Organisations
Deux patronats contradictoires en santé au travail
Avec son accord et celui de la publication liaisons sociales, citons ci-après l'article du Dr Anne-Michèle Chartier, présidente du syndicat CFE-CGC santé au travail, dont l'une des conclusions est la constatation qu'il existe deux positions patronales apparemment contradictoires l'une (celle des entreprises) qui réclame une prestation médicale socle des services de santé au travail et l'autre (des directions de service) qui s'ingénie à ne pas rendre attractifs les services pour ne pas avoir de médecins attractifs. C'est moins coûteux. Cela rejoint une initiative réalisée il y a quelques années lorsque je présidais le syndicat. J'avais acheté des encarts publicitaires dans les principales revues de la profession, pour y publier l'annonce suivante :
- « Jeune médecin du travail diplômé cherche emploi, région indifférente ».
La surprise a été de ne pas avoir reçu de réponse.
Interview du Dr Anne Michele Chartier par Gilmar Sequeira Martins, journaliste à Liaisons Sociales Magazine
Loi sur la « santé au travail » : « Faut-il supprimer les visites médicales ? »
Alors que les décrets d’application de la loi du 2 août 2021 sur le renforcement de la prévention en santé au travail doivent être bouclés avant la fin du mois de mars, Anne-Michèle Chartier, présidente du syndicat général des médecins et des professionnels des services de santé au travail CFE-CGC, livre une analyse sans fard de la situation.
Les dispositions prévues par la loi du 2 août 2021 sur le renforcement de la prévention en santé au travail sont-elles de nature à améliorer la situation ?
Anne-Michèle Chartier : Depuis 2012, le délai entre deux visites médicales est passé à deux ans, puis à cinq ans et il existe toujours un déficit de médecins et des services de santé au travail qui ne remplissent pas leurs obligations. Que veulent les services ? Des visites tous les dix ans ? Faut-il supprimer les visites médicales ? Cela donne l’impression d’un système en vase clos : les employeurs cotisent mais il y a de moins en moins de médecins et le service n’est pas rendu. Ils se demandent à quoi les cotisations peuvent bien servir. Charlotte Lecocq avait proposé une structure étatisée avec une agence nationale ; les employeurs ont tout fait pour garder la structure associative des SPST. Mais si l’organisation mise en place par la loi du 2 août ne suffit pas, il faudra passer à un autre système. Si les SPST ne rendent pas le service attendu, si le suivi individuel des salariés n’est pas assuré et si les DU et les fiches d’entreprises sont faits sans aucune visite d’entreprises, tout cela ne sert à rien. À quoi bon payer pour des services sans aucune utilité pour améliorer la prévention des risques pour les salariés ?
Les décrets d’application de la loi du 2 août 2021 doivent être conclus avant le 31 mars 2022. Cette échéance sera-t-elle tenue ?
A.-M. C. : Je suis raisonnablement optimiste mais des inquiétudes subsistent sur les décrets. Nous constatons des choses bizarres. Alors que toutes les organisations syndicales s’y étaient opposées, la Direction générale du travail (DGT), pendant la crise sanitaire, a élaboré un décret permettant aux infirmiers de réaliser les visites de reprise alors que l’ANI de décembre 2020 a bien précisé que ce n’était pas leur rôle. Par ailleurs, que les visites d’embauche et les visites périodiques aient été reculées une première fois, puis une seconde pour cause de confinement peut être compréhensible mais la DGT a une nouvelle fois repoussé ces visites par décret sans avancer aucun indicateur pour justifier sa position. Cela signifie-t-il que les visites ne servent à rien puisque l’on peut les repousser encore et toujours ? Il y a là l’effet d’une influence qui n’est pas claire. Je rappelle qu’une directive européenne institue le droit pour chaque salarié à accéder à un médecin du travail, pas à un infirmier.
Quelles évolutions attendez-vous ?
A.-M. C. : Aujourd’hui, il existe deux attitudes contradictoires : d’un côté le patronat qui négocie l’ANI avec une offre socle pour contraindre les SPST et, de l’autre, des services de santé au travail qui forment les infirmiers a minima, qui ne rendent pas les SPST attractifs pour recruter des médecins et qui n’arrivent donc pas à remplir leurs missions. À terme, cela pose la question de leur devenir. Les employeurs ont des questions sur la santé au travail et ils ont besoin de savoir si les salariés peuvent ou non exercer certaines activités. Si la santé au travail et les tableaux de maladies professionnelles existent, c’est que le travail rend malade.
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