mesures d’austérité conduisent toujours à une triple faute : politique, économique et sociale
Ce fut effectivement un discours de politique générale auquel s’est livré le Premier ministre le 1er octobre. Deux raisons, selon moi, l’expliquent. D’abord le fait que politiquement son chemin suit une ligne de crête et qu’il faut mieux éviter les faux pas. Ensuite il serait incongru d’annoncer des mesures précises et chiffrées alors que le projet de budget va être prochainement discuté et que le premier ministre entend respecter le rôle et le débat parlementaires.
Dans ce contexte pour le moins fragile et révélateur d’une crise démocratique la principale rupture dans le discours vise la méthode. En opposition avec la logique verticale facteur de mépris, d’isolement, d’incompréhension, donc d’erreurs de jugement et d’action, le nouveau Premier ministre entend redonner vie au dialogue en respectant les interlocuteurs sociaux ou les collectivités locales, tous ceux qui constituent ce que l’on nomme parfois maladroitement les corps intermédiaires. Comme le disait l’un de mes prédécesseurs syndicaux il va donc y avoir du grain à moudre.
Plusieurs dossiers sont sur la table dont l’assurance chômage et les retraites où il est essentiel que le paritarisme de négociation et de gestion reprenne la main. Au passage il serait aussi important dans la période que les interlocuteurs sociaux s’emparent de dossiers structurants tels que l’IA ou l’organisation du travail.
D’une certaine façon Michel Barnier a aussi intérêt à ce que les négociations sociales aboutissent, ce qui évitera des passages au Parlement ou les facilitera.
Dans l’immédiat l’un des sujets brulants est celui du budget 2025.
Dans un monde trop libéralisé et financiarisé- oubliant que le capitalisme ne peut servir le progrès et la démocratie que s’il est régulé et encadré- voir la dette publique s’envoler conduit à des taux d’intérêt plus élevés. Déjà, du fait de l’erreur de la dissolution et de ses conséquences, la France emprunte à des taux supérieurs à la Grèce et le coût annuel des intérêts payés grimpe à 60 milliards d’euros.
Sans être dogmatique des normes budgétaires imposées, il n’en reste pas moins que la réduction des déficits est une nécessité et qu’elle est d’autant plus difficile que la croissance économique est faible. Le risque est double : freiner encore la croissance et aggraver la situation économique et sociale, laisser se développer les inégalités et l’injustice.
Une bonne méthode consisterait à définir le rôle et les missions du service public, à faire des évaluations et à prendre les décisions en conséquence et concertation.
Cela demande du temps, un temps dont les politiques n’ont plus l’habitude tant leur calendrier est rythmé par les échéances électorales à court terme. Dès lors le risque est grand qu’en matière de dépenses publiques la logique du rabot soit encore retenue, avec toutes les conséquences dévastatrices auxquelles elle a déjà donné lieu en termes de qualité et d’efficacité du service public.
Les premières annonces sont d’ailleurs plutôt inquiétantes.
En matière fiscale seuls les plus fortunés (citoyens et entreprises) devraient être temporairement mis à contribution, ce qui se veut comme un signe de justice eu égard aux efforts demandés par ailleurs. Mais là encore cela ne devrait pas exonérer d’une réflexion d’ensemble sur le système fiscal afin de le rendre plus efficace, ce qui passe par de la justice et de l’équité. Mais là encore il faut accepter de se donner du temps.
Si les décisions prises conduisent à de l’austérité, ce serait une triple faute : politique, économique et sociale. Mieux vaut ne pas rééditer les erreurs du passé, ce qui suppose de piloter en regardant loin et sans oublier des coups d’œil réguliers dans le rétroviseur.