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Comment compenser le service universel postal par des aides financières de l'État ?
Le 22 juillet, le Premier Ministre a réuni et tenu à présider « le comité de haut niveau » chargé d’examiner le contrat d’entreprise 2018-2022, entre l’État et la Poste.
Dans un premier temps, les membres de ce comité se sont successivement exprimés pour partager les constats sur la situation de l’entreprise : Jean Castex (Premier Ministre), Philippe Wahll (PDG de la Poste), Jean Launay (ancien parlementaire et rapporteur missionné par le Ministre de l’Économie, Bruno Le Maire également présent), Patrick Chaize (sénateur et président de l’observatoire national de la présence postale), Mireille Clapot (députée et présidente de la commission supérieure du numérique et des postes) et Laure de La Raudière (présidente de l’ARCEP).
Outre la prise de parole du président de la Poste sur la situation de l’entreprise, frappée par la transformation de son modèle basé sur le courrier et son plan stratégique destiné à l’amener vers un modèle « autoporteur », Jean Launay a fait la synthèse du rapport qu’il a remis au Ministre de l’Économie.
Il préconise notamment de maintenir certains principes de fonctionnement actuels du service universel postal : la distribution du courrier 6 jours sur 7, la présence d’un réseau de points de contacts important (17 000) et le maintien d’une politique tarifaire abordable et maîtrisée. Alors que la consommation postale des ménages est passée de 45 plis par an en 2008 à 5 en 2020 et 2 en perspective, il invite la Poste à réfléchir à la création d’une nouvelle gamme basée sur une offre en J+3.
À la suite de ces constats, le Premier Ministre a déclaré que l’État et le gouvernement allaient prendre leurs responsabilités concernant la compensation financière des missions de service public. Mais de quelle façon ?
L’État s’engage à compenser le service universel postal à hauteur de 500 millions d’euros par an. Il va également compenser la mission d’aménagement du territoire à hauteur de 174 millions d'euros. Même si ces compensations financières restent en dessous du coût réel des missions de service public qui resteront déficitaires, il faut reconnaître l’engagement fort de l’État sur cette question essentielle pour assurer la pérennité de l’entreprise.
Le Premier Ministre a ensuite donné la parole aux organisations syndicales et aux associations de consommateurs.
Lors de notre intervention, nous avons commencé par rendre hommage à tous les postiers, à leur engagement, à leur professionnalisme et à leur sens du devoir, lesquels ont notamment été mis en valeur durant la pandémie. En assurant l’ensemble des missions de service public pendant la crise sanitaire, ils ont démontré l’importance et la nécessité du maintien du lien social de proximité tissé avec l’ensemble des citoyens de manière encore plus nette.
Nous avons insisté sur les conséquences de la « non-compensation » des missions de service public par l’État sur la viabilité du modèle économique de la Poste et sur ses résultats opérationnels et financiers et, de fait, sur ses graves répercussions sur l’emploi, les conditions de travail et les salaires des postiers. À ce titre, nous avons fait observer que près de 83 % des postiers ont une rémunération annuelle inférieure au salaire médian français. Même si ces compensations restent en deçà du coût réel pour correctement assurer ces missions, notre organisation syndicale se félicite de cet engagement de l’État pour aujourd’hui et de manière durable, condition indispensable au maintien du modèle social postal et à l’amélioration des conditions de travail et des rémunérations.
À la suite des interventions des organisations syndicales, les associations de consommateurs ont dit leur satisfaction de voir le renforcement des missions de service public et leur financement par l’État. Elles ont également insisté sur les améliorations attendues en matière de présence postale effective, d’implantations de DAB en rural, de maintien des tournées 6 jours sur 7 et d’une meilleure qualité de service.
Bruno Le Maire (Ministre de l’Économie) et Jacqueline Gouraud (Ministre des Territoires et de la Cohésion sociale) ont également dit leur souhait d’un engagement de la Poste à développer la qualité de service rendue aux clients en retour des engagements pris par l’État, tout en continuant de développer l’entreprise dans le secteur concurrentiel.
Pour notre part, nous avons rappelé notre exigence forte pour que la Poste investisse dans son capital humain en faveur de l’emploi, des conditions de travail et des rémunérations.
En conclusion de son intervention, la secrétaire générale de FO com' a rappelé la citation d'Yves Veyrier (secrétaire confédéral de Force Ouvrière) en écho aux nombreuses prises de paroles politiques lors de ce comité : « Le service public, c’est l’investissement de la Nation pour l’égalité et la fraternité, sans lesquelles il n’y a pas de libertés. Il n’y a pas de République sans service public. Car les services publics sont la République ».