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21 / 10 / 2021 | 663 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Enquête harcélement

Harcèlement : quelle complémentarité entre les enquêtes des employeurs et celles des CSE ?

Quand l’employeur déclenche une enquête interne après une alerte pour harcèlement, c’est pour trouver la faute et sanctionner tandis que celle du CSE vise à prévenir sans chercher le coupable. Les retours d’enquête partagés lors du direct du 24 septembre, parrainé par Impact Études, ont permis d’éclairer cette complémentarité parfois source de confusion.


Un employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser le harcèlement dès lors qu’une alerte lui est rapportée. Il doit alors mener sa propre enquête pour évaluer la situation, caractériser les faits et engager les éventuelles poursuites disciplinaires, avec la possibilité de se porter partie civile dans le cadre d’une éventuelle action pénale engagée par les victimes. Mais l’employeur se trouve être aussi impliqué dans l’enquête paritaire que le CSE peut lancer simultanément. Là, la démarche vise à mieux comprendre l’exposition au risque pour mieux le prévenir. La frontière entre ces deux types d’enquête est d’autant moins évidente qu’elles se chevauchent et que celle menée paritairement à la demande du CSE peut servir de support pour nourrir des  arguments juridiques, tant du côté de la défense que de celui des parties civiles.
 

Méthodologie stricte
 

« Il faut souvent rappeler aux représentants des salariés comme à ceux de la direction susceptibles de participer à l’enquête paritaire du CSE déclenchée dans le cadre d’une alerte pour harcèlement qu’ils ne sont pas là pour démasquer un coupable », souligne Stéphane Roose, directeur associé d’Impact Études (groupe JLO). Le respect d’une stricte méthodologie s’impose pour à la fois respecter le droit au contradictoire pour le présumé coupable et ne pas biaiser le recueil des informations. Un guide d’entretien peut être proposé aux représentants de la direction et des salariés qui participent à l’enquête du CSE. « Un comportement harcelant doit être sanctionné dans les deux mois. Si une direction se rend compte qu’elle a laissé passer de tels comportement, elle doit s’interroger sur son incapacité à appliquer les règles au bon moment. C’est là le sens de l’audit organisationnel que nous menons dans une entreprise dont la direction voulait se séparer d’une salariée mais le dossier disciplinaire qui aurait été porté reposait sur des comportements prescrits », précise Stéphane Roose qui considère que l’enquête paritaire permet de « sortir par le haut ».
 

Sortir par le haut
 

À l’instar de la  démarche menée chez le bailleur social Orvitis, une société de 200 personnes dans laquelle une situation de relations dégradées est apparue dans une agence. Suite à une altercation avec un membre de son équipe, une responsable a déclaré un accident du travail. Une enquête paritaire a donc été votée CSE pour faire la lumière sur les causes et les racines des tensions. La conduite de celle-ci a été menée par Impact Études. « La sanction n’aurait rien réglé et ne relevait pas de l’enquête paritaire ou de l’expertise. Le travail d’enquête nous a permis de mieux comprendre la source des dysfonctionnements organisationnels, sans chercher des responsabilités individuelles. C’est là l’intérêt d’une intervention externe que de savoir garder le recul nécessaire. Dans l’agence en question, nous avons fait en sorte de recréer les liens dans le collectif avec de la médiation, tout en proposant un coaching individuel à la personne responsable de l’agence qui a pris une nouvelle fonction. L’enquête a montré que l’agence s’était scindée en deux clans opposés. Les premiers résultats sont encourageants mais cela reste fragile. C’est toute la difficulté de la mise en œuvre et du suivi des plans d’action en matière de prévention », souligne Sylvain Blondiaux-Douarche, responsable de la santé au travail chez Orvitis, ex-médiateur avec les bailleurs et ex-secrétaire du CHSCT jusqu’en 2013.
 

Tiers de confiance
 

Pas forcément facile de donner l’alerte sur le harcèlement dont on considère être la victime. Dans ce cas, le salarié qui ne se sent pas suffisamment en confiance pour lancer les choses auprès de la direction a la possibilité d’en parler avec l’élu du CSE de son choix, même un suppléant. Ce dernier peut alors lancer un droit d’alerte pour atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale, avec la possibilité de saisir en référé le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes. « C’est une procédure simplifiée car il n’y a pas besoin d’un vote en CSE pour lancer une enquête conjointe avec la direction. Ce droit d’alerte se révèle très efficace pour faire bouger des employeurs ou des élus de CSE qui seraient moins sensibles au sujet », explique Christine Fourage, secrétaire générale du syndicat CGT de l’enseignement et de la formation privés, qui invite les élus à ne pas hésiter à externaliser le travail d’enquête. « Les directions et les élus ne sont pas des spécialistes de la conduite des entretiens et de l’exploitation des informations recueillies », considère la responsable du syndicat qui rappelle que « le cahier des charges de l’enquête est pleinement à la main des élus ». Sous réserve de garantir la confidentialité, rien n’empêche un CSE d’informer les salariés sur l’analyse d’une situation de harcèlement. L’exercice de la communication sur les affaires se révèle très délicat.
 

Limiter radio moquette
 

À Bordeaux, sur le site DMS de Thales (1 000 salariés), la direction locale a récemment mené deux enquêtes pour harcèlement sexuel après que le DRH du site a été saisie en tant que référent de la direction sur ce sujet. Dans les deux cas, le référent de harcèlement du CSE a été informé de ces alertes et l’instance a été tenue au courant des modalités des enquêtes unilatéralement menées par la direction et la référente CSE. Dans le premier cas, il s’agissait de harcèlement par chat orchestré par un chef de projet sur plusieurs salariées pendant le premier confinement. Les traces y étaient visibles. L’affaire a vite été pliée, avec une exfiltration du cadre harceleur sur un autre projet, sur le même site, au grand désespoir de son management de le voir partir. La direction du projet accueillante a été mise au courant de l’affaire et du devoir de vigilance que cela sous-entendait. Dans le second cas, vidéosurveillance à l’appui, un cadre a été licencié sur le champ après avoir déclaré sa flamme à une salariée d’un prestataire d’une telle manière que celle-ci a eu peur. « Ces deux affaires ont fait parler dans les couloirs et la nature différente des sanctions n’a pas bien été comprise par une partie des salariés. Comme un « deux poids, deux mesures », même si les situations sont différentes. Cela aurait mérité une communication beaucoup plus claire de la part de la direction pour justement limiter l’effet « radio moquette » », explique Cyril Giraud, délégué syndical CFE-CGC, élu CSE et CSSCT Thales DMS Bordeaux, que le cadre harceleur par chat est venu trouver pour le conseiller dans sa défense. « Tout ce que je pouvais lui dire était de prendre toute ses responsabilités », confie l’élu dont le CSE a considéré qu’une enquête paritaire ne se justifiait pas dans ces deux affaires.